Propulsion, Curation, Partage… et le droit dans tout ça ?

Alors que Google vient d’annoncer le lancement de son bouton de partage +1, à l’image du fameux like de Facebook, la juriste Murielle Cahen publie sur  le site Avocat Online une intéressante analyse, qui confronte ce type de fonctionnalités avec les principes du droit d’auteur à la française.

On a immédiatement évoqué les questions de protection des données personnelles à propos du nouveau bouton de partage +1 de Google, mais il est possible que le droit d'auteur finisse lui aussi par entrer dans la danse...

Son raisonnement, finement nuancé, tend à prouver que plusieurs principes du droit d’auteur, et notamment le droit moral, fragilisent ces pratiques de propulsion des contenus en direction des réseaux sociaux. Cela dit, il me semble que son analyse gagnerait à être complétée par la prise en compte du droit de courte citation, ainsi que d’une jurisprudence récente rendue à propos de l’exception de revue de presse. J’aimerais aussi, au delà de la question des boutons de partage et de la propulsion élargir la réflexion au domaine des nouveaux outils de curation des contenus, qui soulèvent à mon avis des questions encore plus épineuses de respect du droit d’auteur.

Si le droit américain dispose du fair use (usage équitable) pour donner un peu de souplesse au système, le droit français paraît assez mal équipé pour ménager une place à ces nouvelles pratiques de circulation des contenus sur Internet, qui tendent pourtant à façonner au quotidien l’expérience web des Internautes.

Quand les boutons de partage se frottent au droit moral…

La question de la légalité des boutons de partage peut paraître surprenante à première vue, étant donné que ces outils sont souvent mis en place volontairement par les producteurs de contenus sur leur propre site. On peut donc présumer que la simple présence d’un bouton de partage sur un site vaut autorisation implicite de l’utiliser. Sauf qu’en droit français, ce n’est pas si simple… comme le rappelle Murielle Cahen dans son article :

Lorsqu’un média en ligne intègre à son site un bouton de partage, non seulement il consent à la diffusion de l’article mais en plus il l’encourage.

On ne peut cependant pas parler de cession de droit d’auteur car une cession nécessite un formalisme particulier et notamment la rédaction d’un contrat.

Malgré le fait qu’il rende possible le partage l’article, et donc que le consentement à la reproduction soit avéré, l’auteur demeure titulaire des droits moraux sur son œuvre (article L121-1 CPI).

Si Murielle Cahen reconnaît qu’en présence d’un bouton de partage, on peut admettre que « le consentement à la reproduction [est] avéré« , le droit moral reste quant à lui inaliénable et malgré ce consentement implicite, l’auteur pourrait toujours être fondé à agir pour faire respecter son droit à l’intégrité de l’oeuvre ou son droit de paternité.

A titre d’exemple de méconnaissance au droit au respect de l’œuvre on peut citer le fait d’inclure l’œuvre sur une page contenant d’autres œuvres de moins bonne qualité, ou provenant d’auteurs différents aux opinions radicalement opposées.

Si l’auteur estime que le contexte dans lequel vous intégrer son œuvre grâce au partage la déprécie, il peut exiger la fin de l’atteinte portée à l’esprit de son œuvre par un retrait de la publication.

De plus le droit à la paternité permet à l’auteur de revendiquer à tout moment la mention de son nom et de ses qualités dans le cadre de votre publication.

Par ailleurs, si à l’occasion du partage par le biais du bouton, il y a ajout de contenu original (un commentaire, par exemple, ce qui peut se faire sur Facebook), Murielle Cahen estime que l’on se trouverait en présence de la création d’une oeuvre composite (ou dérivée) à partir d’une oeuvre originaire, et que le consentement de l’auteur serait requis.

Bien entendu, le risque d’une action intentée par un auteur reste assez théorique, mais il existe cependant, à cause de la portée très large reconnue au droit moral en droit français.

Par ailleurs, Murielle Cahen se concentre sur le cas où le contenu est posté sur un réseau social par le biais d’un bouton de partage volontairement installé à cette fin par l’auteur. Mais les pratiques de propulsion peuvent correspondre à des hypothèses où des internautes vont poster ou tweeter des liens de leur propre initiative et par leurs propres moyens. Dans ces cas, on ne peut s’appuyer sur le consentement implicite de l’auteur au partage…

La courte citation à la rescousse de la propulsion ?

