Réutilisation des données publiques : l’exception culturelle balayée en une phrase…

Dans le litige qui oppose le département du Cantal à la société NotreFamille.com, la Cour Administrative d’Appel de Lyon vient de rendre une décision importante, qui contrairement au jugement en première instance du Tribunal Administratif de Clermont-Ferrand, donne raison au premier au détriment de la seconde.

Mais le droit est une matière subtile et ne nous y trompons pas : cette décision ne constitue nullement un revirement de jurisprudence par rapport à la solution consacrée par le TA  concernant la portée de l’exception culturelle en matière de réutilisation des données publiques.

Car il n’aura fallu à la Cour qu’une seule phrase – cinglante –  pour écarter cet argument et réaffirmer que les données culturelles sont bien soumises au principe général de la liberté de réutilisation.

La CCA de Lyon a consacré avec force que l’exception culturelle était une impasse pour les établissements qui cherchaient à se protéger en l’invoquant. (par askal.bosch. CC-BY-NC-ND)

Cette décision s’avère importante pour la diffusion des données culturelles en général et pour la mise en place de l’Open Data dans ce secteur, dont la portée restait à ce jour limitée (euphémisme !) en raison des incertitudes qui pesaient sur la signification de cette exception.

Pour faire vite, le litige portait sur la réutilisation des cahiers de recensement de 1831 à 1931 conservés par les Archives Départementales du Cantal, que ce service refusait à la société de généalogie NotreFamille.com, en s’appuyant notamment sur l’exception prévue à l’article 11 de la loi du 17 juillet 1978, qui prévoit que les services culturels bénéficient d’un régime dérogatoire leur permettant de fixer eux-mêmes « les conditions de la réutilisation ».

Le TA de Clermont-Ferrand en première instance avait décidé que cette exception ne conférait pas aux services culturels un pouvoir discrétionnaire en matière de réutilisation et qu’ils ne pouvaient l’utiliser pour faire obstacle au principe général de libre réutilisation, dans la mesure où les autres conditions posées par la loi étaient remplies par le demandeur.

En appel, le département du Cantal a tenté de faire renverser cette jurisprudence, en essayant à nouveau de faire jouer l’exception culturelle (ici décision en pdf) :

[…] l’ordonnance du 6 juin 2005 a transposé la directive 2003/98/CE du 17 novembre 2003 sur la réutilisation des données, dont l’article 1er exclut des règles du marché les biens culturels, et parmi eux les documents conservés dans les archives ; […] si l’article 10 de la loi du 17 juillet 1978, issu de l’ordonnance du 7 juin 2005, consacre le droit à la réutilisation des données, l’article 11 de la même loi prévoit un régime dérogatoire aux conditions fixées et contrôlées par les propriétaires des documents ; […] dans le cadre du régime dérogatoire, les archives peuvent fixer elles-mêmes les règles de réutilisation et ne sont pas tenues de faire droit aux demandes […]

A ces arguments, qui constituent la substance même de ce que l’on appelle l’exception culturelle en matière de réutilisation des données publiques, la Cour a répondu en une seule et unique phrase, qui démonte complètement cette construction doctrinale et consacre son caractère erroné :

[…] les informations publiques communicables de plein droit, figurant dans les documents détenus par les services d’archives publics, qui constituent des services culturels au sens des dispositions de l’article 11 de la loi du 17 juillet 1978, relèvent de la liberté de réutilisation consacrée de façon générale par cette loi […]

L’excellent Jordi Navaro du blog Papiers et poussières avait déjà prononcé les funérailles de l’exception culturelle, à partir d’une synthèse d’avis et de décisions de la CADA et de la CNIL, qui préfiguraient la solution consacrée par la Cour de Lyon et c’est aussi une thèse que je défends depuis des années maintenant (voir ici, ou ).

