Défense et illustration de la clause non-commerciale

Depuis le mois d’avril 2012, la fondation Creative Commons International a annoncé qu’une nouvelle version de ses licences (la 4.0) allait être publiée et un appel à commentaires a été lancé pour inviter la communauté à participer à la réflexion.

Des modifications importantes sont envisagées, comme le fait de globaliser les licences pour ne plus avoir à les adapter pays par pays, en fonction des législations nationales. Mais c’est une autre question qui s’est imposée dans les discussions : celle de la conservation ou non de la clause Non Commercial – Pas d’Utilisation Commerciale (NC).

Quentin Metsys. Le Prêteur et sa femme. Domaine public. Source : Wikimedia Commons

Il s’agit à vrai dire d’un vieux débat qui divise le monde du libre depuis des années. A la différence des licences libres ou Open Source issues du domaine du logiciel, les licences Creative Commons proposent à leurs utilisateurs une option pour autoriser la réutilisation de leurs oeuvres, tout maintenant l’interdiction de l’usage commercial.

Si l’on en croît le graphique ci-dessous, publié par Creative Commons dans la brochure The Power of Open, l’option NC est retenue par une majorité d’utilisateurs : 60% sur les quelques 450 millions d’oeuvres placées sous licence Creative Commons. Si l’on observe un site comme Flickr, la plateforme de partage de photographies, la tendance est plus forte encore : sur les 240 millions de photos sous licence Creative Commons que contient Flickr, 170 comportent une clause Non Commercial, soit 71%.

En dépit de cette large adoption, le monde du libre est agité de débats pour savoir si de telles clauses sont compatibles avec les exigences de la Culture libre et si elles ne devraient pas tout simplement être supprimées des choix offerts par les licences Creative Commons.

Quand les licences Creative Commons ont commencé à devenir visibles, la communauté du libre, familiarisée avec les problématiques du logiciel, a fraîchement accueilli ces clauses NC. Une partie de la communauté a alors considéré que les licences interdisant les usages commerciaux ne devaient pas être considérées comme des licences “libres”. Une autre appellation a été mise en place pour les distinguer, celle de licences “de libre diffusion”.

Un label spécial a même été établi – et accepté par Creative Commons International – celui “d’oeuvre culturelle libre“, proche des quatre libertés du logiciel libre, accordé seulement à certaines licences parmi celles que propose Creative Commons : la CC-BY (Attribution), la CC-BY-SA (Attribution – Partage dans les mêmes conditions, qui est la licence de Wikipédia) et la CC0 (versement volontaire au domaine public).

Beaucoup de critiques adressés à la clause non commerciale portent sur son imprécision et il est vrai que la formulation actuelle des licences peut paraître ambigüe :

L’Acceptant ne peut exercer aucun des droits qui lui ont été accordés à l’article 3 d’une manière telle qu’il aurait l’intention première ou l’objectif d’obtenir un avantage commercial ou une compensation financière privée. L’échange de l’Œuvre avec d’autres œuvres soumises au droit de la propriété littéraire et artistique par voie de partage de fichiers numériques ou autrement ne sera pas considérée comme ayant l’intention première ou l’objectif d’obtenir un avantage commercial ou une compensation financière privée, à condition qu’il n’y ait aucun paiement d’une compensation financière en connexion avec l’échange des œuvres soumises au droit de la propriété littéraire et artistique.

Qu’est-ce exactement qu’un “avantage commercial” ou une “compensation financière privée” ? Le  “non-commercial” est défini de manière à inclure le partage non-marchand de fichiers, mais la délimitation avec les activités commerciales reste incertaine. Conscient du problème, Creative Commons avait publié en 2009 un rapport sur la question, soulignant la difficulté à tracer la distinction entre commercial et non commercial, mais sans apporter de réelles solutions.

Pour la version 4.0, l’intention de départ sur ce point était seulement d’essayer de clarifier la définition du NC, mais le débat a dévié vers l’opportunité de supprimer purement et simplement l’option. Plusieurs voix importantes se sont élevées pour réclamer cette réforme, comme celle de Rufus Pollock, l’un des co-fondateurs de l’Open Knowledge Foundation. Il soutient notamment que la clause non-commerciale est incompatible avec la notion de biens communs.

En France, Framablog s’est fait l’écho de ces débats, en publiant une série de traductions en défaveur de la clause non-commerciale (1, 2, 3), suivi par Stéphane Bortzmeyer sur son blog.

A contrecourant de ce pilonnage en règle, je voudrais ici montrer que la suppression de la clause non-commerciale serait une très mauvaise idée pour la défense de la Culture libre. La notion de “non-commercial” revêt même une importance stratégique décisive pour l’avenir, dans la mesure où, au-delà des licences Creative Commons, elle sert de pivot aux grands projets globaux de réforme du système de la propriété intellectuelle.

Plutôt que de la saper, les communautés du libre devraient plutôt contribuer à la réflexion pour la rendre la plus opérationnelle possible. C’est l’avenir de la réforme du droit d’auteur qui passera par le non-commercial (ou ne passera pas…).

Le faux argument du flou juridique

Le principal argument employé contre la clause “non commercial” réside dans le fait que la notion serait floue et qu’elle génèrerait de fait une insécurité juridique trop importante. Tous les détracteurs mettent en avant l’imprécision dans leur critique et on la retrouve notamment  chez Eric Raymond, repris sur Framablog :

Ce pourquoi elle devrait être enlevée n’a rien à voir avec aucune profonde philosophie ou politique couramment apportées dans le débat, et tout à voir avec le fait qu’il n’y a pas de critère légal de démarcation pour “activité commerciale”. Cette mauvaise définition se reflète dans les débats pour le terme commercial, qui signifie transaction financière ou lucratif, et c’est l’exacte raison pour laquelle l’Open Source Definition interdit aux licences logicielles open source de disposer de restrictions similaires.

Le groupe fondateur de l’OSI, après avoir étudié la possibilité, a conclu que l’attribut “NC” au sein d’une licence open source créerait une trop grande confusion au regard des droits et obligations, de trop nombreux effets secondaires sur des comportements que nous ne souhaitons pas encourager, et trop d’ouvertures possibles pour les plaideurs compulsifs. Ce qui est uniquement une source de contentieux au sein de notre communauté pourrait se révéler destructeur pour elle si des tribunaux antipathiques venaient à prendre des décisions défavorables, même de faible portée.

Blur (DPS Weekend Challenge). Par -=DMC=-. CC-BY-NC-ND. Source : Flickr

La première chose que l’on peut relever, c’est que le risque évoqué des “plaideurs compulsifs” ne s’est pas réalisé, depuis 10 ans bientôt qu’existent les licences Creative Commons.

Les procès ont été très rares (il n’y en a même aucun encore en France à propos des CC). Un certain nombre d’affaires cependant peuvent être citées ailleurs dans le monde, dans lesquelles les juges ont reconnu à chaque fois la validité des licences Creative Commons, lorsque des auteurs ont réclamé le respect des conditions qu’ils avaient fixées (pas du tout des plaideurs compulsifs donc, mais un usage “normal” et légitime des contrats que sont les Creative Commons).

Or plusieurs fois, les auteurs se plaignaient qu’un usage commercial avait été réalisé de leur oeuvres, alors qu’ils avaient fait le choix de les interdire par le biais d’une clause NC. Ce fut le cas en 2006 aux Pays-Bas (vente de photos par un magazine), en 2009 en Israël (photographies postées sur Flickr revendues incorporées à des collages), en 2009 encore en Belgique (reprise d’une musique dans une publicité pour un théâtre). Dans les trois cas, les juges n’ont eu aucune difficulté à établir que la clause NC avait été violée et les décisions n’ont pas fait l’objet d’un appel. Pas si mal, non, pour une clause jugée irréparablement imprécise !

La soi-disant imprécision du NC n’est en fait que relativement limitée. Il est vrai qu’elle affecte certains points importants : le fait de reprendre une oeuvre sur un site générant des revenus par le biais de publicités par exemple, ou encore celui d’utiliser une oeuvre dans un contexte pédagogique impliquant des échanges financiers (cours payant, formateur rémunéré, etc).