Lorsque j’ai moi-même partagé ;-) le billet de Murielle Cahen sur Twitter, l’un de mes followers a immédiatement réagi par le commentaire suivant :

C’était effectivement une bonne remarque, qui montre que Murielle Cahen n’a peut-être pas assez pris en considération dans son analyse l’effet concret du bouton de partage, variable selon les réseaux sociaux. Lorsqu’on envoie un contenu sur Twitter par exemple, il en résulte un copié/collé du titre et un lien, auquel on pourra adjoindre quelques mots de commentaire (s’il reste de la place). Sur Facebook, le like va envoyer le titre et un lien, mais aussi une image, si l’article initial en comporte, ainsi qu’un cours extrait, généralement les premières lignes. Or Murielle Cahen semble raisonner dans son article comme si l’intégralité des oeuvres étaient reproduites et rediffusées lorsque l’on actionne les boutons de partage, alors que la propulsion porte plutôt en général sur des parties de l’oeuvre.

On peut dès alors se demander si l’exception de courte citation, reconnue par le Code de Propriété Intellectuelle, ne peut pas couvrir l’essentiel des pratiques de propulsion (art. L-122-5 CPI) :

lorsque [une] œuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire […], sous réserve que soient indiqués clairement le nom de l’auteur et la source, [les] courtes citations, justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’œuvre à laquelle elles sont incorporées.

L’exception paraît à première vue correspondre aux cas où quelques lignes d’un article sont rediffusées en même temps que le titre et le lien. Mais les choses sont en réalité plus complexes, car les juges ne reconnaissent la courte citation qu’à la condition qu’elle soit incorporée dans une « oeuvre citante  » et qu’elle vise les  fins énumérées par l’article (critique, polémique…). Résultat : on ne peut pas simplement citer pour citer en droit français :

Il faut qu’une œuvre existe pour justifier d’en citer d’autres à l’appui de celle-ci. Le simple agencement d’un ensemble de courtes citations n’est pas librement permis. Dans ce cas, il s’agit une anthologie, entrant dans la catégorie des oeuvres dérivées, supposant l’accord des auteurs des oeuvres empruntées.

Il est nécessaire que la citation soit intégrée au sein d’une œuvre construite et d’une consistance suffisante, aux fins d’illustrer un propos. L’oeuvre nouvelle doit pouvoir résister à la suppression des citations. L’emprunt doit être accessoire à l’œuvre nouvelle.

Les juges écartent le bénéfice de l’exception de courte citation lorsque l’emprunt constitue en réalité l’élément principal de l’oeuvre nouvelle (Jurispedia. Article Courte Citation).

Peut-on dès lors considérer qu’un post sur Facebook constitue une oeuvre citante ? Et que le fait de propulser suffit à poursuivre des fins critique ou d’information ? C’est très loin d’être certain… Une intéressante décision de justice rendue en décembre dernier par le TGI de Nancy (affaire dijOnscOpe) a néanmoins conclu que la reprise sur un site d’information des premières lignes d’articles accompagnant les titres rentrait bien dans le cadre de la courte citation. Mais le site en question employait plusieurs journalistes professionnels, ce qui a pu inciter les juges à considérer que des fins d’information étaient bien poursuivies…

De la difficulté de propulser des images…

Quoi qu’il en soit, si la courte citation peut jouer en matière de reprise d’extraits textuels, il n’en est pas de même en matière d’images, et c’est à mon avis cette limite qui fragilise le plus les boutons de partage. En effet, sur Facebook (mais ce sera visiblement aussi le cas pour le bouton +1 de Google), une image est emportée pour illustrer le lien, or les juges français considèrent que l’on ne peut valablement invoquer la courte citation à propos des images.

En matière de vidéo, la citation est admise par les juges, mais les boutons de partage ont généralement pour effet d’exporter l’intégralité d’une vidéo, par le biais d’un « lecteur exportable » (lecteur/player) qui permettra de visionner l’intégralité de l’oeuvre depuis le réseau social. L’exception de courte citation n’est donc pas ici applicable, mais les Conditions Générales d’Utilisation des sites à partir desquels les vidéos sont partagées contiennent des dispositions qui peuvent autoriser sur une base contractuelle l’usage des boutons. Ainsi pour Youtube, on peut lire dans les CGU que les personnes qui mettent en ligne des vidéos sur la plateforme concèdent :

[…] à chaque utilisateur du Service, le droit non exclusif, à titre gracieux, et pour le monde entier d’accéder à votre Contenu via le Service et d’utiliser, de reproduire, de distribuer, de réaliser des œuvres dérivées, de représenter, d’exécuter le Contenu dans la mesure autorisée par les fonctionnalités du Service et par les présentes Conditions.