Le Conseil National du Numérique, dans son avis du 5 juin 2012 sur l’Open Data, avait pareillement émis une recommandation pour réintégrer les données culturelles dans le régime de réutilisation commun. Il estime en effet que :

[…] cette dérogation demeure un frein à la mise à disposition des données culturelles . La protection de la vie privée a pu être invoquée, notamment dans les cas des fichiers d’Etat Civil détenus par les archives, mais là encore, la loi précise déjà (article 13) que « la réutilisation d’informations publiques comportant des données à caractère personnel est subordonnée au respect des dispositions de la loi n˚78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ». Dans tous les cas, il ne semble pas proportionné de créer un régime d’exception à tout le secteur culturel s’il n’est justifié que par des cas très particuliers, qui restent d’ailleurs à définir précisément. Le CNNum propose donc d’intégrer les données culturelles dans le régime de réutilisation commun.

C’est exactement le raisonnement suivi par la Cour d’appel dans son jugement. Après avoir repoussé l’exception culturelle, elle indique toutefois une limite au principe de la réutilisation, qui est fixée par le dispositif général de la loi du 17 juillet 1978, à son article 13, à savoir la protection des données personnelles. En vertu des dispositions de la loi Informatiques et Libertés, NotreFamille.com aurait dû disposer d’une autorisation de la CNIL pour pouvoir transférer des données vers Madagascar. La société n’a pu obtenir cette autorisation qu’après que le département du Cantal ne lui refuse la réutilisation. Dès lors, ce refus était bien fondé et c’est la raison qui motive le retournement par rapport au jugement de première instance du TA.

Là encore, c’est une position qui est entièrement compréhensible et que j’avais à plusieurs reprises défendue : pour protéger les données personnelles, l’exception culturelle est inutile et cette justification ne résiste pas à une analyse juridique objective. Les données personnelles contenues dans les documents des institutions culturelles ne possèdent pas de spécificités particulières par rapport à celles des autres administrations. La loi du 17 juillet 1978 prévoit en outre une articulation avec la loi Informatique et Libertés à son article 13. Et c’est bien à la CNIL de fixer les règles de protection, comme elle vient de le faire à nouveau dans une recommandation sur les services d’archives. Tout ceci est parfaitement cohérent : si des problèmes de données personnelles se posent à propos des documents d’archives, il vaut bien mieux que ce soit la CNIL qui définisse les règles à suivre de manière générale, plutôt que de laisser cette tâche délicate à chaque service culturel en France.

Il faut à présent en finir avec ce feuilleton de l’exception culturelles et tirer toutes les conclusions de ce jugement. Le département du Cantal ne peut pas se porter en Cassation devant le Conseil d’Etat, vu qu’il a gagné et NotreFamille.com n’y a aucun intérêt, étant donné que muni à présent de l’autorisation de la CNIL, le département sera tenu de faire droit à sa demande de réutilisation. S’il refusait, il subirait très probablement à nouveau une défaite devant le TA, une autre devant la CAA et ce n’est qu’après plusieurs années de procédure qu’il pourrait enfin avoir une opportunité de poser la question au Conseil d’Etat en Cassation. Soyons sérieux : ce serait profondément déraisonnable et peu respectueux de l’autorité de la chose jugée. Surtout que comme le rappelle la Gazette des Communes, la Cour Administrative d’Appel de Lyon avait été désignée comme juridiction pilote sur ce type de contentieux et qu’elle a rendu un jugement qui aura toutes les chances d’être suivi.

Il est temps pour les services culturels en général de comprendre qu’ils se sont laissés abuser par une interprétation incorrecte des termes de la loi de 1978 et qu’il leur faut à présent s’adapter aux exigences de la réutilisation des données publiques. Le flottement a trop duré sur ces questions et c’est l’esprit de responsabilité qui commande à présent de mettre fin à ce combat d’arrière-garde. Je ne dis pas qu’il faut cesser de réfléchir à l’articulation entre le privé et le public en matière de réutilisation des données publiques (certains proposent des pistes intéressantes, à partir de la notion de biens communs), mais certainement pas sur la base de cette exception culturelle qui ne règle rien.

Par ailleurs, cette décision devrait également avoir des conséquences au niveau central, sur les établissements publics liés au Ministère de la Culture, quant à leur participation au portail data.gouv.fr.