Mais pour l’essentiel, la définition du NC est largement opératoire. Un exemple intéressant à citer à ce propos réside dans le billet Complexité de la clause Non Commerciale des licences Creative Commons : la preuve par l’exemple, écrit par Evan Podromou et traduit par Framablog.

L’auteur liste une longue série de cas d’usages et essaie de montrer par ce biais l’imprécision de la clause NC. Mais il se trouve qu’en réalité, Evan Podromou apporte exactement la preuve inverse de celle qu’il voulait donner : dans la majorité des cas, il est capable de déterminer avec une certitude suffisante comment la clause doit être appliquée. Ce n’est que dans des hypothèses improbables et tarabiscotées que la clause est prise en défaut. Sur l’essentiel, elle tient largement la route :

  • Un éditeur télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur internet, en fait un tirage de 100 000 exemplaires et le vend en librairies dans le pays. (Non)
  • Un particulier télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur son ordinateur et le lit. (Oui)
  • Un particulier télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur son ordinateur, l’imprime sur son imprimante, et lit le document imprimé. (Oui)
  • Un particulier télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur son ordinateur et l’envoie par courriel à un ami. (Oui)
  • … et le partage avec le monde sur son site web. (Oui)
  • … et le partage avec le monde via un réseau P2P. (Oui)
  • Un particulier télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur son ordinateur, l’imprime sur son imprimante et le donne à un ami. (Oui)

Après ça, je veux bien que l’on soutienne que l’idéologie ou la philosophie ne jouent aucun rôle dans le rejet de la clause NC, mais il me semble au contraire que l’idéologie a beaucoup de choses à voir avec la manière dont certains l’appréhendent, alors qu’une analyse juridique objective aboutit à de toutes autres conclusions.

Mettre en avant le flou juridique pour rejeter une notion, c’est aussi méconnaître profondément la manière dont fonctionne le droit lui-même. Le droit en réalité n’est jamais une matière “en noir et blanc”, même quand il utilise des catégories binaires. Il est rempli de “zones grises”, qui sont autant de marges de manoeuvre laissées aux juges pour adapter la règle de droit à la réalité, toujours mouvante.

Didier Frochot explique très bien sur le site les Infostratèges que ces zones grises du droit jouent en fait un rôle fondamental pour l’équilibre du système :

Les zones grises sont une inévitable conséquence du fait que le droit est une science humaine : rêver de supprimer ces zones reviendrait à enfermer les êtres humains dans ces règles strictes et à leur interdire de vivre et d’évoluer. C’est peut-être le cas sous des régimes autoritaires dans lesquels peu de place est laissée à la liberté de l’homme, mais dans des pays libres, c’est la rançon du respect des libertés fondamentales.

Dans les pays respectueux des libertés donc, le couple droit écrit — jurisprudence est là pour définir les grands principes par écrit et délimiter la frontière au coup par coup et à mesure de l’évolution de la société, afin de réduire le plus possible ces fameuses zones grises.

Grey Slate 2. Par vintage findings/painted works. CC-BY-NC-SA. Source : Flickr.

Frochot rappelle aussi que beaucoup de notions juridiques comportent une marge d’incertitude quant à leur application (l’originalité, la vie privée, la diffamation, l’injure, etc). Faut-il pour autant les supprimer ? Il ne resterait plus grand chose dans les Codes ! Et d’ajouter cet argument essentiel :

Mieux vaut considérer la vérité statistique : dans la majeure partie des cas, on sait précisément de quel côté de la frontière juridique on se trouve.

C’est le cas pour la clause NC, comme le démontre justement l’article de Framablog cité ci-dessus.

Par ailleurs, remarquons que les tenants de la suppression de la clause NC sont en général de farouches défenseurs du Partage à l’identique (Share Alike ou SA), autre option des licences Creative Commons. Or les effets de cette dernière sont tout aussi difficiles à déterminer, sinon davantage.

Un exemple éclatant en avait été donné lors de l’affaire Houellebecq contre Wikipédia, lorsque l’écrivain Michel Houellebecq avait été accusé d’avoir plagié des articles de Wikipédia en incorporant des extraits dans son roman sans citer la source. Les avis s’étaient partagés sur le point de savoir si l’effet viral de la licence CC-BY-SA de Wikipédia s’était déclenché à l’occasion d’une telle incorporation. Impossible de le déterminer : seul un juge en définitive aurait pu trancher avec certitude la question.

Supprimer la clause NC parce qu’elle est trop imprécise, pourquoi pas ? Mais si l’imprécision est la véritable raison, il faudrait aussi supprimer la clause SA !

Toutes les oeuvres ne sont pas des logiciels

Une source de confusions dans ce débat réside dans le fait que les détracteurs de la clause NC sont en général issus de la communauté du logiciel libre et ils restent fortement imprégnés de la logique particulière de ce domaine. Mais cette dernière n’est pas généralisable à l’ensemble des champs de la création, dans la mesure où toutes les oeuvres ne sont pas assimilables à des logiciels.

Dans le domaine du logiciel libre, la clause de Partage à l’identique (SA) joue en effet un rôle important de régulation, dans la mesure où elle se déclenche fréquemment en cas de réutilisation de l’oeuvre. En effet, lorsqu’un réutilisateur modifie une oeuvre pour en produire une nouvelle, la clause SA s’applique et l’oblige à placer l’oeuvre dérivée sous la même licence (effet viral). Dans le cas d’un logiciel, la clause se déclenche fréquemment lors d’une réutilisation, car pour utiliser un logiciel dans un autre contexte que celui d’origine, il est souvent nécessaire d’adapter le code. Cela induit un rapport particulier être les communautés développant les logiciels libres et le secteur marchand,  évitant que leurs créations soient réappropriées de manière exclusive. C’est aussi le cas pour les wikis, où l’usage même implique une modification, ce qui fait que la licence CC-BY-SA convient très bien à Wikipédia.

Mais pour les oeuvres non-logicielles, les hypothèses de déclenchement de la clause SA sont plus rares. L’auteur d’un roman par exemple ne pourra pas empêcher que son oeuvre soit vendue, telle quelle par un éditeur s’il la place simplement sous licence BY-SA. Pour la photographie, c’est encore plus le cas. Les photos peuvent facilement être réutilisées sans modification, comme illustrations. Dans cette hypothèse, le partage à l’identique ne se déclenche pas.

Le problème, c’est que lorsqu’on examine les modèles économiques des acteurs qui utilisent les licences Creative Commons, on constate que dans bien des situations, ils reposent sur la réservation de l’usage commercial. Pour un auteur de textes par exemple, il arrive que des éditeurs acceptent que des oeuvres soient publiées par leur soin en papier, tout en permettant que les versions numériques circulent en ligne sous licence Creative Commons. Mais cette hypothèse est déjà rare (tout le monde n’est pas aussi militant que Framabook !) et elle le serait encore davantage, s’il n’était pas possible de réserver les usages commerciaux avec des licences NC.

Il existe également des photographes (Trey Ratcliff, Jonathan Worth), qui font le choix de diffuser leurs clichés sur Internet sous licence Creative Commons. Ils utilisent les forces du partage pour gagner en notoriété et faire connaître leurs oeuvres. Mais leur modèle économique repose sur la possibilité de continuer à tarifier les usages commerciaux, qu’il s’agisse de publications dans des médias ou d’expositions. On peut supprimer la clause NC, mais quel modèle économique pourra alors être mis en place dans le champ de la photo, hormis peut-être le crowdfunding ?

A small Carousel in France. Par Trey Ratcliff. CC-BY-NC-SA. Source : Flickr

Toutes les oeuvres ne sont pas des logiciels et certains secteurs ont besoin de la clause NC pour que se constitue une économie du partage.

Défendre le non commercial, au lieu de le dénigrer

Le problème de la clause NC n’est pas tant l’imprécision que la généralité et on peut reprocher à Creative Commons International de ne pas avoir fait suffisamment de choix concernant la définition.

Car il serait assez simple en définitive de trancher une fois pour toutes les incertitudes affectant la notion. La discussion sur le site de Creative Commons à propos du passage à la version 4.0 est instructive à cet égard. 12 propositions avaient été faites dont certaines auraient pu apporter de réelles améliorations. Par exemple, préciser explicitement si la diffusion sur un site comportant de la publicité est un usage commercial ou non. Ou déterminer si un usage pédagogique doit être considéré ou non comme non-commercial, même s’il implique des échanges monétaires.

