La Commission européenne veut lever les obstacles juridiques à la numérisation … et nous ?

Vendredi dernier, la Commission européenne a publié une communication « Europeana next steps » (voir ici pour le texte en français), qui marque peut-être un tournant décisif dans la manière d’appréhender la numérisation en Europe. Hélas, l’appréciation qui en a été faite dans la presse et dans les médias me paraît assez mal rendre compte des intentions de la Commission et je voudrais dans ce billet essayer de clarifier les choses.

Les commentaires se sont en effet focalisés sur les déclarations de Viviane Reding, la Commissaire chargée de la société de l’information et des médias, qui ont accompagné la publication de ce texte. Celle-ci avait décidé de taper fort du poing sur la table, en pointant du doigt la lenteur du rythme de développement de la bibliothèque numérique européenne, Europeana, et le manque de volonté politique des états-membres de l’Union. Face à cette défaillance de l’initiative publique, Viviane Reding estime que la piste des partenariats avec le privé devrait être plus sérieusement explorée, à commencer par le champion toutes catégories en la matière, Google Book Search.

Et les commentateurs de s’arrêter à cette ligne et de clamer aussitôt que Bruxelles soutient les efforts de Google Books...

Certes dans le contexte actuel, cette partie du discours de Viviane Reding a une importance certaine. Mais l’essentiel était ailleurs ! Et pour cerner véritablement la portée du geste de la Commission, il est nécessaire de ne pas s’arrêter à cette déclaration de presse et d’aller au texte même de la Communication. Chose que visiblement bien peu de monde a jugé utile de faire (il faut se tourner vers les médias étrangers pour trouver des commentaires moins superficiels : voir ici ou ).

Or ce que pointe la Commission, c’est avant tout le fait que les obstacles à la numérisation en Europe sont de nature juridique et que c’est à ce niveau qu’une action doit être menée si l’on veut que la situation se débloque

LEnlèvement dEurope. Lille, Palais des Beaux-Arts. RMN. Source : Europeana.
L'Enlèvement d'Europe. Lille, Palais des Beaux-Arts. RMN. Source : Europeana.

Viviane Reding le dit d’ailleurs clairement dans sa déclaration, au titre explicite « Une bibliothèque numérique deux fois plus grande mais handicapée par le manque d’accords sur le droit d’auteur »

(..)les progrès considérables réalisés par Europeana ont aussi mis en lumière les défis et les problèmes liés au processus de numérisation. Pour le moment, Europeana comporte essentiellement des livres numérisés faisant partie du domaine public, autrement dit qui ne sont plus protégés par le droit d’auteur (lequel s’applique pendant 70 ans après la mort de l’auteur).

À l’heure actuelle, Europeana, pour des raisons juridiques, ne compte pas d’œuvres épuisées (soit 90 % des ouvrages des bibliothèques nationales européennes) ni d’œuvres orphelines (qui représenteraient 10 à 20 % des collections soumises au droit d’auteur), qui sont des documents soumis au droit d’auteur mais dont l’auteur ne peut être identifié.

Par ailleurs, Europeana a révélé à quel point le cadre juridique pour l’utilisation d’œuvres protégées était fragmenté en Europe.

Et la Commission de lancer dans la foulée une consultation auprès de tous les acteurs concernés sur l’avenir d’Europeana et la numérisation des livres, portant sur les questions suivantes :

Comment faire en sorte que les œuvres numérisées soient accessibles à tous les Européens? Faut-il renforcer la coopération avec les éditeurs en ce qui concerne les œuvres soumises au droit d’auteur? Serait-il souhaitable de créer des registres européens des œuvres orphelines et épuisées? Comment Europeana devrait-elle être financée à long terme?

Vous lisez bien comme moi : ce sont les questions juridiques qui sont mises en avant et le problème du financement vient ensuite. Il ne me semble pas que la plupart des commentaires aient tenu compte de cet ordre de priorité.

Je vous propose d’aller plus loin et de regarder attentivement de quoi il retourne en parcourant le texte même de la Communication.