Or l’article 1 inclut bien le Lecteur Youtube dans le périmètre du Service, et c’est lui qui est exporté par le biais des boutons de partage.

On aboutit donc à une situation assez étrangement déséquilibrée, où la propulsion de textes dispose d’une base légale plutôt incertaine ; celles d’images paraît franchement illégale et celles de vidéos dépendantes des conditions contractuelles des services qui les hébergent…

Et si la curation manquait elle aussi cruellement de base légale ?

Si la propulsion et le partage soulèvent manifestement des difficultés vis-à-vis du droit d’auteur à la française, c’est encore plus le cas des pratiques émergentes de curation et d’éditorialisation des contenus, nouvelle tendance des média sociaux, ainsi que des outils qui se développent pour leur servir de supports.

La plupart des services de curation proposent en effet des solutions pour agréger des contenus de provenance diverses et les visualiser sous une nouvelle forme, que ce soit un damier d’images, un fil d’informations, une arborescence ou autre,  assortis d’ajouts produits par le « curateur » (en général des textes de commentaires). Or, on peut franchement se demander sur quelle base légale ce type de pratiques peuvent s’appuyer, notamment quand il y a reprise d’images, pour lesquelles nous avons vu que le bénéfice de la courte citation est exclu.

La question s’était déjà fugitivement posée, il y a plus d’un an, à propos du service Twitter Time.es, qui permet de produire quotidiennement à partir des infos postées par les personnes que l’on suit sur Twitter une sorte de revue de presse illustrée. Un commentaire sous ce billet présentant le service relevait par exemple  :

Qu’en est-il du droit d’auteur des articles repompés (souvent en entier) ? Mentions légales ? …

Nom de domaine espagnol, serveur en Russie … ça me parait pas très réglo ce truc.

Mon compte sur Twitted Time.es

Plus récemment lancé, un service de curation comme Scoop.it semble pareillement reposer sur des bases juridiques fragiles, dans la mesure où il fait la part belle aux images, qui sont automatiquement reprises lorsque l’on partage un contenu.

Un bel exemple de la complexité des objets créés par le biais de Scoop.it : agrégation de liens, textes, images, vidéos, commentaires...

Ces pratiques semblent avoir un lien avec les « revues de presse » que peuvent réaliser les sites d’information traditionnels, et qui font l’objet d’une exception particulière dans le Code de Propriété Intellectuelle (toujours à l’article L.122-5). Mais là encore, il faut se reporter à la jurisprudence pour connaître exactement dans laquelle cette exception est applicable et les juges ont restreint la définition de la revue de presse à « la présentation conjointe et comparative de divers commentaires émanant de journalistes différents et concernant un même thème ou un même événement« .

Dans la jurisprudence dijOnscOpe déjà citée plus haut, le TGI de Nancy a considéré qu’une simple liste d’articles, accompagnée de quelques lignes de présentation, ne constituait pas une revue de presse, dans la mesure où la copie n’était que partielle. Par ailleurs, la revue de presse ne bénéficie qu’aux organes de presse, et pas aux simples amateurs, quand bien même il remplirait une mission d’information. Impossible donc de l’appliquer à un site comme Scoop.it…

Un (mince) espoir pour la curation : l’oeuvre d’information

Cela condamne-t-ils les pratiques de curation à rester dans les limbes juridiques en France ? Peut-être pas complètement… Il existe en effet une ancienne jurisprudence de la Cour de Cassation, dite « Microfor c. le Monde » qui a consacré en 1987 la notion « d’oeuvre d’information » pour permettre le développement de pratiques documentaires (à l’époque, il s’agissait de bases de données de presse). Dans cette affaire, les juges ont admis que la reprise de titres d’articles, accompagnée de phrases extraites de leur contenu, pouvait constituer une « édition documentaire » et produire une « oeuvre d’information« , sans violation du droit d’auteur. Pour éviter les dérives, la Cour de Cassation a ajouté la condition que l’oeuvre d’information consiste en une « analyse purement signalétique réalisée dans un but documentaire, exclusive d’un exposé substantiel du contenu de l’œuvre, et ne permettant pas au lecteur de se dispenser de recouvrir à cette œuvre elle-même« .