Mais pour cela, il aurait fallu que la communauté Creative Commons soit en mesure de choisir et il semble que ce soit davantage ce problème de gouvernance qui bloque l’évolution de la définition de la clause NC. La fondation Creative Commons s’oriente visiblement vers un maintien en l’état de la clause NC, ce qui ne manquera de faire grincer des dents, mais paraît l’option la plus sage, faute de consensus.

D’autres propositions intéressantes sont sur la table. Dans ce billet traduit en français par Paul Netze sur son site Politique du Netz, Rick Falkvinge du Parti Pirate Suédois propose une autre forme de définition, orientée vers la nature de la personne en cause :

En définissant l’usage commercial comme un “usage par une entité légale qui n’est pas une personne naturelle ou une association à but non-lucratif”, vous l’appliquez uniquement aux entreprises à but lucratif. Vous permettez aux particuliers de vendre des disques à la sauvette au pied du camion, mais vous évitez les arnaques à grande échelle qui se règlent désormais dans les salons feutrés des cabinets d’avocat. Vous permettez aux gens de partager pour autant que cela n’équivaut pas à un emploi dans une entreprise. C’est la meilleure définition que j’ai vue jusqu’ici.

C’est une approche “organique”, mais on peut en concevoir d’autres d’ordre “matériel”, comme de réduire strictement le commercial à la vente du contenu. On peut aussi procéder de manière téléologique en définissant le commercial par le but lucratif.

Toutes ces hypothèses sont ouvertes, mais encore faudrait-il choisir !

L’important cependant, c’est de défendre le non-commercial contre les tentatives majeures de distorsion qu’il pourrait subir. Ce fut le cas notamment avec l’accord passé l’an dernier entre la SACEM et Creative Commons. La SACEM a accepté que ses membres puissent placer certaines des oeuvres de leur répertoire sous CC. Elle limite cependant cette option aux licences CC comportant la clause NC, ce qui me paraît compréhensible étant donné la nature de l’acteur. Mais à cette occasion, la définition du non-commercial a été modifiée à la demande la SACEM pour recouvrir un nombre important d’usages publics (par exemple, la simple diffusion dans un espace accessible au public). C’est une dérive grave et on ne devrait pas laisser évoluer ainsi la définition du non-commercial !

Mais pour cela, il faudrait que les communautés du libre participent à la défense du non-commercial face à ce genre d’agressions, plutôt que de le dénigrer systématiquement. D’autant plus que le non-commercial est appelé à jouer un rôle stratégique majeur pour l’avenir, au-delà de la question des licences.

Le non commercial, nouvelle frontière de la réforme du droit d’auteur ?

La notion de non-commercial joue en effet un rôle clé dans les propositions les plus élaborées actuellement pour penser la réforme du droit d’auteur. Les Éléments pour une réforme du droit d’auteur et les politiques culturelles liées, soutenus par la Quadrature du Net, s’articulent autour de la légalisation du partage non-marchand. Philippe Aigrain propose une définition volontairement restrictive du non-marchand, se rapprochant de l’usage personnel, afin d’éviter la centralisation des fichiers :

Constitue un partage entre individus toute transmission d’un fichier (par échange de supports, mise à disposition sur un blog ou sur un réseau pair à pair, envoi par email, etc.) d’un lieu de stockage “ appartenant à l’individu ” à un lieu de stockage “ appartenant à un autre individu ”. “ Appartenant à l’individu ” est évident quand il s’agit d’un ordinateur personnel, d’un disque personnel ou d’un smartphone. Mais cette notion recouvre aussi un espace de stockage sur un serveur, lorsque le contrôle de cet espace appartient à l’usager et à lui seul (espace d’un abonné d’un fournisseur d’accès sur les serveurs de ce FAI, hébergement cloud si le fournisseur n’a pas de contrôle sur le contenu de cet hébergement).

Un partage est non-marchand s’il ne donne lieu à un aucun revenu, direct ou indirect (par exemple revenu publicitaire) pour aucune des deux parties. La notion de revenu est à entendre au sens strict comme perception monétaire ou troc contre une marchandise. Le fait d’accéder gratuitement à un fichier représentant une œuvre qui fait par ailleurs l’objet d’un commerce ne constitue en aucun cas un revenu.

Pirate Puzzel. Par dolldreamer. CC-BY-NC-SA. Source : Flickr.

Un même rôle décisif est dévolu au non-commercial dans le programme du Parti Pirate, dont on retrouve les grandes lignes dans l’ouvrage The Case For Copyright Reform, traduit à nouveau en français par Paul Netze.

Nous voulons que le droit d’auteur redevienne ce pourquoi il a été conçu, et rendre clair qu’il ne doit réguler que les échanges commerciaux. Copier ou utiliser un travail protégé sans but lucratif ne devrait jamais être interdit. Le pair à pair est, entre autres, une bonne raison pour cette légalisation.

Et les auteurs, Rick Falkvinge et Christian Engström, insistent sur le caractère globalement opérationnel de la distinction Commercial/Non commercial :

Nous possédons déjà un arsenal juridique qui fait la distinction entre intention commerciale et non commerciale, incluant la législation sur le droit d’auteur telle qu’elle existe aujourd’hui. C’est une bonne chose que les tribunaux aient déjà établi une jurisprudence afin de déterminer ce qui est commercial ou pas […] de façon générale, la limite entre activité commerciale et non commerciale est grossièrement à l’endroit où vous vous y attendiez.

Même Richard Stallman, libriste parmi les libristes, admet dans son projet global de réforme du système que la notion de non-commercial joue un rôle, pour les oeuvres d’art ou de divertissement !

Pour qu’il connaisse une évolution en profondeur, le système du droit d’auteur a besoin d’une réforme de grande ampleur. Il est clair que les projets politiques les plus élaborés ont besoin de la distinction entre le commercial et le non-commercial. D’une certaine manière, il s’agit même de la nouvelle frontière à atteindre. Dénigrer le non-commercial, en soutenant que la notion est vicieuse, c’est saper les chances qu’une telle réforme advienne. Lourde responsabilité à assumer…

Les lois actuelles, conçues pour l’environnement analogique, fonctionnaient sur la distinction entre l’usage privé (permis) et l’usage public (interdit). Avec le numérique, cette ancienne distinction n’est plus opérationnelle, dans la mesure où tout ou presque s’effectue “en public” sur Internet. C’est pourquoi le droit d’auteur a besoin d’une nouvelle grande distinction pour conditionner son application.

Et jusqu’à preuve du contraire, c’est la distinction commercial/non-commercial qui est la meilleure candidate pour ce rôle, en favorisant une immense libération des usages, tout en maintenant une sphère économique pour la création.

L’enjeu d’une Culture libre « mainstream »

Au-delà de cet argument essentiel, ce débat rejoint un autre enjeu fondamental, qui est celui de la diffusion des valeurs de la Culture libre. Si l’on reprend l’exemple de Flickr cité ci-dessus, on remarque que la plateforme comporte 240 millions de photographies sous CC… mais sur plus de 6, 5 milliards au total ! Soit un peu plus de 3,6% seulement. C’est certes en soi une masse importante de contenus réutilisables, mais certains y voient néanmoins le signe d’un certain échec des Creative Commons, au moins à devenir “mainstream”.

10 ans après leur création, les CC demeurent cantonnés à une communauté réduite d’utilisateurs. Combien d’entre eux reviendraient en arrière si on leur enlevait la possibilité d’utiliser le NC ? Peut-être pas tous, c’est certain, mais au moins une part importante. Veut-on encore réduire le cercle des utilisateurs, quand celui-ci a déjà du mal à s’étendre ?