EUROPA delineata et recens edita. Par Nicolaum Visscher. Koninklijke Bibliotheek, The Hague. Source : Europeana

La Commission rappelle tout d’abord qu’Europeana n’a pas et n’a jamais eu vocation à être uniquement un projet patrimonial. Le slogan d’Europeana pour mémoire, c’est « Think Culture » et pas « Think Heritage » , et la culture ne s’arrête pas à la barrière des droits d’auteur ! La Commission prend soin de rappeler que l’intégration d’œuvres sous droits plus récentes constitue bien un des objectifs fondamentaux de l’entreprise :

L’un des principaux défis pour Europeana consiste à intégrer du matériel soumis au droit d’auteur de façon à éviter une occultation des oeuvres du 20e siècle, c’est-à-dire une situation dans laquelle une grande partie du matériel culturel d’avant 1900 soit accessible sur le web mais où très peu de matériel du passé récent soit disponible.

Or en l’état actuel du droit européen, le seul moyen pour une institution culturelle de numériser une œuvre sous droits, hormis le champ réduit de quelques rares exceptions, consiste à conclure un accord contractuel avec les titulaires de droits. Tâche qui n’est certes pas impossible, mais qui s’avère toujours longue et complexe, et ne peut se concevoir dans le cadre d’une opération de numérisation de grande envergure.

Encore faut-il qu’il soit possible de trouver quelqu’un avec qui négocier. Or c’est très loin d’être toujours le cas : la Commission attire l’attention sur le problème « des oeuvres dont il est impossible ou très difficile de retrouver les ayants-droits », celles que l’on appellent les oeuvres orphelines, qui sont au coeur de la polémique qui entoure aujourd’hui le Règlement Google Book Search.

La Commission insiste sur l’importance de trouver une issue à cette impasse juridique dans laquelle le système s’est lui-même enfermé. Et cela passe selon elle par des « solutions impliquant les ayants droits et les institutions culturelles« . Plus facile à dire qu’à faire …

Au passage, la Commission s’attarde sur un autre problème majeur du système européen : celui de la définition du périmètre du domaine public. Celui-ci en effet est plus vaste et plus facile à déterminer aux Etats-Unis qu’en Europe puisque la législation américaine fixe une date butoir (1923) en deçà de laquelle les œuvres sont réputées être tombées dans la domaine public. Simple et efficace. En Europe, les choses sont beaucoup plus complexes : le domaine public commence en principe 70 ans après la mort de l’auteur. Ce qui signifie qu’il est nécessaire de savoir qui est l’auteur de l’œuvre et quelle est sa date de décès. Or par définition pour les œuvres orphelines, ces informations sont manquantes : le domaine public reste environné en Europe par une large zone d’incertitude, qui gêne considérablement les institutions culturelles dans leurs entreprises de numérisation en les forçant à mener de fastidieuses recherches pour tracer la frontière des droits.

Sans compter le paradoxe qu’a révélé l’affaire Google Book Search : les oeuvres européennes antérieures à 1923 que Google a trouvées dans les fonds des bibliothèques partenaires américaines peuvent être numérisées et diffusées selon la loi US mais pas en Europe où le droit d’auteur est plus strict (ou mal fait, c’est selon !). En gros, le byzantinisme du droit d ‘auteur européen fait que notre patrimoine est plus facilement accessible aux Etats-Unis … qu’en Europe !

Ce passage sur les oeuvres orphelines se termine par une proposition très audacieuse que la Commission ne s’était jusqu’à présent jamais risquée à avancer : « l‘utilisation pragmatique d’une date butoir qui abaisserait le seuil de recherche diligente des oeuvres antérieures à une certaine date« . Une solution très proche de celle du droit américain, qui résoudrait bien des difficultés auxquelles sont confrontés les institutions culturelles.

La Commission met aussi l’accent sur une autre problématique juridique essentielle dont j’ai déjà eu l’occasion de parler à plusieurs reprises dans S.I.Lex : celle du statut du domaine public une fois numérisé et de sa réutilisation. Ce faisant, elle remet en question les pratiques d’une grande partie des institutions culturelles, qui « copyrightent » les œuvres du domaine public à l’issue de la numérisation et bloquent leur réutilisation.

