Le pays de Brest, territoire des biens communs (à propos des conditions de possibilité juridique du Web 2.0)

J’avais indiqué dans un billet précédent que je me pencherais sur les aspects juridiques du web 2.0. Vaste question que je ne savais pas très bien par quel bout attraper …

Heureusement, la ville de Brest lance par le biais du site @Brest une initiative « Brest en biens communs » qui me donne une occasion en or d’aborder la question des rapports entre l’animation  d’une communauté ou d’un territoire par le biais d’outils 2.0 et le choix de modèles juridiques ouverts.

Didier Barde (CC by-nc-sa) Image tirée de la photothèque coopérative "Un zef d'images"
La place de la Liberté à Brest / Didier Barde (CC by-nc-sa) Image tirée de la photothèque coopérative "Un zef d'images"

Le pays de Brest se signale en effet par un fort dynamisme 2.0, tant de la part des acteurs publics que privés, qui se manifeste par un réseau de plusieurs dizaines de sites collaboratifs dont voici une petite sélection : l’encyclopédie locale participative Wiki-Brest, les sites Territoires sonores, Brest métropole océane vue du ciel ou l’encyclopédie wiki-débrouillard, le portail Médiablog coopératif @ Brest qui recense les productions multimédias de dizaines de blogs, la photothèque collaborative Un Zef d’images, un Bureau libre – Free – EOS pour les logiciels libres …

On peut se faire une meilleure idée de ce foisonnement créatif par le biais de l’univers Netvibes d’ @ Brest. Les Bibliothèques de Brest ne sont pas en reste et contribuent à l’animation numérique du territoire par le biais d’un recours intensif aux outils 2.0 : Démothèque musicale sur MySpace, vidéos sur Dailymotion, participation à Wiki-Brest, partage de signets avec Delicious ou Diigo, univers Netvibes Bibliobrest, portail de petites annonces musicales music@Brest, documents disséminés sur Issuu.

Ce que je trouve intéressant dans ces projets, c’est la cohérence des choix juridiques qui ont été effectués par les différents acteurs et la manière dont l’option en faveur des solutions libres et ouvertes est utilisée dans la communication pour la promotion de leurs initiatives.

Le site @Brest procède au recensement des contenus ouverts produits sur la Toile par les acteurs du pays de Brest et la liste est impressionnante.

Il peut s’agir de photographies, de textes, de sites, de créations artistiques placées sous licence libre (Creative Commons dans la majorité des cas ou licence Art Libre) ou des multiples wikis développés au niveau local, placés en général sous la licence libre GFDL (General Free Document Licence – la licence utilisée par Wikipédia). Il est intéressant de noter que si les acteurs privés sont encore plus nombreux à opter pour ces licences ouvertes, leur usage se répand aussi chez les acteurs publics, comme des lycées ou certaines communes, même s’il reste visiblement des progrès à faire de ce côté.

Ce statut juridique ouvert est une condition majeure de possibilité des initiatives 2.0, qui nécessitent pour pouvoir se développer un cadre juridique plus souple que celui qui découle du seul jeu des règles traditionnelles de la propriété intellectuelle. A l’inverse de l’approche classique « Tous droits réservés », le Copyleft transforme les créations culturelles en « biens communs », qui peuvent librement circuler, se diffuser et venir alimenter à leur tour de nouvelles initiatives. L’exemple de Brest montre que lorsque ces biens communs atteignent une certaine masse, un cercle vertueux s’enclenche grâce auquel la création engendre la création, en profitant des modes de relations fluides et de la sécurité juridique que génèrent les licences libres.

Serait-ce du SILex ? Mathilde Desmarez (CC by-nc-sa)
Serait-ce du SILex ? Mathilde Desmarez (CC by-nc-sa)

On est loin des idées fort en vogue actuellement, qui voudraient que la création ne puisse s’épanouir que dans un contexte commercial … Dire que le nom officiel de la Loi Hadopi est « projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet » …

Bravo donc à la ville de Brest, qui prépare pour le mois de septembre 2009 une semaine de manifestation autour des biens numériques mis en commun, dont le programme paraît déjà bien alléchant (sur un wiki créé pour l’occasion) et que je ne manquerai pas de suivre avec attention.

J’avais déjà eu l’occasion dans un article d’essayer de montrer le parti que les bibliothèques pouvaient tirer des licences libres Creative Commons et plus largement de l’alternative juridique que constituent les solutions proposées par le Copyleft.

Il me semble que le développement des projets 2.0 en bibliothèque ne peut qu’accélérer l’appropriation de ces outils juridiques par la profession. La part que peuvent prendre les bibliothèques dans ce mouvement, au niveau d’un territoire ou de communautés en ligne, est d’ailleurs loin d’être négligeable. Nos établissements peuvent bien sûr produire directement des contenus libres qui deviendront des biens communs, mais aussi signaler et agréger des contenus produits par d’autres ou inciter les créateurs à déposer leurs contributions dans des sortes d' »archives ouvertes de la création » qu’elles pourraient mettre en place …

Imaginons un instant que d’autres territoires se structurent et s’organisent comme ont su le faire les acteurs publics et privés à Brest. On verrait se dessiner au niveau national un nouveau paysage de la création, avec ses réserves de biens communs, ses projets, ses réseaux, ses dynamiques, ses synergies … et des bibliothèques infiniment plus proches des forces vives de la création qu’elles ne le sont aujourd’hui !

Et si on essayait ?

Stéphane Daniel (CC by-nc-sa)
Stéphane Daniel (CC by-nc-sa)

4 réflexions sur “Le pays de Brest, territoire des biens communs (à propos des conditions de possibilité juridique du Web 2.0)

  1. C’est clair qu’à Brest ils ont un temps d’avance, je suis toujours impressionné par l’intitulé même de ce dont les élus s’occupent : « Vice-président en charge de l’économie sociale et solidaire et de l’aménagement numérique du territoire ». belle association non ?

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