L’enjeu fondamental derrière ce débat autour de la clause NC est de savoir si l’on veut que la Culture Libre s’étende au-delà de ceux qui boivent du Club-Mate. (Club-Mate. CC-BY. Par Bildsheim. Source : Flickr)

Car le point de vue “libriste” pur et dur est encore moins partagé. Il reste nettement ancré autour de la communauté du logiciel libre, avec quelques extensions aux artistes, comme le groupe réunit autour de la licence Art Libre en France, ainsi qu’à la communauté des wikipédiens.  Il a en outre la fâcheuse tendance à fonctionner à coup de stigmatisations et d’exclusions, comme ce fut encore le cas récemment avec les critiques qui ont fusé contre Yann Houry, ce professeur qui a été le premier a créé un manuel libre et gratuit sur iPad, mais en choisissant une licence comportant le NC. Immédiatement,  le premier réflexe libriste a été de le descendre (horreur, l’iPad !). Pourtant, l’usage de cette licence a paru encore trop subversif à Apple, puisque la firme a demandé le retrait de l’ouvrage de l’Appstore. Preuve s’il en est que l’initiative faisait bien bouger les lignes !

A titre personnel, je rejette catégoriquement cette distinction entre des licences qui seraient libres ou non, parce qu’elles contiendraient une clause NC. Il n’y a pas le “libre” d’un côté et le reste, mais un processus graduel de libération des oeuvres, ou mieux, de mise en partage de la création.

Psychologiquement, le stade essentiel à passer pour mettre en partage son oeuvre n’est pas d’autoriser l’usage commercial. Il est en amont, dans le passage d’une logique où l’interdiction est première (copyright/Tous droits réservés), à une logique où la liberté devient la règle et la restriction l’exception (le principe de base des Creative Commons). C’est ce renversement mental qui fait entrer dans la Culture libre et pas en soi l’abandon du droit patrimonial.

Si les “libristes” souhaitent que les auteurs aillent plus loin, à eux de les convaincre. Mais que le choix soit toujours laissé in fine à l’auteur, ce qui passe par l’acceptation du maintien de la clause non-commerciale.

PS : à titre indicatif, l’auteur de ces lignes précise qu’il utilise constamment pour ses propres créations la licence CC-BY et qu’il n’a donc pas d’intérêt direct dans ce débat. La thèse défendue ici l’est au nom de l’intérêt général.


69 réflexions sur “Défense et illustration de la clause non-commerciale

  1. Calimaq, tu m’as convaincu.

    Mes lectures m’avaient convaincues du flou juridique de la clause NC. Et si elle était floue, il fallait soit la clarifier (ce qui paraissait très difficile), soit la retirer.

    Mais si ce flou n’est pas si gênant que ça (sur ce point, je m’en remets à ton expertise), et si, en plus, il est possible de clarifier la clause (la solution de Rick Falkvinge de s’appuyer sur la nature de la personne en cause me parait particulièrement claire), alors oui, les bénéfices seront clairement bien plus importants que les inconvénients.

    PS : ça fait longtemps que j’ai plus bu de club-mate, tu m’as donné envie… mais j’en ai jamais vu en rayon en France…

  2. La piste évoquée du Parti pirate suédois me paraît la meilleure, celle de la distinction « usage lucratif/non lucratif » et non « commercial/non commercial » (d’ailleurs, on entend la plupart du temps « lucratif » quand on dit « commercial », dans les faits). Quelques exemples du billet traduit sur Framablog sont tout de même embarrassants. La zone grise est vraiment très large.
    La lucrativité pose peut-être moins de problèmes parce qu’elle importe beaucoup aux administrations fiscales : la lucrativité fait changer de régime fiscal. On aboutit ainsi à un critère objectif : la personne qui vend, commercialise l’œuvre est-elle ou non soumise à tel ou tel impôt pour cette activité (en France, l’impôt sur les sociétés) ?

    Quand les universités ont dû créer des services d’activités industrielles et commerciales il y a une dizaine d’années, elles ont reçu toute une flopée de directives. On trouve dans un guide de l’AMUE les indications suivantes pour le diagnostic de lucrativité :

    « – l’activité en cause coexiste-t-elle avec des activités de même nature accomplies par des entreprises du secteur privé ? ;
    – dans l’affirmative, apprécier si l’université concernée exerce cette activité dans un cadre concurrentiel, c’est-à-dire selon des modalités comparables à celles des entreprises du secteur privé.
    Pour ce faire, il doit être fait référence à un faisceau d’indices composé de quatre éléments devant être pris en compte dans l’ordre décroissant suivant :
    – le produit proposé par l’université (est-il de nature à être commercialisé ou non sur le marché par les entreprises ? Ou au contraire tend-il à satisfaire un besoin non pris en compte par le marché ou de manière insuffisante ?) ;
    – le public qui est visé (s’agit-il d’un public indifférencié, d’organismes non lucratifs ou non ?) ;
    – les prix qui sont pratiqués (les prix sont-ils nettement inférieurs à ceux que les entreprises
    proposent pour des opérations similaires ?) ;
    – la publicité mise en œuvre (utilisation ou non de méthodes commerciales ? Indice de lucrativité dans l’affirmative). »

    Il y a toujours une zone grise, mais elle est mieux bornée, semble-t-il. Et, s’il est vrai qu’une clause du type NC est indispensable pour la mise en place d’une réelle économie du partage, il ne paraît pas non plus aberrant que des activités fondées sur le bénévolat etc. puissent recouvrer une part de leurs coûts. Un des cas imaginés dans le billet d’Evan Prodromou évoque précisément un contexte de ce genre :
    « Une association à but non lucratif qui s’occupe d’apprendre à lire aux enfants télécharge une copie d’un livre sous licence CC by-nd-nc 2.0. L’équipe reproduit 100 exemplaires avec la photocopieuse de l’association et les distribue aux orphelinats locaux. (Oui)
    … et les vend aux orphelinats locaux au prix du papier. (Non) »

    En fait, on semble tourner souvent autour de la distinction à maintenir entre des revenus tirés de l’exploitation directe de l’œuvre en tant que telle (a fortiori dans le cadre d’un marché concurrentiel) et le recouvrement de frais annexes à sa mise à disposition dans un contexte non lucratif (coût du papier dans l’exemple précédent, mais aussi frais de maintenance de plate-forme d’hébergement, etc.). Tant qu’on bloque tout usage non commercial, toute contrepartie financière directe ou indirecte, on limite la mise à disposition à des contextes de pure gratuité, qui auront les plus grandes difficultés à se maintenir dans les faits.

    En fait, si j’ai regardé tout ça, c’est dans le prolongement de mon commentaire précédent sur la distinction entre l’activité de Refdoc et le PEB payant. Du coup, j’ai regardé ce qu’on pouvait trouver dans la réglementation. Le PEB, même payant, tant qu’il l’est à un niveau très inférieur aux prix du marché, se caractérise comme une activité commerciale non lucrative (et d’ailleurs exonérée aussi de TVA, si on la considère comme annexe aux activités d’enseignement), et à ce titre effectivement différente de celle d’une filiale à statut de SA (cela dit, ça reste sans doute tout de même une vente au sens de l’art. L 122-10…).

    1. Merci pour ces précisions. La piste téléogique est intéressante en effet et elle a déjà fait ses preuves dans le domaine fiscal.

      Merci également de vos recherches sur le PEB. C’est très éclairant, mais aussi vaguement inquiétant…

      Cela me conforte dans l’idée qu’il faut vraiment une exception pour donner une base légale à ces pratiques liées à la fourniture de documents par les bibliothèques.

    2. Les indications du guide de l’AMUE concerne les règles fiscales dans le cadre de la sectorisation fiscale lucratif/non-lucratif. Je ne pense pas qu’il faille les entendre comme une définition de la licence d’utilisation.

  3. Bravo Calimaq pour ce billet d’intéret général, comme souvent !

    Une question me taraude cependant et nécessiterait peut etre un article précis sur le sujet s’il n’a pas déjà été écrit: l’exploitation d’une oeuvre culturelle libre non commerciale sur un site internet financé par des revenus publicitaires est-il légal / et / ou souhaitable ?
    La fin de la clause non commerciale avantagerait clairement, je crois, le modèle de financement de l’internet par la publicité. En regardant le top 10 des sites les plus fréquentés j’observe que seul wikipédia n’est pas un service publicitaire, ce qui est à la fois rassurant et inquiétant.