Une grande partie du matériel accessible par Europeana sous forme numérique est dans le domaine public. Cela signifie qu’il n’est pas ou plus couvert par le droit d’auteur et que quiconque peut, en principe, y accéder et l’utiliser. Ce matériel constitue une source importante de réutilisation, pour les particuliers comme les entreprises, et un facteur de créativité à l’ère d’internet. C’est pourquoi la Commission a souligné la nécessité de faire en sorte que les oeuvres qui sont dans le domaine public restent accessibles après un changement de format. En d’autres termes, les oeuvres qui sont dans le domaine public devraient y rester une fois numérisées et être rendues accessibles par l’internet.

Dans la pratique, ce n’est pas toujours le cas. Si certaines institutions culturelles indiquent expressément que le matériel qu’elles fournissent à Europeana sont dans le domaine public, d’autres réclament des droits sur les exemplaires numérisés et/ou font payer les téléchargements.

Et la Commission de mettre le doigt exactement là où ça fait mal : sur le fondement juridique très incertain des restrictions d’usage imposées par les institutions culturelles sur les oeuvres du domaine public.

Du point de vue juridique, la question est de savoir si la numérisation en soi crée de nouveaux droits. En principe, tel n’est pas le cas (…) La question est de savoir s’il est acceptable de verrouiller du matériel relevant du domaine public qui a été numérisé à l’aide de fonds publics par des institutions publiques au lieu d’en faire un bien à diffusion universelle dans la société de l’information

La Commission remarque également que le droit des pays européen en la matière n’est pas uniforme et des incertitudes importantes demeurent qui devraient être harmonisées (annonce peut-être d’une future directive sur le domaine public ? On en rêve !).

Quel est le sens en effet de la numérisation du patrimoine si cette opération conduit à faire renaître des droits sur les oeuvres ? (les lecteurs de S.I.Lex verront sans doute un lien entre ce questionnement de la Commission et l’affaire qui a défrayé la chronique cet été, opposant la National Portrait Gallery avec un utilisateur de Wikipédia, ayant choisi de télécharger 3000 portraits numérisés pour les « libérer » sur l’encyclopédie en ligne pour protester contre les pratiques commerciales de ce musée anglais).

Avec cette communication, la Commission entame un véritable changement de paradigme dans sa manière de concevoir les choses. Elle considère en effet que la numérisation ne pourra progresser en Europe qu’à la condition de donner aux institutions culturelles les moyens juridiques de remplir leurs missions, notamment en ce qui concerne les oeuvres orphelines et les oeuvres épuisées. Par ailleurs, si elle considère que les partenariats publics-privés peuvent s’avérer utiles pour accélérer la cadence, elle rappelle dans le même temps que les institutions culturelles ont avant tout une mission d’intérêt général, qui implique que les oeuvres du domaine public numérisés ne soient pas « verrouillées » juridiquement, mais au contraire ouvertes à la réutilisation.

Les Forces de lEurope. Par Mortier Pieter. Amsterdams Historisch Museum . Source : Europeana
Les Forces de l'Europe. Par Mortier Pieter. Amsterdams Historisch Museum . Source : Europeana

Il me semblait important de retourner au texte-même pour apporter ces précisions, mais je voudrais aller plus loin en soulevant une dernière question : la Commission veut lever les obstacles juridiques à la numérisation, mais nous en France, que sommes-nous prêts à faire de notre côté ?

En ce qui concerne les oeuvres orphelines on peut sérieusement avoir des doutes. En 2008, un rapport a été publié sur cette question par le CSPLA (Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique) à la demande du Gouvernement (qui s’en souvient ?). Il contenait quelques pistes intéressantes, mais il a aussi fait l’objet de fortes critiques dans la mesure où ces conclusions tendaient à mettre en place une sorte de rente au profit des sociétés de gestion collective, sans offrir de moyen d’action réellement efficace aux institutions culturelles pour conduire leurs projets de numérisation à grande échelle (j’avais eu l’occasion d’en dire deux mots ici). Pire que cela, ces propositions sont restées lettre morte à ce jour et ont disparu de l’agenda politique : nous avons basculé dans l’épisode Hadopi qui a accaparé l’attention du gouvernement et il était impossible dans cette foire d’empoigne parlementaire d’aborder un problème aussi complexe que celui des oeuvres orphelines.