Comme je l’avais indiqué ici, la circulaire du 26 mai 2011 qui fixe la gratuité comme principe pour la réutilisation des données des Ministères et de leurs établissements tire une conséquence extrêmement forte de l’exception culturelle de l’article 11 de la loi, en laissant à ces établissement un pouvoir discrétionnaire pour décider si elles souhaitent rejoindre le portail data.gouv.fr et placer leurs données sous la licence ouverte d’Etalab.

Or à l’heure actuelle, si l’on excepte le cas de la BnF avec data.bnf.fr, les établissements publics culturels nationaux, qui détiennent les jeux de données les plus importants dans le domaine de la Culture, ont utilisé ce pouvoir discrétionnaire pour se tenir à l’écart de data.gouv.fr et de la démarche d’Open Data qu’il promeut.

Si, comme l’a indiqué avec force dans sa décision la Cour de Lyon, les données culturelles doivent être réintégrées dans le régime général de réutilisation fixé par la loi du 17 juillet 1978, il n’est pas cohérent que la circulaire consacre au profit des établissements publics culturels nationaux un tel pouvoir exorbitant, par rapport aux obligations d’ouverture auxquelles sont soumises les autres administrations.

Cette circulaire doit donc être modifiée et les données culturelles (métadonnées et documents numérisés) doivent rejoindre le portail data.gouv.fr, sous Licence Ouverte, à moins pour les établissements de pouvoir justifier de circonstances particulières qui légitimeraient le maintien de redevances (et quelles pourraient-elles être ?).

Que les choses soient bien claires cependant : je n’ai aucune sympathie particulière pour une société comme NotreFamille.com et la vigilance était effectivement de mise à son endroit en matière de protection des données personnelles. Mais je n’ai pas plus de sympathie pour des fonctionnaires qui ont tâché de tordre la loi de 1978 pour s’octroyer une forme de privilège injustifié en matière de réutilisation. Et ce d’autant plus que sous couvert de protection des données personnelles et d’exception culturelle, c’est sans doute la volonté de continuer à marchandiser les données et de fixer les tarifs à leur guise qui expliquait leur attitude.

Une dernière chose très importante : c’est aussi au niveau européen qu’il faut agir au plus vite à présent, car comme j’ai essayé de le montrer dans ce billet, la proposition de révision de directive européenne sur les informations du secteur public contient des dispositions qui provoqueraient une grave régression par rapport à cette jurisprudence française et réintroduirait une forme de privilège encore plus fort au bénéfice des institutions culturelles.


33 réflexions sur “Réutilisation des données publiques : l’exception culturelle balayée en une phrase…

  1. Bonjour
    C’est bien de se battre pour que les données publiques soient accessibles gratuitement par tous. Pourtant, je n’ai jamais vu de levée de bouclier face aux pratiques de l’INA, organisme à but résolument lucratif, fondé sur la revente de données de la radio-télévision publique…

    1. Bonjour,
      J’ai déjà écrit sur les pratiques de diffusion de l’INA, en déplorant leur manque d’ouverture : https://scinfolex.wordpress.com/2012/03/29/lina-sur-youtube-le-bien-et-le-mieux-eclats-de-s-i-lex/

      Cependant, l’INA soulève des problèmes spécifiques en matière de réutilisation des données :
      – la plupart des contenus que l’Institut diffuse sont couverts par les droits de propriété intellectuelle de tiers (journalistes, compositeurs, acteurs, producteurs, entreprises de communicatio audiovisuelle, etc). Dès lors, en vertu de la loi de 1978, il ne s’agit plus d’informations publiques réutilisables et on se retrouve sur le terrain de la propriété intellectuelle. L’INA ne pourrait donc libérer ses données qu’en passant par une négociation avec les titulaires de droits.
      – Par ailleurs, l’INA n’est pas un établissement culturel au sens de la loi, car il a le statut d’EPIC (établissement public à caractère industriel et commercial). Là aussi, la loi de 1978 prévoit que les informations produites ou reçues par le sEPIC ne sont pas soumis au principe de libre réutilisation.

      La situation de l’INA est donc juridiquement complexe et à moins d’envisager soit uen réforme impprtante de la loi de 1978, soit une modification de son statut, la libération de ses données paraît assez hypothétique (ce que je déplore comme vous).