    Rassurant car le système publicitaire n’a pas encore totalement mangé notre contenu. Inquiétant parce qu’il a déjà presque tout mangé. De cette économie nous pouvons retenir les multiples scandales sur les données personnelles de Facebook, les censures qui se multiplient sur twitter, et bien entendu, le problème majeur que représente google malgré son habilité à communiquer et à ne pas passer pour plus « méchant » que Facebook. Dans cette jungle informationnelle, il convient d’affirmer clairement des clauses non commeciales afin de protéger et préserver une économie de partage et de dons.

    Mon commentaire se veux également faire échos au billet de Philipe Aigrain qui parle de la pollution publicitaire sur wordpress.com : http://paigrain.debatpublic.net/?p=6102

    Ou encore du standard Do Not Track qui semble en train de couler.
    http://www.zdnet.fr/actualites/do-not-track-neelie-kroes-perd-patience-et-39783507.htm

    Les libéraux qui défendent la suppression de la clause non commerciale NC feraient bien de se souvenir que la liberté c’est aussi de choisir entre participer au marché ou non.

    La liberté des publicitaires n’est pas d’intéret général, tout comme un service en ligne publicitaire n’est pas un service gratuit, puisqu’il y a une contre-partie.

    1. Même réponse que sous un autre commentaire.

      Ce type d’usage est situé dans la « zone grise » que j’évoque. Impossible de trancher en l’état actuel des choses.

      Voyez la réponse que j’ai faite à M. pour plus de détails.

    2. Moi je veux bien qu’on décide de ne « pas participer au marché ». Mais ce n’est pas ce que font souvent les utilisateurs de la clause NC : ils sont bien contents, pour eux-mêmes, de participer au marché (en se réservant les droits d’usage commercial) ; ils veulent simplement l’interdire aux autres.

      Je ne vois pas comment on peut appeler cela des « biens communs », quand on se réserve un usage que l’on considère important. Si l’on considère que la liberté de faire un usage commercial *est* importante, alors un bien commun *doit* accorder cette liberté à tous.

      1. Personnellement, je ne trouve pas que gagner de l’argent soit une liberté… Je ne considère pas non plus que cela ait à en être une.

        On dira en effet plutôt :

        « Je dois gagner de l’argent pour payer mes charges »
        et non (il me semble) :
        « J’ai le droit de gagner de l’argent pour payer mes charges »

        « Je dois » indique donc pour moi la nécessité ou la contrainte, et non une liberté.

        Par contre si l’on dit :

        « Je peux travailler plus pour gagner plus et ainsi m’acheter une BMW au lieu d’une Fiat », on pourrait alors penser que la liberté de gagner de l’argent ne s’applique que si l’on en a déjà (suffisamment ?).

        C’est comme si l’on argumentait en faveur du fait que Steve Jobs avait la liberté d’être milliardaire en faisant travailler en Chine les ouvriers de Foxconn pour des salaires de misères et dans des conditions exécrables !

        La liberté de se faire de l’argent sur le dos des autres est pour moi plus une déviance qu’un idéal de société.

        1. Oui, enfin, ce n’est pas de cela qu’on parle. Faire usage commercial, ce n’est pas forcément « gagner de l’argent sur le dos des autres » et encore moins être Steve Jobs.

          Ça montre bien les soubassements idéologiques de certains tenants de la clause NC : une confusion étrange entre échange économique et exploitation. In fine, l’idée que l’argent est immoral et qu’il faut absolument en éloigner les autres, mais pas soi-même (puisqu’on se réserve l’usage commercial). Peut-être parce qu’on se croit plus apte que d’autres à décider du *bon* usage ? C’est en tout cas à l’opposé de l’idée même de « biens communs » ou d’« oeuvres libres ».

          1. Non, je ne peux pas laisser dire que le NC est incompatible avec la notion de biens communs. C’est encore un amalgame.

            Premier exemple : si le partage non-marchand était légalisé, on aboutirait à une consécration immense de la Culture comme bien commun. Pour autant, la légalisation ne porterait pas sur les échanges marchands.

            Prenons le cas de Flickr : les millions de photos sous CC de la plateforme constituent pour moi un bien commun numérique. Faut-il en retrancher celles qui sont sous NC ? Elles concourent pourtant tout autant à élargir les usages.

            De plus, au coeur de la notion de bien commun, il y a aussi l’idée d’une ressource durable dans le temps et pour cela, il est nécessaire que des modèles économiques soient mis en place. Ces modèles peuvent s’appuyer ou non sur le NC.

            Pour moi, l’essentiel dans la notion de biens communs réside dans la démarche de mise en partage et de mise en commun. Le fait de dépasser ou non le NC vient ensuite.

            1. Pour ma part, je serais pour une légalisation des partages « non-marchands », parce que ça rendrait obsolète le discours parasite des industries culturelles (et parce que ce sont des pratiques légitimes, bien sûr). Mais ce n’est pas parce qu’il y aurait un socle légal minimum qu’il faut s’arrêter là. Une démarche de mise en partage et de mise en commun n’a pas vraiment de sens si certains usages sont réservés à quelques-uns : c’est une mise en commun jusqu’à un certain point, le point où l’on sent qu’il faudrait *vraiment* partager… et où l’on ne veut pas.

              Ceci dit, au jour d’aujourd’hui, bien sûr que ce serait idiot de la part de CC d’abandonner les licences NC. Ils se couperaient ainsi de leur propre communauté.

              PS : je ne comprends pas la première phrase : « je ne peux pas laisser dire que le NC est incompatible avec le Non-Commercial ».

              1. On est d’accord sur le fond, en réalité.

                Bien entendu, je ne soutiens pas que le NC est suffisant, mais je dis qu’il est nécessaire. Je pense aussi important que des auteurs aillent plus loin pour ouvrir plus largement leurs créations.

                D’ailleurs, même si le partage non-marchand était légalisé, les licences libres (au sens sans NC) auraient toujours un rôle important à jouer, pour aller plus loin justement.

                Et je rappelle encore qu’une fois qu’à tire personnel, je place toutes les créations sous CC-BY, invariablement depuis des années. Je sais ce que c’est que la mise en partage, sans restriction.

                Le point central qui m’a fait réagir et écrire ce billet, c’est cette véritable offensive libriste pour supprimer le NC des Creative Commons. Il me semble aussi que ce serait une très mauvaise stratégie.

              2. J’ai l’impression que la vision ultra libriste de la clause NC est un peu exagérée. étant l’auteur d’une œuvre créative (parce que le but est bien de parler du domaine particulier de la création culturelle, et non de tous les types de contenus pouvant être mis sous CC), je ne vois pas où est la privation de liberté de se réserver l’usage commercial d’une œuvre.

                Elle est consultable par tous, elle est redistribuable par tous également, elle est modifiable également, et redistribuable une fois modifiée également.

                A ce moment faut il voir comme une privation de liberté l’obligation de citer le nom de l’auteur (cela n’est d’ailleurs pas spécifique aux CC, c’est carrement la loi française qui est si souvent oubliée) ? Ou plus encore le partage à l’identique ? Le but de licences plus ouverte que le copyright n’est pas, à mon sens, de donner la propriété d’une œuvre à tout le monde, j’aurais plutôt tendance à penser qu’il est aussi d’en donner l’usage à tous les individus (mettant volontairement à part les entreprises (même individuelles), car je ne pense pas que l’usage marchand viennent des particuliers). reste le problème des associations à but non lucratif, et mon souhait serait d’ouvrir explicitement la clause NC à ce type d’usage.

                Il faut voir, que ces contenus nécessite un minimum de temps et d’implication de la part de leurs auteurs, et en tant que photographe, j’aimerai bien un jour pouvoir y consacrer plus de temps, mais n’étant pas un vendeur hors pair, je ne doute pas que s’il n’y avait pas de clause NC et que je publiais mes photos en CC by sa, je me doute bien que la moindre opportunité me passerai sous le nez et que je devrais continuer à pratiquer la photographie à côté d’une activité professionnelle chrono-phage et parfois énergivore et qu’au final, il y aurait un certain nombre de chance que j’abandonne un peu (si ce n’est la photo, en tout cas la mise à jour de mon site qui n’est déjà pas glorieuse).

                Au final, avec la vision ultra libriste, je crois que tout le monde y perdrai, mais bon, ce n’est que mon avis.