Mais les racines du mal français sont beaucoup plus profondes. On oublie en effet qu’en 2005, un autre rapport était paru, celui du Conseiller d’Etat François Stasse, qui avait formulé des propositions concrètes pour permettre aux bibliothèques de diffuser des oeuvres épuisées (qu’il désignait alors par le concept de zone grise). L’idée consistait à permettre à l’initiative publique de prendre le relais lorsque l’initiative privée cesse d’assurer commercialement la diffusion des oeuvres (= 90% des fonds de bibliothèques d’après Viviane Reding) . Le gouvernement aurait pu s’appuyer sur ces propositions et donner à la France une avance considérable en matière de numérisation, mais il ne l’a pas fait. Il a préféré s’engager dans le passage en force de la loi DADVSI et l’engrenage insensé des DRM

Dans ces lois, qu’a-t-on donné aux bibliothèques pour leur permettre de numériser ? Rien. Ou si peu … Une exception seulement (Art. 122-5.8 CPI) qui est sensé leur permettre de reproduire des oeuvres endommagées à des fins de conservation, mais si mal écrite en 2006 dans la loi DAVSI qu’elle est restée inapplicable pendant 3 ans et qu’il a fallu une action musclée de lobbying associatif (IABD) pour obtenir qu’elle soit enfin reformulée par la loi Hadopi. Mais elle demeure toujours si étroite qu’elle ne permet que la diffusion des oeuvres sur place et pas sur Internet…

Combien de rapports faudra-t-il enterrer avant de s’attaquer aux vrais problèmes ? Comment s’étonner qu’avec des moyens juridiques aussi restreints la numérisation conduite par les bibliothèques françaises ne puisse pas s’attaquer au trou noir du 20ème siècle ?

Et les choses ne semblent hélas pas prêtes de s’arranger. La Commission européenne a en effet lancé en 2008 un Livre Vert « Le droit d’auteur dans l’Economie de la Connaissance » qui soulevait déjà la question des oeuvres orphelines et des exceptions en faveur des bibliothèques. Ce document a fait l’objet d’une appel à commentaires qui a suscité des centaines de réponses en provenance des quatre coins de l’Europe. Mais je vous conseille d’aller jeter un œil en particulier à celle du gouvernement français : on peut difficilement imaginer position plus fermée et plus conservatrice en matière de droit d ‘auteur. Protection absolue du monopole des titulaires ; aucune ouverture des exceptions ; rien sur les bibliothèques et leur rôle dans la numérisation.

Quant à la question de l’accès au domaine public numérisé, je pose la même question : que sommes-nous prêts à faire ? Je me suis lancé en juin dans une étude systématique des conditions de réutilisation des documents numérisés par les bibliothèques françaises et j’ai constaté avec un certain effroi que dans près de 80 % des cas, il était impossible de réutiliser les oeuvres en ligne, y compris pour les motifs les plus légitimes (usages pédagogiques, recherche). Beaucoup d’établissements « copyrightent » les oeuvres du domaine public qu’ils diffusent sans autre forme de procès et sans s’interroger le moins du monde sur la validité légale de telles pratiques.

Et bien pire que cela … dans près de deux tiers des cas, les mentions légales des bibliothèques publiques françaises sont plus restrictives que celle de Google Book Search (Pas d’utilisation commerciale, pas de suppression du marquage).

Dans ces conditions, quel peut bien être le sens de l’action publique ? Qu’est-ce qui peut bien justifier que l’on préfère passer par des opérateurs publics que privés ? Qu’est-ce qui est préférable au fond pour la diffusion du savoir ?

