Réponses à François Gèze, membre du conseil scientifique du registre ReLIRE

Lundi soir, François Gèze, directeur des Editions La Découverte et membre du comité scientifique du registre ReLIRE institué par l’arrêté du 18 mars 2013, a laissé sous le billet que j’ai consacré à cette affaire un long commentaire, dans lequel il conteste l’exactitude de plusieurs des arguments que j’avance. Il défend par ailleurs le dispositif mis en place par la loi du 1er mars 2012 sur l’exploitation numérique des livres indisponibles du XXème siècle, à la conception duquel il a participé.

S’agissant d’une affaire dans laquelle on a pu déplorer un constant  manque de transparence, y compris lors du vote de la loi au Parlement, je tiens à saluer ce geste de François Gèze, d’autant plus qu’un échange intéressant avec d’autres personnes a pu s’installer par la suite dans les commentaires du billet. Malgré la vigueur des critiques qui se sont exprimées contre le dispositif ReLIRE, les parties prenantes officielles n’ont pour l’instant pas engagé de débat réel. Il faut donc créditer François Gèze d’avoir pris sur lui le faire loyalement ici, alors que rien ne l’y obligeait.

Néanmoins, je tiens à répondre dans le détail à ces observations, car les commentaires de François Gèze comportent des erreurs manifestes, portant sur les termes mêmes de  la  loi, qu’on peut juger inquiétantes s’agissant d’un des membres du comité scientifique du Registre. Par ailleurs, François Gèze apporte des éléments d’informations concernant la constitution de la base ReLIRE qui confirment certaines des craintes que je nourrissais, notamment sur le fait que certains éditeurs auraient pu bénéficier d’un opt-in à la place de l’opt-out prévu par la loi.

Les commentaires de François Gèze figurent ci-dessous en bleu, suite aux passages de mon billet en noir. J’inclus également des commentaires laissés par d’autres personnes sous ce billet, qui peuvent apporter des éléments intéressants à la discussion.

A chacun de se faire une opinion concernant l’exactitude et la pertinence des arguments échangés.

***

Eh ben, eh ben, que dire face à tant d’ire ? Simplement que l’auteur de ce billet s’égare, étant sans doute mal informé, alors qu’il n’était pourtant pas si difficile de le faire. Quelques rectifications semblent nécessaires ;-). Et pour savoir « d’où je parle » : je dirige depuis trente ans les Éditions La Découverte et j’ai été étroitement associé, en tant que président du groupe des éditeurs universitaires du Syndicat national de l’édition, tant à la loi ici contestée qu’à sa mise en œuvre.

Les lecteurs de ce blog, qui savent que depuis plusieurs années, je veille, écris, développe des analyses et interviens sur cette question de la numérisation des livres indisponibles et épuisés, apprécieront sans doute à sa juste valeur le fait que je serais « mal informé ».

Par ailleurs, vu les erreurs commises par François Gèze sur la signification des termes de la loi, cette insinuation est entièrement réversible. Je me tiens d’ailleurs à son entière disposition pour compléter son information s’il le souhaite.

***

Calimaq : « ReLIRE comporte visiblement d’étranges erreurs. On y trouve par exemple 538 titres publiés postérieurement au 1er janvier 2001, qui ne sont donc pas couverts par la loi du 1er mars 2012. »
François Gèze : Ces titres sont, sauf erreur toujours possible, des « manifestations » (éditions) publiées de titres initialement publiés avant 2001 et aujourd’hui indisponibles : elles ont donc toute leur place dans le registre.

Voilà ici l’erreur d’interprétation de la loi du 1er mars 2012 et elle est très lourde, eu égard à ses conséquences pour les auteurs.

Contrairement à ce qu’avance François Gèze, il est manifeste que les livres publiés après le 31 décembre 2000 ne peuvent être inclus dans le Registre, y compris lorsqu’il s’agit de rééditions de titres plus anciens. Ce jugement résulte d’une mauvaise compréhension de ce qu’est une « manifestation » par rapport à une « oeuvre » (titre), termes issus du modèle FRBR.

A vrai dire, cette précision est écrite dès la page d’accueil du registre ReLIRE, qui indique : « ReLIRE vous donne accès à une première liste de 60 000 livres indisponibles du 20ème siècle : des livres sous droits d’auteur, publiés en France avant le 1er janvier 2001, et qui ne sont plus commercialisés ».

Cette page du site opère d’ailleurs bien la distinction entre les oeuvres et les éditions, en indiquant que « lorsqu’il y a dans ReLIRE plusieurs éditions d’un même livre, on appelle cet ensemble « œuvre » » et « pour qu’un livre soit considéré comme indisponible, toutes les éditions qui en contiennent le texte intégral doivent être indisponibles » (merci @BlankTextField de l’avoir signalé).