                Après, si on décide que tout le monde vit en communauté et qu’il ne m’est plus nécessaire de gagner ma vie de façon monétaire, alors la suppression de la NC serait effectivement plus compréhensible, mais d’un autre côté cela serait peut être la notion même de gagner de l’argent qui serait caduque à ce moment…

          2. Tu travailles et je profite de ton travail sans que tu en profites! Je pense que tu vas ronfler et tu auras raison.
            La clause NC interdit justement que quelqu’un d’autre fasse de l’argent sur ton dos.
            Pour moi la clause NC est d’office pour mes travaux généalogiques et historiques. Lorsque l’on me demande le droit de passer outre j’étudie avec bienveillance mais la règle de base est posée sans autorisation expresse. Il est évident que si tu veux faire un livre avec mes données la réponse sera NON mais si tu publies dans la revue de l’association à tes adhérents la réponse est en général oui mais encore faut-il faire l’effort de me solliciter, sinon c’est non aussi. Sévère mais simplement logique.
            La clause NC n’interdit pas par contre de faire référence à ton travail et par conséquent d’inviter le lecteur à aller le consulter.
            Je sais que je me place là dans un travail écrit et lisible par tout un chacun. Mais en regardant de plus près en matière logiciel la même règle peut s’appliquer sans problème.
            Je soutiens ardemment un logiciel de généalogie libre. Nous avons décidé de le mettre en NC car le copains développons sur leur temps libres. Nous verrions d’un mauvais œil les marchands du temple se faire du fric en le vendant d’une façon directe ou indirecte. Si le cas nous était présenté il est certains que nous mettrions des conditions très précises à l’autorisation. Par contre rien n’empêche la presse spécialisée de se faire l’écho de notre produit.
            En interdisant le fric nous nous assurons que le produit est accessible à tous sans limite hors celle d’avoir une liaison internet et encore rien n’empêche de graver le fichier d’installation et de le copier ensuite sur la machine destinataire.

  4. Repris par OWNI.FR :
    http://owni.fr/2012/10/18/le-non-commercial-avenir-de-la-culture-libre/

    A mon bref avis :
    – le NC réduit l’usage commercial,
    – le ND est irréaliste et empêche le hacking, le bidouillage,
    – le SA empêche de choisir la licence pour les oeuvres modifiées.
    Tous trois sont des réductions de liberté, de hasard. La CC0 est la moins restrictive (un peu comme la WTFPL pour les logiciels) et c’est celle pour laquelle j’opterais. Elle laisse le plus de diversité adaptative.
    Mais enlever NC, ND et SA serait aussi antonyme de diversité. Donc mieux vaut laisser à disposition ces clauses et licences, quitte même à créer de nouvelles licences contenant des clauses pouvent être pertinentes.
    Faudrait une fois faire exprès de mettre 8 oeuvres très ressemblantes mais différentes toutefois, chacune sous une des 7 licences Creative Commons et la dernière sans licence particulière (donc dans le « coyright » par défaut). :lol: Voir comment les juges réagiront, selon qu’elles aient le même auteur ou 8 auteurs différents mais complices pour cette expérience éthique/juridique. ^^

    1. A mon avis, la liberté de restreindre la liberté doit aussi être conservée, sous peine que la liberté devienne un devoir, une obligation (par exemple si on ne tolère que l’”extrême-libre”) ou une unique solution acceptée/désirable socialement. Et ce n’est pas que sur le plan des silences… heu… licences. Donc je reste de l’avis que la diversité (des licences, en l’occurrence) reste un des piliers de la liberté. Laiser le plus de marge possible, de possibilités, permet l’engagement (théories de l’engagement) tandis que limiter (en posant le plus d’interdictions et d’obligations) entraîne la soumission (à l’autorité ; soumission librement consentie ; les fameuses expérience de Milgram, entre autres).

  5. Vous omettez un point important (entre autres) : les propositions des Partis Pirates ayant trait à la légalisation du partage culturel hors cadre commercial, sont pensées pour s’appliquer au patrimoine artistique _déjà_ existant. Il est donc relativement incongru de les évoquer dans une discussion concernant les licences que les auteurs peuvent choisir d’adopter pour leurs œuvres _à venir_.

    Quant au reste de votre argumentation, il me semble relever en gros d’une rhétorique réactionnaire classique (opposer «l’idéologie» et «l’objectivité», quelle audace…). En vous présentant d’un côté comme paragon d’«objectivité juridique», et de l’autre côté en caricaturant (subtilement) la position opposée à la vôtre, vous ne créez pas les conditions du débat rationnel et sain auquel vous prétendez par ailleurs, ce quelle que puisse être votre sincérité.

    Arguer que la clause -nc constituerait une sorte de « porte d’entrée », ou de « processus graduel » comme vous dites, vers l’adoption de licences plus Libres, n’est pas absurde en soi. Il se trouve que les données dont nous disposons pour l’instant (et que vous évoquez sans en tirer les conclusions) n’étayent pas cette théorie — elles la démentent, plutôt. Mais au-delà même de ces points factuels qui peuvent évidemment être débattus, votre déni de la dimension _nécessairement_ idéologique du débat (alors que votre position est elle-même sous-tendue par d’innombrables marquages idéologiques, conscients ou non), invalident malheureusement votre propos tout entier.

    Ce sujet mérite mieux que de tels raisonnements au rabais, pavés de lieux communs, de généralisations infondées et de biais idéologiques inavoués.

    1. Sur le premier point, c’est faux. Les propositions du Parti Pirate concernent la légalisation du partage non-marchand de toutes les oeuvres publiées en ligne, pour le passé, mais aussi pour l’avenir.

      Cela signifie que celui qui mettre en ligne une oeuvre ne pourra s’opposer à ce quelle soit partagée dans un contexte non-marchand (c’est ce qu’on appelle une licence légale).

      C’est clairement expliqué ici : http://reformedroitauteur.sploing.fr/#htoc4

      Pour le reste, c’est un très bel exemple de l’agressivité qui dessert tant à mon sens la cause libriste.

      J’en viens à me demander s’il n’y a pas un truc dans le Club-Maté…

  6. Merci pour cet article détaillé !
    Mais, désolé, pour moi, ça ne fait pas avancer de beaucoup le schmilblick… Les exemples donnés sont finalement assez triviaux et leur résolution de bon sens.

    Nous sommes une association, à but non lucratif, qui gérons un site internet de taille et de renommée non ridicule, avec son contenu sous licence cc-by-sa ou cc-by-nc-nd et bien entendu accessible gratuitement.

    Même si notre objectif n’est évidemment pas de faire du business, sur notre site, il y a un peu de pub, car il faut bien payer les serveurs, la bande passante, et parfois du développement pour maintenir le site à jour. Mais ce qui intéresse les annonceurs, c’est bien le trafic sur notre site, et ce trafic est généré justement par le contenu, en partie sous la clause nc.

    Le site, dont l’objectif est d’échanger de l’information, ne marcherait surement pas aussi bien si les contributeurs étaient obligés de partager leurs infos (surtout des photos) sous licence cc-by-sa.

    Donc quid de la pub affichée autour d’un contenu diffusé sous clause nc, ce qui est à mon avis très souvent le cas dès que l’on sort du cadre d’un site perso, faiblement fréquenté ?

    1. Vous êtes dans la fameuse « zone grise » dont je parle.

      En l’état actuel, deux solutions.

      Creative Commons Interntional se prononce « pour » ou « contre » l’inclusion des revenus publicitaires dans le non-commercial.

      C’est une chose qu’ils auraient dû trancher depuis longtemps et une grande partie de ces débats sans fin vient de cette absence de décision de la maison mère.

      Deuxième solution, une juge est saisi d’une affaire et croyez-moi, il rendra nécessairement une décision dans un sens ou un autre.

      Il ne pourrait pas faire autrement, sinon il commettrait un déni de justice.

      C’est un autre problème des Creative Commons : ils se souffrent pas de plaideurs compulsifs, mais au contraire, d’un nombre insuffisant de décisions de justice.

  7. @vvillenave :
    Je suis pour la légalisation (l’interdiction de l’interdiction) du partage « non-commercial » / « sans but lucratif » / « hors-marché » (barrez les mentions inutiles). Ce principe, qui est politique (et donc pas une simple objectivité juridique), nécessite de définir ce qui est « non-commercial ».

