La menace du « portail blanc » en bibliothèque paraît s’éloigner …

h-20-1301822-1225352169Parmi les proposition les plus contestables qui ont été émises au cours du débat au Parlement sur la Loi Hadopi figure celle de l’instauration d’un « portail blanc » pour filtrer les accès publics WiFi à Internet et les limiter à une liste de sites validés a priori, pour éviter l’accès à des contenus illégaux.

Cette proposition avait été formulée par la Ministre de la Culture, Christine Albanel, à l’occasion de son audition par la Commission des lois de l’Assemblée nationale, le 17 février dernier, en s’appuyant sur des travaux déjà en cours au niveau du Conseil Général des Technologies de l’Information (CGTI).

J’avais déjà eu l’occasion de réagir à cette idée de portail blanc et de pointer les menaces que ce système de filtrage pouvait faire peser sur l’exercice de nos missions. L’IABD a par ailleurs fermement pris position contre le portail blanc, au nom des professionels de l’information qu’elle représente (communiqué ici et argumentaire là).

Il semblerait à présent que la menace du portail blanc s’éloigne … au moins pour un temps.

Interrogée à ce sujet à l’occasion d’une réunion du groupe UMP sur le projet Hadopi, la Ministre a déclaré avoir finalement abandonné l’idée d’une liste blanche pour les hotspots WiFi.

À bien y réfléchir, pour les sites Wi-Fi, à vrai dire, j’ai le sentiment que c’est très incommode d’aller pirater depuis une borne dans un jardin, ce n’est pas terrible en termes de débit, nous a confiée la ministre. Et je pense qu’il vaut mieux avoir recours à la voie de l’injonction et de demander à une collectivité de sécuriser ses bornes et de faire confiance au fait que c’est très peu pratique et avoir recours à des dispositifs pare-feu. »

Petite citation qui en dit quand même long sur le mode de raisonnement ministériel et la place accordée à la question des droits et libertés dans le débat. Il n’y a plus qu’ à espérer que les jardins publics ne deviennent pas trop confortables et que le débit des connections WiFi en bibliothèque n’augmente pas trop vite ! On croit rêver quand même !

Et cela laisse une question en suspens pour les bibliothèques. Certes le filtrage a priori de nos accès WiFi n’est plus à l’ordre du jour. Mais la Ministre envisage que l’Hadopi puisse nous enjoindre d’utiliser certains moyens techniques « labellisés » pour sécuriser les connections. A quels coûts ? Selon quelles modalités ? Toutes les collectivés seront-elles capables de répondre à ces demandes ?

Et qui nous dit que ces moyens techniques Hadopi ne comprendront pas des systèmes de filtrage qui seront des fomes insidueuses de « portail blanc » ?

L’IABD a également produit une synthèse sur les risques que la Loi Hadopi comporte en termes d’engagement de la responsabilité des établissements fournisseurs d’accès publics à Internet, qui pointe ces aspects (et d’autres tout aussi réjouissants).

L’abandon du portail ne devrait pas nous dispenser dans la profession de réfléchir sur la question des usages d’internet dans nos établissements et la manière de mettre en avant le rôle que nous pouvons jouer dans la formation et l’accompagnement des usagers. Comment montrer aux pouvoirs publics que les bibliothèques ne sont pas des zones de non-droit, mais des espaces d’usage maîtrisé d’Internet ?

A lire également sur ce sujet pour élargir la perspective, cette étude de Reporters Sans frontrières qui vient d’épingler 12 pays mettant en place d’inquiétantes mesures de filtrage d’Internet.

Parmi ces pays figure l’Australie qui étudie un projet de loi imposant  » tous les fournisseurs d’accès de filtrer la connexion internet dans chaque foyer afin d’écarter tout contenu « inapproprié », au nom de la lutte contre la pédopornographie et la diffamation et pour la défense du droit d’auteur« . Un portail blanc en somme …

Et la Corée du Sud qui est accusée de recourir à des « moyens disproportionnés de régulation », susceptibles de déboucher sur des « atteintes graves à la confidentialité« . Comme avec la riposte graduée d’Hadopi …

Avons-nous vraiment envie que la France figure sur ce type de listes ?

(PS : alors que je m’apprêtais à publier ce texte, je tombe sur ce billet « Le gouvernement veut surveiller Internet, et alors« , écrit par une personne sûrement moins émotive que moi, qui donne des arguments intéressants dans l’autre sens).


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