      A moins bien entendu que l’établissement ne décide de se lancer dans une politique d’Open Data. La SNCF (autre EPIC) a bien décidé de le faire pour certaines de ses données : http://data.sncf.com/

      L’INA pourrait embrasser une même démarche, au moins pour ses métadonnées.

      Pour les contenus mêmes, on est davantage dans uine politique d’Open Content et le billet que jevous indique au début montre que certains instituts audiovisuels étrangers offrent des exem) les intéressants d’ouverture des contenus (ex : Pays-Bas avec OpenImages : http://www.openimages.eu/)

      Cordialement,

      Calimaq

    2. Bonsoir,

      Dans le même style il y a aussi l’IGN

      L’ensemble des textes actuels semblent indiquer qu’à brève échéances c’est l’ensemble des structures ayant des missions de services publics qui seront concernées par la libération des données.
      La SNCF a commencé, La Poste aussi avec ses points d’accès public. L’Éducation Nationale a elle diffusée la liste de tous ses établissements scolaires.
      Au niveau des territoires la communauté urbaine de Brest fait figure de pionnière suivie par Rennes, Nantes, Toulouse.
      Le projet de cartographie libre OpenStreetMap (OSM) en est le reflet vivant (http://www.openstreetmap.org)

      Amitiés

  2. Je ne suis pas certaine que nous soyons sur la même longueur d’ondes. En effet, si je considère que la gratuité va de soi en salle de lecture, je suis moins enthousiaste en ce qui concerne internet. Les services publics d’archives sont souvent bien mal lotis en moyens humains et financiers et la situation empire. Peu à peu, on semble aller vers une situation dans laquelle le privé aurait tout les droits (envoyer les données du public à Madagascar, faire de l’argent avec les données publiques) et le secteur public aucun. J’imagine bien la situation suivante (pas si imaginaire que ça en fait) où l’archiviste s’entendrait dire par sa collectivité : « vous traînez pour numériser, documenter et mettre en ligne des images, donnez tout à la société Lambda, qui fait bien mieux que vous et qui gagne plein d’argent et qui sponsorise notre nouvelle salle des fêtes. Vous dites que la société Lambda ne fait pas un travail scientifique, qu’elle mélange l’état civil avec des documents qui n’ont rien à voir ? Quelle importance ? Vous dites que vous conservez plein de documents qui n’intéressent pas la société Lambda ni aucune autre et que vous voudriez des moyens pour les numériser et les mettre en ligne gratuitement ? Vous pensez vraiment qu’on va vous en donner les moyens ? »
    Bref, je ne vois pas en quoi le fait de construire un juste prix pour permettre une diffusion plus importante et mieux faite serait négatif. L’accès au document original ou à sa représentation en salle de lecture restant gratuit.
    Cordialement

    1. Vous confondez deux choses et c’est bien tout le drame de cette affaire de la réutilisation des données culturelles. Les arguments que vous avancez sont d’ordre économique et non juridiques. Si les archives ont besoin de financements, qu’elles défendent leur cause devant leurs tutelles.
      Mais il n’est pas acceptable de tordre la loi pour des motifs budgétaires. C’est bien ce que je reproche aux professionnels qui ont essayé de faire dire à l’article 10 de la loi de 1978 ce qu’il ne disait pas.

      En tout cas, devant un juge, ces arguments budgétaires n’auront aucune efficacité et la décision de la CAA de Lyon est là pour le prouver.

      Par ailleurs, je frémis vous entendant dire que l’accès gratuit sur place dans les locaux des archives est suffisant. C’est passer à côté de l’intérêt majeur de la numérisation et se condamner à terme par rupture avec les usages.

      Comme je l’ai indiqué dans le billet, cela ne signifie pas que je réfute la nécessité de trouver des formes d’équilibre entre le privé et le public en matière de réutilisation des données.

      Mais certainement pas sur ces bases-là.

      En ce sens, oui, nous ne sommes pas du tout sur la même longueur d’ondes, parce que vos arguments au fond sont essentiellement d’ordre corporatiste et je me refuse à me placer dans une telle logique.

