La Culture libre : un chemin pour la réussite ?

Dans les débats concernant le droit d’auteur et l’avenir de la création, la question du financement revient de manière lancinante et l’on remet souvent en cause la capacité des pistes alternatives à assurer aux artistes les moyens de créer, de diffuser leurs productions auprès d’un public et d’en tirer un revenu.

Voici pourtant quatre exemples de  créateurs, ayant fait le choix de la Culture libre, qui démontrent que le système classique du droit d’auteur n’est pas la seule voie pour atteindre le succès à l’heure du numérique.

Quelques bourgeons d’espoir dans cet interminable hiver de la propriété intellectuelle que nous subissons (Just Hanging With Some Buds. Par Sea Turtle. CC-BY-NC-SA. Source : Flickr)

Du domaine public volontaire aux licences de libre diffusion en passant par le Copyleft, les moyens juridiques mis en oeuvre par ces expérimentateurs sont variés, mais ils mettent tous à profit l’ouverture offerte par les licences libres pour maximiser la diffusion de leurs créations sur les réseaux et entrer dans de nouvelles formes de relations avec leur public.

Ces quatre exemples sont tirés de champs différents de la création : la musique, la peinture, le livre et le cinéma d’animation. Et vous allez voir que contrairement à une autre idée reçue, la qualité est au rendez-vous !

Enjoy, Share, Remix et surtout inspirez-vous !

Sharing is caring de Dan Bull : une musique sous CC0 à l’assaut des charts en Angleterre

Le musicien Dan Bull a réussi la prouesse la semaine dernière de parvenir à faire entrer son morceau Sharing is Caring à la 9ème place des charts en Angleterre dans la catégorie Indie et à la 35ème place dans la catégorie RnB.

Pour diffuser ce morceau de hip-hop en faveur du partage, Dan Bull a fait le choix d’utiliser l’instrument le plus ouvert parmi ceux proposés par Creative Commons, à savoir le waiver CC0 qui permet de verser par anticipation une oeuvre au domaine public, en renonçant à toutes formes de droit sur sa création. En cela, il rejoint la démarche de ces « Artistes contre le droit d’auteur » dont j’avais eu déjà l’occasion de parler sur OWNI.

Dans une interview accordée à Creative Commons UK, Dan Bull explique utiliser le sens de sa démarche :

J’ai choisi d’utiliser CC0 parce que je ne crois pas à la validité de la propriété intellectuelle. Un morceau de musique est une idée. Sous forme numérique, c’est une suite de 1 et de 0. Qui suis-je pour dire à une autre personne qu’il est interdit d’avoir une idée ou de manipuler une certaine séquence de 1 et de 0, simplement parce que j’ai eu cette idée avant elle ? Cette manière de penser me paraît perverse. La première personne qui a eu une idée n’est pas forcément la mieux placée pour l’utiliser, et c’est pourquoi le fondement même des lois sur le droit d’auteur est contestable.

Dan Bull possède déjà un lourd passé d’activisme musical dans le domaine de la culture libre, puisque c’est déjà à lui que l’on devait déjà ce rap vengeur Death of ACTA , écrit en réaction au traité liberticide, dont on espère que le titre sera prémonitoire !

Avec Sharing is Caring, Dan Bull a voulu prendre le système à son propre jeu : bien qu’il n’accorde aucune valeur particulière aux classements des charts, il voulait démontrer qu’une musique créée en dehors du système classique du droit d’auteur et sans le soutien des industries culturelles pouvaient se hisser dans le top des ventes.

Dan Bull a donc mis son morceau en partage  gratuitement en torrent sur Pirate Bay, mais dans le même temps,  il a choisi une diffusion multi-canaux et multiforme pour en maximiser la dissémination et l’audience. Le fichier était parallèlement proposé à la vente sur iTunes, Play.com et Amazon, et dans le même temps, il était largement partagé sur les réseaux sociaux et les plateformes de diffusion comme Youtube. Trois versions différentes du même morceau ont même été réalisées spécialement pour Facebook, Twitter et Google +. Au delà de cette première trilogie, Dan Bull a diffusé 10 versions de Sharing is Caring, avec notamment des versions a capella et instrumentales, pour encourager les remix et les mashups. Pour pousser les ventes, l’artiste promettait aux fans qui achèteraient les dix versions toutes d’être cités dans une vidéo de remerciement.