La Commission nous tend une perche pour lever les obstacles juridiques à la numérisation. Elle le fait depuis des années, à grands renforts de rapports d’experts, de Livres Verts, de Memorandum of Understandig, d’évaluations, de communications … ad nauseam ! Mais elle ne peut faire que cela. Elle ne peut pas décider à la place des Etats. Elle ne peut pas non plus se substituer aux institutions culturelles, ni déterminer leurs pratiques.

Amerika und Europa. Par Meyer Friedrich Elias. SLUB/Deustche Fotothek. Source Europeana

Depuis toutes ces années, le vide juridique persistant a profité et profite toujours à Google qui a su utiliser sa force de frappe contentieuse pour produire un Règlement qui va lui permettre – et à lui seul – de numériser et de commercialiser les oeuvres orphelines et épuisées qui continuent à gripper la machine de la numérisation en Europe.

Une loi privée est sur le point d’accomplir ce que la loi publique n’a pas su faire … nous nous acheminons vers une grande défaite démocratique …

La Communication de la Commission et la consultation qui l’accompagnent sont peut-être la dernière opportunité que nous pouvons saisir pour faire émerger une solution européenne à ces problèmes.

Cette fois-ci, il n’y aura pas de nouvelle chance.


PS : il ne vous aura pas échappé que les images qui illustrent ce billet sont globalement de mauvaise qualité. Elles proviennent toutes d’Europeana.

J’avais envie d’illustrer ce billet sur la numérisation en Europe en allant chercher des images sur Europeana. Quoi de plus naturel après tout ? Sauf qu’une fois là-bas, rien n’est prévu pour récupérer des images. Dans la plupart des cas, on n’accède qu’à des vignettes si petites et en résolution si faible qu’elles donnent ce résultat visuel médiocre dès qu’on tente de les agrandir un peu.

Et pour les quatre images qui figurent dans le billet, il m’a fallu violer leur mention légale pour les réutiliser, alors qu’elles appartiennent sans doute possible au domaine public.

Je n’ai pas réutilisé sauvagement ces images : j’ai indiqué le titre de l’oeuvre, le nom de l’auteur, l’institution dont elle provient, la source et j’ai fait un lien en retour vers Europeana. Je ne crois pas être un barbare numérique.

Mais je suis quand même quatre fois coupable de contrefaçon, simplement parce que j’ai voulu faire un tour sur Europeana et récupérer des images que j’espérais belles pour illustrer un billet de blog sans aucune visée commerciale. Comme si j’avais téléchargé illégalement le dernier hit musical à la mode…

La Commission estime qu’il y a un gros problème avec la diffusion et la réutilisation du domaine public numérisé. Elle a mille fois raison !

La prochaine fois que je chercherai des images pour mon blog, j’irais sur Wikimédia Commons ou sur Flickr …






14 réflexions sur “La Commission européenne veut lever les obstacles juridiques à la numérisation … et nous ?

    1. Merci pour ton appréciation et pour ta lecture attentive.

      J’écris pas mal de mes billets à la lumière de la chandelle et à une heure que la morale réprouve. D’où un certain nombre de coquilles que je laisse (et qui me désolent, mais bon …)

      Ton commentaire me fait penser que l’on voit passer pas mal de choses intéressantes sur le statut juridique du jeu vidéo en ce moment : ici et par exemple.

      Le jeu vidéo est un objet fascinant du point de vue juridique, car il refuse en général de se faire enfermer dans les « cases » bien construites par les juristes.

      Et j’avoue que j’aime bien ça !

  1. Merci pour cet excellent billet.

    Ce qu’on peut espérer, avec toutes ces discussions, disputes, polémiques etc, c’est que les véritables questions qui sont posées commencent à entrer dans le champ des problématiques « populaires ». Je m’explique :

    Quand on parle de droit d’auteur, d’œuvre orpheline, des problématiques de numérisation, pour la plupart des gens ça ne veut rien dire. Il n’y a finalement pas grand monde qui s’intéresse à cela.

    Médiatiser (et le faire intelligemment si possible !) ces problématiques, c’est aussi un moyen pour que l’opinion s’en saisisse. Comme nos dirigeants (quels qu’ils soient) fonctionnent la plupart du temps en fonction de l’opinion, il y a tout intérêt à ce que cette opinion soit massivement au courant de ces débats.