      Calimaq

      1. Il est difficile de discuter par méls interposés et il serait sans doute mieux d’en arriver à une véritable rencontre au cours de laquelle chacun pourrait évoquer ses arguments de façon posée et construite. Je n’apprécie évidemment pas d’être traitée assez facilement de « corporatiste ». Les choses ne sont pas si simples et vous le savez bien. Nier que nous sommes dans un contexte où la notion de service public est très malmenée ne peut relever que de l’utopie.
        Refuser d’écouter ceux qui sont les principaux intéressés dans cette affaire n’est peut-être pas la meilleure solution… Bref, restons-en là, en espérant qu’un jour un vrai débat, pas virtuel celui-là nous permettra de nous rencontrer, sur la forme et sans doute sur le fond.
        Je réponds simplement à ce paragraphe : « Par ailleurs, je frémis vous entendant dire que l’accès gratuit sur place dans les locaux des archives est suffisant. C’est passer à côté de l’intérêt majeur de la numérisation et se condamner à terme par rupture avec les usages. » Je me suis sans doute mal exprimée, il ne s’agit pas de ne pas numériser, bien évidemment ! C’est l’argument de la gratuité qui était ici évoqué. Mais bref, je ne veux pas relancer le débat.

      2. Bonjour,

        Je voudrais revenir sur ce terme de « corporatisme » et votre paragraphe suivant : « Je n’ai pas plus de sympathie pour des fonctionnaires qui ont tâché de tordre la loi de 1978 pour s’octroyer une forme de privilège injustifié en matière de réutilisation. Et ce d’autant plus que sous couvert de protection des données personnelles et d’exception culturelle, c’est sans doute la volonté de continuer à marchandiser les données et de fixer les tarifs à leur guise qui expliquait leur attitude. »

        Ce paragraphe me semble excessif dans sa forme et dans son fond.

        Ce ne sont quand même pas les professionnels qui ont rédigé la loi de 1978, à la seule fin de protéger leurs intérêts « corporatistes ».

        Vous avez votre lecture de cet article 11, c’est votre droit, et j’ai d’ailleurs plutôt tendance à la partager. Mais il en existe une autre, que vous ne pouvez pas écarter d’un revers de main (« par dérogation au présent CHAPITRE »), ce n’est pas seulement du droit, c’est du français. Le « chapitre » 2 dont il est question traite de la réutilisation, et cet article 11 place les établissements culturels hors de ce « chapitre», « par dérogation ».

        Encore une fois, ce n’est pas ma vision personnelle de la loi, et je rejoins assez votre analyse à titre personnel, mais il est indéniable que ces mots figurent dans le texte législatif. Qu’a voulu faire le législateur ? Je n’en sais personnellement rien. Mais pourquoi accuser les professionnels de la culture de « tordre la loi » ?

        On ne peut pas dire non plus que tous les professionnels « marchandisent » les données. Je vous rappelle que, jusqu’à cette regrettable affaire, les réutilisations étaient en général entièrement gratuites, au moins dans les archives, pour parler d’un secteur que je connais. Ce qui, par parenthèse, n’était le cas ni dans les musées, ni dans les bibliothèques (les anciens tarifs de la BNF m’ont fait bondir). Les services d’archives ont numérisé des centaines de milliers d’actes, voire des millions, les ont mis en ligne gratuitement (à 3 exceptions près), dans un souci de bien public et pas de « marchandisation ».

        1. La seule interprétation valable des textes est celle qu’en font les juges. Le TA a tranché , la CAA a confirmé. J’imagine que l’obstination fera porter l’affaire jusqu’au Conseil d’Etat. Et après, que faudra-t-il ? Une bulle du pape ?

          Si vous êtes « plutôt » d’accord avec mon interprétation, ce n’est pas à moi qu’il faut le dire, mais à vos collègues.

          Et surtout à la Ministre.