Et voilà comment on obtient un succès commercial, en misant sur la dissémination virale à l’oeuvre sur les réseaux et en associant le public à sa propre création. Là où Dan Bull est parvenu à faire la parfaite démonstration de son propos, c’est que finalement  l’un des remix, une version reagge réalisée par Animal Circus, a terminé plus haut encore dans les charts que le morceau original, à la première place de la catégorie Reggae et à la seconde place de la catégorie World Music.

Qui a dit qu’on ne pouvait plus vendre de la musique ! Et cette démarche préfigure sans doute très bien ce qui se passerait pour les artistes si un système de licence globale, légalisant le partage était consacré par la loi…

Gwen Seemen : portrait d’artiste en Culture libre

La Culture libre comptait déjà certains artistes emblématiques, comme le romancier Cory Doctorow ou la dessinatrice Nina Paley, qui incarnent l’esprit d’ouverture et d’innovation que promeuvent les licences libres.

Mais j’ai été particulièrement heureux de découvrir ces derniers temps l’oeuvre de la portraitiste américaine Gwen Seemel, dont la démarche globale est particulièrement exemplaire et stimulante.

Un autoportrait de Gwen Seemel ( Second Face, par Gwen Seemel. 2009)

Tout comme Nina Paley avait pu le faire, Gwen Seemel n’a pas choisi d’utiliser les licences libres, mais plutôt de se placer littéralement en dehors du droit. Au pied de son son site, on ne trouve pas un symbole ©, mais un petit visage souriant conduisant le visiteur vers cette mention :

I am happy for you to copy and display my work, and you are welcome to create derivative works using my images. I would love it if you gave me credit when you do so.

Je me réjouirais si vous copiez et diffusez mon oeuvre et je vous encourage à créer des oeuvres dérivées en utilisant mes images. Je serais heureuse si vous me créditez à cette occasion.

Dans le domaine de la peinture, où la culture libre n’est pas si répandue, Gwen Seemel impressionne par la façon dont elle intègre l’ouverture à sa démarche créative. Spécialisée dans le portrait, elle réalise également des peintures animalières, des séries conceptuelles à thèmes, des livres illustrés, ou encore des sacs en toile peints !

2011. Par Gwen Seemel

Mais c’est surtout sur son blog que Gwen Seemel montre les différentes facettes de son art et la manière dont il s’imbrique et s’inspire de son engagement pour la Culture libre. Je vous recommande vivement de vous y abonner, surtout que Gwen est bilingue et rédige une bonne proportion de ses articles à la fois en français et en anglais.

Elle y montre sa création en train de se faire, mais aborde aussi de manière incisive et décapante des questions liées à la propriété intellectuelle comme l’imitation, l’originalité, la protection contre la copie ou l’appropriation de la culture.

Elle réalise également des vidéos pour illustrer ces billets, en anglais et en français, dont j’avais particulièrement apprécié celle-ci, intitulée « le droit d’auteur, c’est pour les peureux » :

Dans un autre de ces billets, elle expose un modèle d’affaire pour les artistes qui renoncent au droit d’auteur (ce qui est son cas), particulièrement convaincant, qui montre que des modèles économiques peuvent émerger sans s’ancrer dans la culture du contrôle et de la restriction inhérente au copyright. Gwen Seemel sait d’ailleurs mettre à contribution avec succès les formes innovantes de financement de la création comme le crowdfunding, pour faire participer le public en amont au financement de projets ambitieux, comme la réalisation de séries de peintures.

Chapeau bas, Gwen Seemel, pour incarner à ce point l’idéal de la Culture libre !

Cities of You par Brian Foo :  sur les traces d’Italo Calvino

Ce projet a également utilisé la voie du crowdfunding (financement participatif) pour être mené à bien par son auteur, Brian Foo.

Cities of You est un projet de livre illustré, mêlant textes et peintures, inspiré par le roman Les Villes invisibles d’Italo Calvino. Il s’agit d’inviter le lecteur à un voyage imaginaire vers plusieurs cités fantastiques, chacune possédant une identité forte inspirée par une personne réelle rencontrée par Brian Foo, et de découvrir la manière dont la ville est construite, la façon de vivre des habitants, son histoire, sa culture et sa destinée.