    Les articles parus sur Framablog contre la cause NC m’ont paru pertinents (concernant le flou de sa définition), mais rentrait en conflit avec la volonté de légalisation de partage non-marchand.

    Ce billet, éclaircit d’une part ce que je n’arrivais pas à formuler (et donc à penser correctement), et détruit d’autre part l’argument du flou entourant une telle clause.

    Grand merci donc à calimaq pour cet article, qui je pense fait avancer le schmilblick.

  8. Bonsoir Lionel,

    Comme tu t’en doutes certainement je ne suis pas totalement d’accord avec ton article ;)
    Une première chose que je précise : pour moi la liberté, c’est aussi avoir la liberté de ne pas être totalement libre. En ce sens, je n’irai pas dénigrer quelqu’un qui choisit une clause NC pour ses œuvres. C’est son choix, et si ce choix est correctement éclairé, il me semble respectable. Je le déplore peut-être (et pas toujours), mais je le respecte.

    Maintenant, en tant que libriste ET wikipédienne (je cumule !), et plus encore en tant que militante, lobbyiste, apôtre ou ce que tu veux de l’ouverture des contenus et des données, je ne peux me satisfaire du NC. En fait même, l’existence du NC, et son succès, freine au quotidien, à mon avis, les efforts d’ouverture.
    Le problème du NC, c’est qu’il semble pour beaucoup, créateurs de contenus, ou conservateurs de contenus, comme un compromis acceptable. On vit dans un environnement où pour une grande part, les gens qui travaillent dans le secteur culturel au sens très large (on peut y inclure l’éducation et la recherche) ont une vision assez manichéenne des choses : leur art c’est bien, c’est altruiste, c’est au dessus des contingences matérielles ; et le commercial c’est mal, c’est l’exploitation capitaliste, les multinationales qui mangent sur le dos du peuple (je caricature à peine). Il y a une sorte de phobie du commercial, de la chose vendue, de la production de valeur.
    Si au quotidien je proposais aux institutions que j’essaie de convaincre d’ouvrir leurs contenus de les ouvrir en NC, mais tout le monde s’ouvrirait ! Aucun souci, on partage en verrouillant la diffusion. Alors ok, on verrouille à un niveau qui ne sera peut-être jamais atteint, ou on verrouille une hypothétique réutilisation abusive, ou on verrouille en se disant que si quelqu’un n’abuse pas, ok on le laissera mettre de la pub sur son blog sans l’attaquer.
    Mais on verrouille, de facto. Et concrètement cette possibilité du NC est aussi un danger pour le domaine public que tu défends si bien : beaucoup d’institutions qui mettent abusivement des droits sur le Domaine public partage leurs contenus dans une sorte de NC de fait, et tu le sais bien, en arguant ensuite que pour l’utilisation par le grand public c’est OK. Le NC apparaît comme la panacée pour des gens qui voudraient s’ouvrir mais pas trop. Comme s’ils ne comprenaient pas qu’on est pas obligé de réutiliser commercialement parce qu’on en a la possibilité, parce qu’ils n’ont pas compris que commercial et lucratif n’étaient pas la même chose (moralement du moins). Et parce qu’ils ont peur de ce qu’on pourrait faire de leurs œuvres, comme si une réutilisation commerciale était forcément plus mauvaise qu’une réutilisation non commerciale (je suis sûre qu’on peut trouver des exemples de réutilisation non commerciale qui ne plairait pas du tout aux auteurs d’une œuvre)

    Or on a cruellement besoin de créer de la valeur sur l’ouverture des contenus, justement pour démontrer que cette ouverture est bénéfique. Si on croit réellement que le partage des contenus et des connaissances est une étape nouvelle dans l’économie comme le partage des logiciels a été une étape nouvelle dans l’économie, alors comment défendre cette demi-ouverture du NC ? On est dans une phase de bouleversement, où pour l’instant une réutilisation commerciale n’entraîne pas forcément beaucoup de retombées pour le créateur, mais je suis intimement persuadée que ça viendra, d’une manière ou d’une autre.

    Auparavant je pensais que le NC était une première porte vers le libre, aujourd’hui je n’en suis même pas sûre : je crains presque que ça ne freine le libre, parce que ça ne bouscule pas assez les choses, ça n’est pas assez révolutionnaire, ça ne renverse pas suffisamment le système des droits d’auteurs avec tous ses abus : je crois qu’on a besoin d’un changement plus radical.

    Donc oui, je lis et je comprends toutes tes raisons. Et je comprends que les gens se tournent massivement vers ce NC. Mais je le regrette parce que je pense qu’à long terme c’est une chose potentiellement néfaste…

    Voilà, commentaire troooop long mais on aura j’imagine l’occasion d’en rediscuter en toute amitié :)

    1. Bonjour Adrienne et merci pour ton commentaire (ne t’excuse surtout pas de laisser un commentaire long sous un billet de 30 000 signes ! ;-)

      Je comprends tes arguments, mais il me semble que tu mélanges deux choses différentes : l’ouverture des oeuvres par leurs auteurs et l’ouverture des données publiques et du domaine public numérisé.

      Il est clair que pour les données publiques et le domaine public numérisé, je ne tiendrai pas ce discours : l’Open data est incompatible avec le NC, de même que rajouter du NC sur le domaine public est un acte grave. Je pense que j’ai toujours été suffisamment clair là-dessus. Mais ces types de contenus (données publiques, documents numérisés) ne sont pas assimilables aux oeuvres créées par les auteurs. Leur contexte de production est complètement différent, de même que l’arrière-plan juridique.

      Les thèses que je défends concerne bien le champ de la création, et seulement lui (peut-être aurais-je dû être plus clair là-dessus, pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté).

      Je précise encore une chose : si le NC est utilisé par les auteurs pour « verrouiller » les usages commerciaux, par « phobie » du commerce, alors effectivement, à moi aussi, cela me pose problème.

      Mais les exemples que je cite (et je pourrai en citer beaucoup d’autres), ne sont pas de cet ordre : ce sont des créateurs au contraire qui inventent des modèles économiques crédibles et imaginatifs, à partir du NC. Ces gens sont tout simplement en train d’inventer les modèles économiques de demain, qui préfigurent sans doute ce qui se passerait si on mettait fin à la guerre au partage pour laisser circuler les contenus.

      Ces gens, à leur échelle participe justement à ce « désarmement », qui est le coeur du problème actuel, et pour cela, une licence NC suffit, car elle ouvre déjà largement les usages.

      Il y a une forme d’innocence politique à ne pas voir que le NC sera le grand enjeu des réformes à venir du droit d’auteur, car c’est autour de cette notion qu’on peut recomposer le système et le pacifier.

      Pour moi, c’est le problème le plus urgent, et c’est pour cela que je ne peux pas laisser continuer comme ça le travail de sape contre le NC, qui s’exprime à sens unique par exemple sur Framablog (et ailleurs). Cela aura des conséquences politiques trop graves.

      Nous ne sommes as d’accord, mais je te remercie pour le ton employée dans ton message. c’est d’ailleurs un des aspects très importants du problème et j’attire ton attention là-dessus, à toi qui est aussi une lobbyiste. L’agressivité des libristes sur ce sujet est vraiment préoccupante. Je l’ai bien cherché à vrai dire, mais je reçois des réactions vraiment démesurées à ce billet.

      Sur OWNI, certains prédisent une sorte de fin du monde dans un bain de sang si la clause NC n’est pas supprimée, là, tout de suite. Et je n’exagère pas : http://owni.fr/2012/10/18/le-non-commercial-avenir-de-la-culture-libre/#comment-89532

      Ce type de réactions, qu’il faudrait prendre le temps d’analyser d’un point de vue sociologique, est désastreux pour la cause de ceux qui veulent que le système change.

      Les gens qui tiennent de tels propos le font sans doute essentiellement à des fins de « distinction » au sens où Pierre Bourdieu entendait ce terme. C’est génial pour rester dans un petit club, mais ce n’est pas ce qui aidera la Culture libre à devenir mainstream, bien au contraire.

      Or le fond du problème est là, et quelqu’un comme toi le sait très bien, qui agit auprès des institutions et des décideurs, pour pas à pas, dans la construction, faire bouger les choses.