          1. Ce que je voulais souligner, c’est que la loi n’a pas été « tordue » par les fonctionnaires : l’interprétation faite par certains a été démentie par le juge, a posteriori, et dans des cas bien précis. Ce n’est quand même pas pareil.
            PS : Laissons le pape et ses bulles en dehors de ça :-)

  3. Bonjour Callimaq, Merci pour la clarté de votre billet et des commentaires qui suivent. Je suis en parfait accord avec vos arguments. Si vous me le permettez, j’ajouterai que la réutilisation des données culturelles et notamment des données contenues dans les archives va dans le sens de l’histoire de nos usages de l’information numérique. Je pense que les services d’archives ne perçoivent pas suffisamment les projets d’open data comme un levier de reconnaissance de leur existence. Pourquoi ne voir que l’aspect commercial et financier dans la réutilisation des données par des sociétés privées ? Notrefamille.com ne fait pas payer les données en elle-même mais un travail d’ingénierie documentaire (indexation ou autre) effectué sur ses données qu’elle offre sous la forme d’un nouveau service à ses clients. Oui, cela rémunère une entreprise privée, un patron, des salariés. So what ? Les services d’archives publiques ne deviennent-ils pas un levier de développement économique et d’innovation pour des entreprises qui souhaitent créer de nouveaux services ? Il pourraient aussi en être fier, d’autant plus que ça rend leur existence d’autant plus légitime face à leurs élus, non ?

    1. Bonsoir,

      Pour moi le critère économique ne tient pas la route! En effet qui profite de la plus-value? Sûrement pas des employés français! Donc seul le patron en profite! Si on avait la certitude de voir des français bénéficier de cette manne financière la pilule passerait déjà un peu mieux!

      Une vrai reconnaissance serait sur un processus de ce type:
      1) numérisation par des associations locales concernées par le projet (coût minime en subvention)
      2) mise à disposition de personnel pour classer, nommer, indexer les images dans une bdd. Cet aspect est plus technique quoique lorsque l’on sait ce que l’on veut on voit tout de suite l’organisation nécessaire à minima. Certes l’assistance de techniciens est utile (coût mise à disposition de personnel du département donc quasi nul puisque ce personnel est déjà payé)
      3) ne surtout pas penser Internet et Intranet de la même façon car on va à la catastrophe (même si les outils peuvent être proches). Le bling-bling est à exclure.
      4) mise en ligne des images avec indexation collaborative (coût nul pour l’indexation), la mise en ligne ayant un coût au niveau de l’espace, les autres coûts sont déjà présents dans les points antérieurs!
      5) création d’une section du site destinée à recevoir des documents particuliers sortant de l’ordinaire. On peut ainsi faire un index des notaires, des baptêmes de cloches, des incidents plus ou moins spectaculaires. On peut aussi faire des pages sur des individus importants de la communauté locale. Il est évident que cette section est un charge de travail pour le personnel des archives qui doit accepter de recevoir les contributions des lecteurs! C’est là le gage d’une mise en ligne réussie.

      Certes c’est aussi la désignation d’un agent des archives pour être l’interlocuteur privilégié des internautes. Cet agent doit avoir une délégation d’autorité pour agir en cas de panne auprès du service compétant. Cela veut dire que le département doit mettre les moyens derrière si c’est lui qui fait ce travail.

      1. Dans ce débat ce qui est oublié c’est que ce sont les associations qui, avec leurs membres, ont gracieusement numérisé les documents, souvent ces membres ont aussi participé à l’indexation; et c’est tout ce travail mis à la disposition de tous ( via les portails des AD) devrait être fourni à une entreprise privée qui en tirerait des bénéfices!
        Faudra t il que les AD restituent le travail effectué par des bénévoles aux associations concernées ??

        1. C’est exact cela est le cas dans quelques département où ce sont les associations qui ont fait le travail mais, hélas, ce n’est pas la majorité loin de là.
          Personnellement je précise que l’ensemble de mes travaux sont en CC-BY-SA-NC donc j’interdis l’usage commercial. Si un marchand veut une copie de mon travail c’est impossible il doit faire lui-même la numérisation et l’indexation qui s’en suit.
          Les dépôts sont tenus de respecter mes choix! Ils peuvent distribuer mon travail aux mêmes conditions. Cela ne pose pas de soucis et c’est légal.