Les services de curation comme Scoop.it ou d’autres pourraient répondre à cette définition de « l’oeuvre d’information« , à la condition toutefois que les juges admettent que la liberté d’informer consacrée dans l’arrêt Microfor inclut celle de reprendre des images à des fins documentaires. C’est hélas assez improbable, car cet arrêt de la Cour de Cassation est resté relativement isolé et les juges français ont tendance à protéger fortement les images, malgré quelques décisions de justice dissidentes.

Des pratiques documentaires en décalage croissant avec le cadre légal…

Au final, on reste avec le sentiment qu’avec la propulsion et la curation, les pratiques sur le web ont connu un nouveau coup d’accélérateur, qui accentue le fossé avec des principes juridiques rigides, générateurs d’incertitudes.

Les risques de procès restent certainement encore assez théoriques, mais cela pourrait évoluer, vu l’importance que prend la recommandation dans le contexte d’abondance des contenus et d’économie de l’attention qui caractérisent l’évolution d’internet. On pourrait aussi souhaiter que le droit s’adapte pour épouser cette évolution des pratiques.

Les licences libres, type Creative Commons, constituent sans aucun doute un premier niveau de solution pour les rendre les contenus plus facilement manipulables. On a également proposé d’adapter le cadre légal en introduisant un « droit de citation élargi« , qui pourrait servir de base légale à la curation, mais ne nous leurrons pas : la réflexion juridique sur le renouveau des exceptions en droit français paraît hélas au point mort en ce moment (étonnant, non ?).

Partage, propulsion et curation réinterrogent pourtant l’équilibre entre le droit d’auteur et le droit à l’information, dans un contexte nouveau où les pratiques documentaires ne sont plus simplement le fait de professionnels, mais également d’amateurs, désireux de partager et de recombiner les sources d’informations, au sein de créations originales.

Avec la revue de presse, le droit d’auteur à la française avait admis une exception pour permettre aux journalistes d’exercer leur mission d’information du public. Dans un contexte où la distinction entre journalistes professionnels et amateurs devient chaque jour plus difficile à tracer et où des outils émergent pour permettre à chacun d’éditorialiser l’information, on manque cruellement d’une base légale pour élargir le droit d’informer, sans venir s’empêtrer dans les restrictions cacochymes du droit d’auteur.

PS : François Bon publie sur le Tiers Livre une intéressante mise à jour d’un billet consacré à la ré-éditorialisation de flux : « proposer une lecture dense et ergonomique à partir d’une compilation de flux dispersés« , en connexion avec des champs que je n’ai pas traités dans cet article, comme les applications Ipad du type Flipboard ou encore la reprise de flux RSS tirés de Twitter par des acteurs commerciaux (ici en l’occurence Hachette, qui en prend pour son grade !). Merci à François Bon pour ce rebond.

 

 


43 réflexions sur “Propulsion, Curation, Partage… et le droit dans tout ça ?

  1. Quelques remarques sur les développements de Madame Muriel Cahen, qui me semblent être un tantiné tiré par les cheveux.
    1- « Or en vertu de l’article L 122-4 du code de la propriété intellectuelle « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle …».

    La curation reprend un tire. Est-ce la une ‘reproduction’ ou ‘reprsentation’ de l’oeuvre? C’est un peu une exagération a mon sens.

    2- « Le droit de reproduction de l’auteur lui permet ainsi de s’opposer à « toute fixation matérielle de l’œuvre  »’

    Certes,toutefois, j’ai du mal a voir en quoi la ‘curation’ serait une ‘fixation’ de matérielle de l’oeuvre’. Il n’y a pas d’avantage de ‘reproduction’.

    3- Je pense que le cas de ‘ l’apparition d’un tableau dans une publicité ‘ dans un but de commercialisation est très diffèrent de la ‘curation’.

    4- « Il est donc clair que si vous reproduisez sur un site internet une œuvre sans le consentement de l’auteur, cette reproduction sera jugée illicite et vous serez donc contrefacteur. »

    Oui, certes, mais encore une fois en quoi le curateur serait-il comparable au contrefacteur reproduisant une oeuvre? ou est la reproduction?