      Merci pour ton commentaire et tu vois, ma réponse est encore trop longue !

      Calimaq

      1. Bon, et puis… mathématiquement parlant, la NC ne restreint que la liberté des oeuvres sous les trois types de licences qui la contiennent. Elle ne restreint pas la liberté des oeuvres sous les quatre types de licences qui ne la contiennent pas, et qui sont bien plus nombreuses.

        Soient :
        – A = l’ensemble des oeuvres sous une licence contenant la clause NC,
        – B = l’ensemble des oeuvres utilisées dans un but commercial (donc en contradiction avec la clause NC)
        Nous avons donc, au croisement de ces deux paramètres, quatre sous-ensembles : (AnB), (An/B), (/AnB) et (/An/B).
        Si on maintient les licences contenant la clause NC, seul l’ensemble (AnB) est interdit.
        Si on interdit/enlève les licences contenant la clause NC, l’ensemble (AnB) est interdit, mais aussi l’ensemble (An/B).
        La liberté est donc plus réduite dans le deuxième cas (fin de la NC) que dans le premier cas (maintien de la NC).

        CQFD LOL

    2. Peut être faut il aussi ne pas voir la clause NC comme une exclusion de l’usage commercial, mais comme une exclusion de l’usage commercial non négocié.

      Après je veux bien comprendre que ça fatigue de contacter les auteurs d’une oeuvre en NC, mais tout de même.

      Le discours libriste me laisse parfois perplexe même si je m’en sens proche. Il faut aussi distinguer les créations à visée artistique et celles à visée utilitaire (documentation, support pédagogique, scientifique etc…).
      Si on considère même (mais là on tombe dans l’idéologie et j’assume) que l’un des plus grand générateur d’inégalité sur Terre est justement les disparités de richesse dans les populations (que cela soit local ou international), militer pour la liberté de faire un usage commercial des œuvres CC est pour moi un peu étrange. C’est un peu (et j’exagère un peu mais j’assume) comme défendre l’entreprise face à l’individu.

      Sinon, pour le danger vis à vis du domaine public, j’ai du mal à suivre. Le fait que des musées veuillent restreindre les œuvres du domaine public dont ils ont la charge à des usages NC n’a pas de lien avec l’existence de la licence CC BY NC SA, c’est juste un comportement abusif de leur part et non autre chose.

      Si une oeuvre tombe dans le DP, ou y est versée par son auteur, alors à mon sens elle y est elle y reste. Si une entité veux restreindre cela, c’est un abus de sa part.

      1. Je pense surtout que les « libristes » radicaux sont dans une sorte de caricature des principes du Libre.

        La preuve ? Richard Stallman vient d’apporter son soutien au programme du Parti Pirate Suédois : http://politiquedunetz.sploing.fr/2012/10/stallman-soutient-les-positions-du-parti-pirate-suedois-sur-les-reformes-des-droits-dauteurs-des-marques-et-du-brevet/

        Or ce programme est précisément articulé sur la distinction entre le commercial et le non-commercial. Son objectif est libérer les échanges non-marchands, pour cantonner le droit d’auteur à la sphère commerciale.

        C’est exactement ce que je voulais dire dans le billet, et le ralliement de Stallman au programme du Parti Pirate ne pouvait pas mieux tomber.

        Cela fait longtemps en fait que Stallman défend ces positions.

        Il le fait parce qu’il a une vision beaucoup plus large que la seule question des licences et que sa réflexion va beaucoup plus loin que le logiciel.

        C’est un plaisir par exemple de l’entendre parler du livre, qu’il prend toujours comme exemple dans ses conférences :http://www.actualitte.com/interviews/richard-stallman-interdire-le-pret-de-livre-numerique-est-illegal-1836.htm

        Quand on prend du recul pour envisager la réforme du système à un niveau politique global, on se rend compte du caractère incontournable de la distinction commercial/non-Commercial;

        C’était le but principal de mon billet.

        1. Et d’ailleurs, il faut souligner également que c’est un plaisir de lire enfin un billet qui ne descend pas à gros boulet la licence NC.

          Il est vrai que Stalmann depuis longtemps fait le distingo entre logiciel et création artistiques (même un peu plus d’ailleurs, il me semble qu’il distingue 4 types de « contenus » incluant entre autre la documentation, les travaux scientifiques et pédagogiques, les créations artisques…)

          Donc merci pour ça !

          1. Le problème c’est qu’en copyright on s’est toujours amusé à faire des distinctions, alors qu’en droit d’auteur français c’est la théorie d’unité de l’art qui s’est imposée dans les esprits et dans les lois. On ne fait aucune distinction, toute « œuvre originale » est protégée au même titre (même si finalement, c’est faux, puisque notamment le droit d’auteur sur un logiciel a un régime assez dérogatoire… cette théorie d’unité n’en a pas pour autant perdu de sa puissance.)

  9. Merci beaucoup pour ce long article. Je fais partie des gens pour qui le maintient de la clause NC est important, et sa clarification serait essentielle.

    Par exemple, préciser explicitement si la diffusion sur un site comportant de la publicité est un usage commercial ou non.

    Pour certains cela va plus loin : les images sous licence NC ne devraient pas être utilisées sur un site lié à une activité professionnelle ou commerciale, quelle qu’elle soit. En effet, ils considèrent que toute publication rattachée à une activité professionnelle est par essence commerciale, constituant au moins une auto pub.

    Pour ma part, j’essaye de transposer justement le modèle du monde libre : je n’ai pas le droit de vendre directement une image ou une création incluant une image sous licence NC. Je considère que j’ai le droit de l’utiliser à partir du moment où je ne la vends pas.
    C’est le décalque de ce qui se passe avec un CMS sous licence GNU : vous ne pouvez pas vendre les sources, mais vous pouvez vendre le service s’y rattachant.

    Ainsi quand je créé un site et que je l’illustre avec des photo sous licence CC, je vais facturer le temps de recherche iconographique, mais pas les photos choisies.

    J’espère être fidèle à l’esprit de la licence CC.

    J’apprécie énormément un site comme DeviantArt, qui permet aux personnes de préciser les conditions d’utilisation de façon extrêmement détaillée, mais cela ne rentre pas dans la logique des licences CC.

    Peut être faudrait il en créer une septième ? NI pour No Incorporation in Commercial Work

  10. Salut,

    C’est toujours le problème du respect de l’auteur et de l’utilisateur.
    Même avec une licence CC-by , c’est sympa d’informer l’auteur de la réutilisation commerciale de son œuvre.
    Les questions : « Je suis une association qui voudrais utiliser la photos de « Nom de l’auteur » sur mon tract de demande de subvention. Puis je le faire malgré la clause NC ? » Bin, elle peut écrire à l’auteur non ? OIn est soit disant dans le monde de la communication et le village interplanétaire, mais on peut pas contacter l’auteur d’une photo qu’on utilise ? Bin zut …

  11. « Les avis s’étaient partagés sur le point de savoir si l’effet viral de la licence CC-BY-SA de Wikipédia s’était déclenché à l’occasion d’une telle incorporation. » Mon avis est que Houellbeck est entré dans l’illégalité en ne mettant pas son oeuvre sous CC-BY-SA. Mais qu’une oeuvre illégale ne retire pas certains droit a l’auteur et donc qu’on ne peut en effectuer une copie librement.

  12. Combien de sites utilisent la publicite pour vivre sur internet, des googleads et cie qui sont legions ? Combien de professeurs de danse vont aller piocher dans tel ou tel repertoire pour avoir un danse specifique ? (et quand ils ne doivent rien payer, ils vont se servir, si tant est qu’ils soient conscients dans la plupart des cas de devoir payer quelque chose) Aussi, si je rejoins l’avis de calimaq sur l’article qu’il cite, en tout cas sur les exemple qu’il souligne, je ne le partage pas pour tout ce qui pose effectivement question a l’auteur de cet article et que calimaq n’aborde tout simplement pas (une volonte de raccourcir un article deja long ?). Pour moi cet article a un biais important, il liste avec une certaine mauvaise fois des cas d’usages qu’il est facile a reperer comme une application stricte de la clause NC. Mais outre ces cas evidents , il reste quelques zones d’ombre qui peuvent alterer l’utilisation des ?uvres par des tiers.

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