Fraboo, par Brian Foo. La première des villes imaginaires de Cities of You. CC-BY-NC-SA

Pour financer son projet, Brian Foo a lancé un appel à contributions via la plateforme américaine Kickstarter, en présentant le concept de son livre et quelques planches déjà réalisées. Alors qu’il demandait 2000 dollars pour son projet, Brian est parvenu à rassembler 11 000 dollars au final en quelques semaines, grâce à 141 donateurs. Et ce avant même d’avoir terminé son ouvrage !

Une fois réalisé et comme annoncé dès l’origine sur Kickstarter, Cities of You, comportant au final les descriptions de 41 villes imaginaires, a été mis en ligne en accès gratuit sur un site Internet et les éléments de l’ouvrage, textes et images, sont placés sous licence libre Creative Commons CC-BY-NC-SA. Le livre auto-édité par Brain peut être acheté en version papier, ainsi que les superbes peintures originales qui  ont servi à sa réalisation.

Ce type de projet est intéressant dans la mesure où il démontre que le recours aux licences libres est compatible à la fois avec un financement en amont, par le biais du crowdfunding et un financement en aval, la version gratuite en ligne ne constituant pas une concurrence pour la version papier et les peintures.

Et réjouissons-nous, car un volume II de Cities of You est déjà annoncé !

Sheeshani. Par Bian Foo. Cities of You. CC-BY-NC-SA

 Tube : nouvelle perle du cinéma d’animation en Open Source

Le dernier projet que je voudrais vous présentez est le film d’animation Open Source Tube,  à propos duquel le site Mashable a consacré cet article au titre éloquent « Will This Open-Source Animated Film Change the Movie Industy Forever« .

L’histoire de Tube parle de quête de l’immortalité et s’inspire de l’épopée de Gilgamesh. Tous les éléments du film seront réalisés avec des logiciels libres et des formats ouverts et ils seront diffusés sous licence copyleft CC-BY-SA, permettant la copie, la diffusion, la modification des contenus, y compris à des fins commerciales.

Le financement passe ici encore par la plateforme américaine Kickstarter où la campagne de soutien a rencontré un succès impressionnant. Le but initial  de 22 000 dollars a été atteint cette semaine et largement dépassé, avec plus de 36 000 dollars rassemblés.

Ce succès rencontré par le cinéma Open Source n’est pas le premier. En 2006, une équipe s’était déjà illustrée en produisant le premier film d’animation de ce genre, le remarquable Elephant Dream, disponible en ligne gratuitement sous licence CC-BY. Plus récemment, le film espagnol El Cosmonauta, du producteur indépendant Riot Cinéma, s’était également fait remarquer, en recourant au crowdfunding et aux licences libres de manière particulièrement inventive.

***

Tous ces artistes sont engagés à divers degrés pour l’évolution de la propriété intellectuelle et contre les projets liberticides qui se multiplient dans ce domaine. Ils apportent la preuve que même si l’évolution législative reste en panne, il est déjà possible – ici et maintenant – de créer autrement, en liberté.


22 réflexions sur “La Culture libre : un chemin pour la réussite ?

  1. J’apprécie énormément les éléments que vous nous faites découvrir et sur lesquels vous nous amenez à raisonner dans ce blog que je découvre, merci pour ces beaux morceaux !

    J’ai aussi des réserves sur certains concepts je crains que ça crée des faux-sens :

    (A propos de : « Et vous allez voir que […] la qualité est au rendez-vous ! ») Y a-t-il un sens à parler de qualité en ce qui concerne une oeuvre d’art ? Je crois que non. « Elephant Dreams » et « Sharing is caring » sont-ils des oeuvres d’art ? C’est au moins de la création, mais est-ce de l’art, quelle différence y-a-t-il ? Faut-il qu’il y ait une différence, faut-il abandonner le concept d’art au profit de celui de création ? Ces questions sont sous-jacentes et continuent d’être au coeur du numérique. Il y a la chanson de Dan Bull, mais l’oeuvre ici montrée est un clip vidéo, en fait non, c’est une publication YouTube d’un clip vidéo. Est-ce que c’est une oeuvre numérique ou la copie numérique d’une oeuvre ? Le numérique c’est la reproductibilité sans limite, il repose la question du lieu de l’art. Où la création a-t-elle lieu ? Dan Bull confond « les 1 et les 0 » des copies numériques de son travail et son oeuvre. Cela fait de lui un militant bien plus qu’un musicien, en particulier s’intéresse-t-il à la musique en soi ? Est-ce qu’il défend les artistes ? Il semble exister avant tout pour que le Copyleft soit victorieux, beaucoup moins pour l’amour de la musique, il veut faire des démonstrations, c’est un chercheur. Et de fait, les acheteurs apparemment très nombreux de ses morceaux, ont sans aucun doute désiré acheter et/ou soutenir une thèse, une idée. Mais ce qui importe c’est de protéger les oeuvres.