    5- « Lorsqu’un média en ligne intègre à son site un bouton de partage, non seulement il consent à la diffusion de l’article mais en plus il l’encourage. »

    J’ai peur de ne pas bien saisir, le bouton de partage consentirait ‘à la diffusion de l’article’ ?!!! Qui exactement diffuse l’oeuvre?
    Sauf erreur, lorsque je tweet le titre d’un article ou une oeuvre avec le lien d’accès, je ne reproduit qu’un tire – personnellement, je maintiens des guillemets pour plus de clarté. je communique le lien qui renvoie sur le site de l’auteur qui diffuse et qui a lui-même mis à disposition son oeuvre. Je ne vois donc aucune atteinte au droit d’auteur que de promouvoir, de faire connaitre, en partageant le lien d’accès à une oeuvre accessible au public.
    Le procede qui aurait pu se faire de bouche à oreille est tout simplement reproduit de tweet à tweet, sans aucune atteinte au droit d’auteur, bien au contraire.
    Nul besoin de recours au’ droit à la paternité’ dans la mesure ou l’oeuvre est accessible depuis le site de l’auteur lui-meme et donc sans confusion sur la paternité de l’oeuvre.

    Ca me parait extrêmement simple comme situation. J’ai peur de ne pas avoir bien saisi le raisonnement de Muriel Cahen que je n’ai pu commenter directement sur son blog.
    Maintenant, votre citation de son commentaire, et mon commentaire qui en suit, sont-ils constitutifs d’atteinte au droit d’auteur de Muriel Cahen?
    Tout cela va un peu trop loin a mon sens.

    1. Bonjour,

      Je ne serais pas aussi catégorique que vous pour dire que la curation ne pose aucun problème vis-à-vis du droit d’auteur. Vous prenez l’exemple de Twitter (qui relève d’ailleurs davantage de la propulsion). Effectivement, dans ce cas, il y a seulement partage du titre et d’un lien, pouvant être ou non commenté dans la limite des 140 caractères. Une telle situation n’offre effectivement pas prise au droit d’auteur.

      Mais la curation ou le partage peuvent revêtir bien des formes différentes, qui vont au delà de ce qui se passe sur Twitter. Un like sur Facebook emporte le plus souvent une image et quelques lignes d’extraits, or pour l’image (à moins que celle-ci n’appartiennent au domaine public ou soit sous licence libre), il y a bien reproduction et rediffusion, ce qui ne respecte pas les droits de l’auteur. C’est la même chose ne cas de partage d’une vidéo : il y a bien alors reproduction intégrale de l’oeuvre.

      Murielle Cahen dans son article a le tort de ne pas suffisamment distinguer selon les cas et de considérer que les boutons de partage entraîne systématiquement reproduction et rediffusion des oeuvres, ce qui n’est pas toujours le cas.

      Mais de votre côté, il faut bien voir qu’un service comme Scoop.it utilise davantage que les titres et les liens, et il n’est pas certain que l’on puisse trouver une base légale, en droit français, pour ce type de pratiques.

      Cordialement,

      Calimaq

  2. Merci pour ces réflexions. Je me suis posé la question du droit d’auteur à propos des contenus partagés par le Bouillon et ses clones (Archiveilleurs, Généafil etc.), dans le cas où les billets sont reproduits dans leur intégralité. Le tout étant automatisé, nous n’avons pas vraiment d’autorisation de chaque auteur pour agréger les contenus, sauf présence de licence CC sur les sites originaux. La position des « partageurs » ne me semble donc pas très solide, mais, je ne vois pas comment résoudre le problème, sauf à recommander aux éditeurs de ne diffuser que des flux rss tronqués.

    1. Nous nous étions nous aussi posés cette question. Dans la mesure où ces systèmes de veille collaborative envoient seulement des titres et des liens , cela ne pose pas de problème. Pour les articles ou billets reproduits dans leur intégralité, on pourrait estimer qu’il y a « consentement implicite » des éditeurs, dans la mesure où ils ne tronquent pas d’eux-même leurs flux RSS. Avec la limite du droit moral qui persiste toujours, comme le rappelle Murielle Cahen dans son article. Plutôt que d’envoyer le texte complet, l’idéal serait de rédiger à chaque fois un court résumé original, ce qui permettrait de rester dans les limites de la « liberté documentaire » (mais c’est aussi un travail conséquent !).

  3. Je parlerais davantage de panorama de presse à propos de la curation. Le panorama de presse est une vrai compilation d’articles sur un sujet donné. La revue de presse est plus élaborée puisque les extraits des œuvres citées sont incorporées dans une œuvre composite qui n’existerait pas sans les citations.