          Le problème est le droit d’auteur sur les clichés! Il appartient à celui qui les a pris et à lui seul y compris en cas de travail suggéré par une association. En effet l’adhérent n’est pas un employé et en conséquence il conserve TOUS ses droits y compris après remise de son travail à une association. Vous me direz que dans la masse c’est insignifiant, oui mais il est identifiable donc son travail est isolable de celui des autres adhérents. Allons plus loin un adhérent numérise la totalité d’une commune. Il remet son travail à l’association. Il a un désaccord avec cette dernière et décide de retirer son travail de cette association et lui interdit de s’en servir! Elle est tenue de s’exécuter sans qu’aucun recours ne soit possible! À contrario il ne peut interdire à celle-ci de refaire le même travail.

          Amitiés

  4. Pour compléter l’article et mon commentaire, voici, tiré du n° 255 d’Archimag, le point de vue de Frédéric Blin, directeur de la conservation et du patrimoine à la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg : « l’ouverture est importante pour deux raisons principales. La première est qu’une bibliothèque publique est au service des citoyens, et que les données qu’elle produit appartiennent donc à la communauté[…]. La seconde est que l’ouverture des données favorise leur reprise et leur exploitation par des tiers, ce qui crée de l’activité pédagogique, scientifique, culturelle, commerciale etc. par définition favorable au dynamisme et à la créativité de la société : la place des bibliothèques s’y trouve renforcée. » Puissent les archivistes prendre exemple sur le bon sens des bibliothécaires.

    1. Bonsoir,

      je suis archiviste, et la grande différence entre archives et bibliothèques, c’est la question des données personnelles, et non le « bon sens ».
      En outre, en général, les données numérisées sont accessibles gratuitement sur les sites des archives, qui sont en effet « au service des citoyens » et qui drainent d’ailleurs un public absolument considérable. Ne faisons pas de procès d’intention.

      1. La décision de la Cour est tout à fait claire à propos des données personnelles : elle confirme que les institutions culturelles ne peuvent utiliser l’exception culturelle pour définir des conditions de réutilisation exorbitantes, au motif de protéger des données personnelles.

        Les données culturelles relèvent donc du régime général prévu à l’article 13 de la loi et dans la loi Informatique et Libertés. C’est d’ailleurs sur ce fondement que NotreFamille.com est débouté ici.

        Que les données personnelles posent un problème particulier dans le domaine des archives, je l’admets volontiers. Que cela doive justifier un régime dérogatoire pour l’ensemble des données culturelles, c’est une autre affaire et les juges ne l’entendent pas ainsi.

        Les données numérisées par les services d’archives sont accessibles en ligne. Très bien ! Mais la réutilisation est un enjeu fondamental et l’accès n’est plus aujourd’hui suffisant.

        Pour ce qui est du procès d’intention, j’espère seulement que l’autorité de la chose jugée sera enfin respectée par les archivistes.

        Sinon, ce serait grave et profondément anti-républicain.

        1. Si les archivistes n’avaient pas soulevé le problème des données personnelles, en application de la loi, personne ne l’aurait fait.

          Ce que je voudrais dire, aussi, c’est que je trouve le ton employé dans ce billet un peu trop vif. Ce n’est pas ainsi que les opinions divergentes peuvent s’exprimer. Comme le disait ma collègue supra, si, à chaque mot que nous disons, nous sommes pris à partie, ça ne permet pas non plus le dialogue. J’ai le sentiment que notre procès est fait d’avance, mais les droits de la défense ne me semblent pas avoir été complètement respectés. Du coup, votre blog va finir par être très consensuel.

          Coridalement.

          1. Vous déplorez le ton de ce billet, moi je déplore le temps perdu en matière de réutilisation des données culturelles.

            Je l’ai déjà écrit et je le répète : la Culture est le mouton noir de l’Open Data en France, alors qu’elle aurait dû être le premier secteur à embrasser ce mouvement : https://scinfolex.wordpress.com/2012/05/03/pourquoi-la-culture-est-devenue-le-mouton-noir-de-lopen-data-en-france/

            Cette situation n’est plus tolérable et s’il faut durcir encore le ton pour que cela change, comptez sur moi.

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