    Ce qui a sauté aux yeux (au moins à la première vision) dans Elephant Dreams, c’est que pour la première fois peut-être la qualité technique était au rendez-vous dans une production copyleft. Mais la qualité technique ne fait pas l’art. Fait-elle la création ? Il reste un long chemin à parcourir pour faire se rejoindre ces notions, et si ce film m’émeut, il le fait bien au-delà de la question de « sa qualité ».

    Pourquoi glisser ici la question de l’art ? Parce que se battre sur les questions de licences libres et de droit d’auteur, c’est se battre sur ce qui est regroupé en termes juridiques sous le nom d’oeuvres de l’esprit. La question de l’art est là.

    La phrase de Dan Bull : « Un morceau de musique est une idée. » prête à confusion concernant le droit d’auteur (au moins le français, mais l’américain aussi ?). Le droit d’auteur ne protège pas l’idée. C’est l’expression qui est protégée, la forme que prend « une idée » dans le geste de l’artiste, sa représentation, c’est un agencement de plusieurs choses, dont font partie l’expression (douceur, rondeur, acuité, rugosité, vitesse) et la manière (supports, outils, matière, touche), qui finit par produire une oeuvre, et reste irréductible à une idée (sauf à perdre le statut d’oeuvre). Les procès en droit d’auteur consistent à trancher la question d’un éventuel plagiat en tentant de déceler dans une oeuvre semblable à une oeuvre déjà existante, la trace ou au contraire l’absence d’une expressivité singulière, inédite, qui donne à l’oeuvre incriminée le statut d’oeuvre à part entière.

    Ces sujets sont à la fois très importants, très actuels et très conceptuels. Du coup le fait d’utiliser les concepts dans le champ de leur signification permettra aux artistes libres de faire valoir leurs droits et la nouveauté de leur démarche. Il faut débattre à nouveau des définitions à la lumière des possibilités offertes par le numérique. Merci d’ouvrir un espace pour cela !

    1. Bonjour,

      Merci pour votre intérêt pour S.I.Lex et pour les questions que vous soulevez dans ce commentaire.

      Pourquoi ai-je parlé de qualité dans mon introduction ? Était-ce bien nécessaire ? Est-ce que cela n’affaiblit pas la démonstration ? On m’a déjà posé cette question sur Twitter.

      J’ai ajouté cela après avoir écrit mon billet en me souvenant d’échanges que j’ai pu avoir avec des artistes « professionnels », membres et représentants de sociétés de gestion collective, qui manifestaient un mépris profond pour les productions « amateurs », comme s’ils étaient les seuls détenteurs de « l’Art » et q’u’il ne pouvait exister de productions artistiques en dehors de la sphère professionnelle.

      Chaque fois que je tombe sur ce genre d’objection, je pense à ce que dis Hannah Arendt dans Condition de l’Homme Moderne : « Nous avons transformé l’oeuvre en travail ». Et elle le déplore vivement.

      Du coup, j’ai tenu à faire remarquer ici qu’avec ces productions sous licence libre, c’est aussi la distinction entre les « pros » et les « amateurs », qui est en train de s’effacer et continuer à réfléchir sur la base de cette distinction est à mon sens une grave erreur.

      Une des manifestations de l’effacement de cette distinction réside dans cette qualité qui me semble indéniable dans ces quatre productions. Je mets de côté la question de l’Art, avec un grand A, qui me semble relever d’un autre débat. L’autre preuve de l’effacement de la distinction, c’est que ces créateurs, bien qu’utilisant des licences libres ou rejetant totalement le droit d’auteur cherchent tout de même à mettre en place un modèle économique. « L’amateur » sur Internet peut rechercher une réussite financière et il y parvient parfois aussi bien qu’un « professionnel ».