    1. Tout à fait, vous avez raison : les outils de curation réalisent plutôt davantage des panoramas de presse que des revues de presse. Ceci étant dit, cela ne rend pas les choses forcément plus simples d’un point de vue juridique, car l’exception prévue pour les revues de presse ne s’applique pas aux panoramas. Le CFC a reçu de la part d’un certain nombre de titres de presse un mandat pour autoriser, moyennant le paiement d’une redevance, la réalisation de panoramas de presse sous forme électronique, mais diffusables seulement en intranet. Il n’aurait donc pas compétence à propos des outils de curation, qui publient directement en ligne.

  4. Voila un peu de réflexion pour les candidats de 2012 ?

    Ce qui me fait penser :
    Ca m’arrive de publier des photos (sur un site privé, avec accès restreint…). Ces photos sont reprises par mes amis sur leur profiles Facebook. Etant donné les conditions d’utilisations Facebook, j’ai toujours peur que cette société « vole » mes images. Que puis-je faire ? Mettre un watermark ?

    1. Bonjour Alice,

      Il faut savoir que lorsque vous utilisez Facebook, vous acceptez automatiquement les conditions d’utilisation de ce site. Or par le biais de celles-ci, vous accordez à Facebook une licence très large de réutilisation :

      « Pour le contenu protégé par les droits de propriété intellectuelle, comme les photos ou vidéos (« propriété intellectuelle »), vous nous donnez spécifiquement la permission suivante, conformément à vos paramètres de confidentialité et paramètres d’applications : vous nous accordez une licence non-exclusive, transférable, sous-licenciable, sans redevance et mondiale pour l’utilisation des contenus de propriété intellectuelle que vous publiez sur Facebook ou en relation à Facebook (« licence de propriété intellectuelle »). Cette licence de propriété intellectuelle se termine lorsque vous supprimez vos contenus de propriété intellectuelle ou votre compte, sauf si votre compte est partagé avec d’autres personnes qui ne l’ont pas supprimé. »

      Facebook a donc le droit de réutiliser les contenus et mettre de transférer cette licence à des tiers, y compris pour les vendre.

      Vous pouvez mettre fin à cette licence en retirant vos photos, mais elle reste valable si d’autres utilisateurs ont partagé votre photo (autant dire…).

      Cependant, il y a une limite à la réutilisation, qui est le droit à l’image sur les photos. Facebook peut théoriquement réutiliser les photos que vous postez, mais si des personnes apparaissent sur les clichés, on peut s’opposer à leur réutilisation sur la base du droit à l’image. C’est la limite à l’appropriation des images par Facebook.

      Je crains qu’un watermark ne change pas grand chose à la question.

      Si vous ne voulez pas donner de droits à Facebook sur vos photos, le mieux est de ne pas en poster ou de ne pas utiliser cette plateforme…

      Cordialement,

      Calimaq

    1. Propulsez autant que vous voudrez !

      Cela prouve que toutes ces nouvelles pratiques sont possibles de manière très fluide, dès lors que l’on se place dans le cadre des licences libres.

      Et merci d’avoir apprécié cet article.

      Calimaq

  5. C’est quand même étonnant que le droit en reste à des questions de « citation » ou de « reproduction ». A aucun moment, la loi ne prend en compte la spécificité du lien hypertexte.
    Or c’est le lien qui fait toute la différence, dans la mesure où on ne fait pas que citer un titre, on renvoie les lecteurs à la page originale, et donc on amène du trafic sur le site source. Ca n’a rien à voir avec une revue de presse classique qui ne fait que citer l’article d’un autre journal : le lecteur n’a pas un accès immédiat au journal cité. et celui-ci n’y gagne pas grand chose. Avec le lien hypertexte, l’article cité gagne immédiatement un lecteur. Ce n’est quand même pas rien…
    Est-ce qu’il ne faudrait pas une vraie législation du lien hypertexte ?

    1. Je comprend et suis tout à fait d’accord concernant le lien hypertext.
      Cependant, est-il nécessaire de tout légiférer ?
      Agir ainsi, n’est ce pas tenter de calquer sur le « nouveau monde », un mode de fonctionnement hérité d’un ancien temps ?

      1. Je parlais de législation pour que cette spécificité soit prise en compte. Se retrouver avec un procès parce qu’on a fait un bête lien hypertexte en état accusé de « citation » ou de « reproduction » illégale, parce la loi ne connaît que ça, ça fait un peu mal…
        Ce sont des arguments législatifs « d’un ancien temps » effectivement. Mais quelles sont les autres façons de faire reconnaître cette spécificité, la jurisprudence ?

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