    Pour l’instant, de ce que j’ai pu en voir dans les médias, les réactions « populaires » sont majoritairement en faveur d’une plus grande possibilité de diffusion des œuvres. Si cela pouvait faire évoluer les politiques, notamment sur les œuvres épuisées ou orphelines…

    À ce propos je me permet de signaler l’initiative de l’éditeur In Libro Veritas qui tente de faire ré-imprimer à la demande des ouvrages épuisés ou plus diffusés mais encore sous droit d’auteur : à mon avis il va dans le bon sens ( http://www.ilv-bibliotheca.net/blog/index.php?post/2009/07/03/InLibroVeritas-invente-la-deuxi%C3%A8me-vie-du-livre )

    1. Bonjour,

      Oui, vous avez raison. J’ai toujours pensé que la numérisation, avant d’être une question documentaire, technique, financière ou juridique, relevait de l’ordre du politique. Et si c’est le cas, alors il faut que les citoyens et l’opinion publique s’emparent de la question pour l’imposer à l’agenda des décideurs.

      C’est un peu le problème de la Commission européenne. Sans tomber dans l’accusation de technocratie, il est vrai que son discours reste très technique et c’est sûrement en partie pourquoi ses appels restent sans réponse depuis des années.

      Et j’ai bien conscience aussi que ce que j’écris est très technique aussi et ne peut de toute façon pas avoir d’influence en dehors d’une sphère très limitée (misère du blog …).

      Ce qui tendrait à me rendre un peu optimiste sur la question, c’est qu’il y a eu beaucoup d’articles écrits dans la presse ces derniers jours sur Europeana, Google et la BnF, y compris dans la presse quotidienne. La numérisation des livres commence à être un sujet qui fait les gros titres et intéresse l’opinion.

      Je connais In Libro Veritas et c’est une initiative bien sûr que je salue et encourage. Mais il ne peut s’agir que d’une solution partielle au problème. Car elle n’est pas applicable aux oeuvres orphelines pour lesquels l’auteur ou l’éditeur ont disparu de la circulation.

      A mon avis, la solution passe par une nouvelle loi, ou mieux par une directive européenne sur les oeuvres orphelines (mais le processus est si lent !).

  2. Merci pour les liens dans ton commentaire!

    Pour les bibliothèques, vu qu’il n’y a pas de droit de prêt du jeu vidéo, le code de la propriété intellectuelle nous oblige à demander les droits aux détenteurs pour chaque jeu qu’on voudrait prêter. Mais alors, si on considère désormais le jeu video comme une oeuvre de collaboration, à qui on est censé demander les droits? A l’éditeur, aux programmeurs, musiciens, graphistes, doubleurs?

    Quel casse tête! Vivement un article SILex là dessus ;-)

    1. J’imagine que le jeu des contrats va faire que les droits de l’ensemble des collaborateurs vont être transférés à l’éditeur du jeu vidéo (mais il lui faudra payer pour cela !).

      Du coup, l’éditeur sera l’interlocuteur à privilégier pour les demandes de prêt en bibliothèque. Mais j’imagine que la jurisprudence récente peut compliquer les choses, si la question des droits n’est pas réglée en amont.

      Le problème est d’ailleurs plus large que celui des jeux vidéos : il manque en France un droit de prêt des documents électroniques, la loi de 2003 étant formulée de telle manière qu’elle ne s’applique qu’au papier.

  3. Bonjour et merci pour votre article, excellent comme toujours. J’ai bien peur, quand vous vous posez la question du « sens de l’action publique », que la réponse soit justement qu’on veut empêcher le public de faire, au profit du privé. Je pourrais vous développer des pages d’arguments qui vont dans ce sens !
    Il y a un enjeu citoyen fort, que ce soit dans le domaine des livres ou dans celui des archives, que justement les citoyens ne perçoivent pas, ce dont des opérateurs qui n’ont d’autre déontologie que le commerce profitent largement…

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