      La question de l’Art est une question entièrement extra-juridique. Le droit d’auteur n’est plus du tout conçu comme protégeant les oeuvres d’art seulement, mais tous le champ de la création, parce que les juges au fil de la jurisprudence n’ont cessé d’abaisser le seuil d’originalité qui déclenche l’application du droit d’auteur. On trouve des décisions de justice qui reconnaissent comme oeuvres de l’esprit des notices d’aspirateurs, des annuaires ou des photos prises par satellite. Je pense d’ailleurs que c’est une dérive du droit d’auteur qu’il aurait été beaucoup plus logique que la protection juridique ne s’attache qu’à des créations manifestant un haut degré d’originalité (des oeuvres « d’art »).

      Concernant Dan Bull, je vous trouve bien mallarméen ou parnassien. Sa musique est certes engagée, mais est-ce une raison pour la sortir du champ des oeuvres de l’esprit ? On retrouve souvent cette dimension militante dans les créations des artistes qui utilisent les licences libres. Cela apparaît nettement chez Nina Paley par exemple ou chez Cory Doctorow. faut-il pour cela leur dénier la qualité de créateurs d’oeuvres d’art ? Je ne sais pas… C’est aussi sans doute un signe de la jeunesse du mouvement de la Culture Libre, qui est encore très proche de ces principes fondateurs. Ce qui me semblerait plus intéressant que l’approche militante serait d’intégrer l’ouverture des licences libres dans le processus créatif lui-même, pour créer une « esthétique de l’ouverture ».

      Pour Dan Bull, je pense que davantage que sa chanson en elle-même, c’est justement le dispositif global qu’il a mis en place pour pousser son titre qui est très créatif et relève peut-être d’une sorte de performance ou « d’installation » artistique. Notamment le fait qu’il ait décliné son oeuvre en plusieurs manifestations différentes et appelé son public à effectuer des remix. Et pour ce qui est de prendre le marché à son propre jeu, il me semble qu’un Warhol par exemple a fait des choses assez comparables.

      Le refrain de la chanson de Dan Bull dit « Six hundred million people, like me, like this ». J’y vois quelque chose de cet affaissement de la distinction entre amateurs et professionnels : 600 millions d’artistes potentiels, comme Dan Bull…

      Enfin la distinction entre les idées et leurs expressions est en effet essentielle, à la fois dans le droit d’auteur continental et dans le copyright.

      Je pense néanmoins que Dan Bull ne reconnaît pas la validité de cette distinction et qu’il estime sans doute que ni les idées, ni leurs expressions ne devraient bénéficier d’une protection. Gwenn Seemel, l’artiste peintre, tient elle aussi un discours finalement assez similaire.

      Pour ma part, si je fais juridiquement la distinction entre les idées et leurs expressions, je pense que le droit devrait laisser davantage de choses en libre parcours qu’il ne le fait actuellement, pour que les idées circulent mieux et puissent être réemployées plus facilement. Cela passe par un élargissement des exceptions au droit d’auteur, voire même la consécration d’un droit des réutilisateurs, reconnu avec une force égale au droit d’auteur.

    2. En fait, on constatera surtout que le Copyleft aura réussi (ou complètement échoué, c’est selon) lorsqu’il permettra de vendre d’aussi grosses daubes que le Copyright !

  2. Oui, ce sont de vraies questions. Ma réaction repose sur une option difficile à trancher pour moi : Soit je suis Dan Bull et décide de faire table rase sur les concepts (devenus récemment liberticides) qui entourent ma pratique de créateur, notamment la question de la reconnaissance de l’expressivité, dernière frontière conceptuelle qui me distingue de l’auteur d’une notice d’aspirateur.
    Ou alors j’utilise ce qui existe et le déforme, le détourne, à la manière d’un hacker, ce qui suppose d’accepter de jouer dans le cadre actuel, et le connaître, comme l’ont fait Stallman et son avocat pour la GPL, comme l’ont fait les créateurs de la licence Art Libre en France. Ils ont astucieusement joué le jeu des textes juridiques pour produire des innovations à la fois inédites, révolutionnaires, subversives, et inattaquables.
    Je crains simplement que Dan Bull ne soit en train de jeter le bébé avec l’eau du bain. C’est une crainte, ce n’est pas un argument.

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