Le texte de la loi est également très clair sur cette question. L’article L. 134-1 indique :

 On entend par livre indisponible au sens du présent chapitre un livre publié en France avant le 1er janvier 2001 qui ne fait plus l’objet d’une diffusion commerciale par un éditeur et qui ne fait pas actuellement l’objet d’une publication sous une forme imprimée ou numérique.

Ceux qui ont suivi attentivement l’élaboration de cette loi au Parlement (ce qui est mon cas) savent qu’il y eu une modification importante du texte en cours de route sur ce point et que le terme « oeuvre » initialement prévu dans la proposition de loi introduite par Hervé Gaymard a été remplacé suite à un amendement par le terme « livre » :

On entend par oeuvre indisponible, au sens du présent chapitre, une oeuvre non disponible commercialement de façon licite dans un format papier ou numérique, publiée en France sous forme de livre avant le 31 décembre 2000 et inscrite sur la base de données mentionnée à l’article L. 134-2.

Le juriste Franck Macrez, auteur d’une étude détaillée de la loi sur les indisponibles au Dalloz, avait d’ailleurs relevé cette variation dans le texte, en expliquant qu’elle avait des conséquences importantes en termes juridiques.

En effet,  cette modification entraîne qu’il faut se placer justement au niveau des différentes « manifestations » d’un titre (ses différentes éditions), pour examiner leur disponibilité une par une, et non au niveau de « l’oeuvre » toute entière. C’est le sens que l’on doit donner au mot « livre » dans la loi, sinon le législateur aurait dit « oeuvre ».

Il en résulte que contrairement à ce qu’affirme François Gèze, les éditions d’un livre parues après le 31 décembre 2000 sont à l’évidence en dehors du périmètre de la loi et ne devraient en aucun cas figurer dans le registre.

On dira sans doute que je suis un peu taquin, mais prenons au hasard l’exemple de ces douze titres publiés aux Editions La Découverte et présents dans le Registre (merci @Thelonius_Moon de me les avoir transmis !). Ils comportent tous des éditions publiées après le 31 décembre 2000. Ces dernières sont donc en dehors du champ de la loi et n’ont rien à faire dans cette base…

C’est même pire que cela, puisque @Blanktextfield signale sur Twitter que 4 titres parmi ces 12 font partie d’une collection [Re]Découverte dont François Gèze ne peut pas ignorer l’existence et qui vise précisément à rééditer des titres du catalogue :

Grâce aux nouvelles techniques d’impression numérique, donner une seconde vie à des textes classiques, dont certains sont épuisés depuis plusieurs années pour répondre ainsi à l’attente des lecteur.

Ces rééditions sont donc disponibles (exemple) et aucune édition précédente ne devrait pas figurer dans la base (pourtant…).

Je constate donc, à ma plus grande stupéfaction, que l’un des membres du comité scientifique du registre, chargé de l’établissement des critères d’inclusion des ouvrages dans ReLIRE, et qui plus est, l’un des concepteurs mêmes de cette loi d’après ses propres propos, se trompe sur l’interprétation de ce texte.

Sans doute pourra-t-on rétorquer que cette loi est redoutablement compliquée et c’est ce qu’une juriste comme Isabelle Sivan avait relevé après la parution du texte, non sans se poser quelques questions :

La rédaction de cette loi est particulièrement complexe au point que l’on pourrait penser qu’elle cherche à semer certains de ses lecteurs ou intéressés.

Au vu du commentaire de François Gèze (dont je ne remets pas en cause la bonne foi), on constate que la complexité de cette loi est visiblement capable de perdre en cours de route l’une des personnes impliquées dans sa conception et qui représentera les éditeurs dans sa mise en oeuvre !

De là à dire que l’on a joué aux apprentis sorciers avec ce texte, il n’y a qu’un pas à franchir et je pourrais même dire « pardonnez-leur, parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils font« , si ce n’est que ce genre d’erreur de droit est difficilement pardonnable. Car pour les auteurs en cause, cela signifie que les droits sur leurs oeuvres peuvent être placés en gestion collective, alors même que les livres en question ne sont pas couverts par la loi et qu’il est absolument illégitime de faire peser sur eux une quelconque obligation de retrait.

Ces derniers sont entièrement fondés à saisir directement la justice pour faire valoir leur droit, car l’inclusion de ces livres publiés après le  31 décembre 2000 constitue une négligence caractérisée, puisqu’un simple tri par date aurait permis de les exclure.

D’après les estimations faites par la Team AlexandriZ à partir du contenu de la base, la proportion de ces « dommages collatéraux » n’est pas complètement négligeable, puisque 1% de la base ReLIRE correspondrait à de tels livres hors du champ de la loi.

Voilà donc pour la première inexactitude de ma part. Passons donc aux suivantes !

***

Calimaq : « Plus surprenant encore, ReLIRE contiendrait quelques rééditions de livres publiés au 18ème et 19ème siècle, ainsi que de simples reprints, qui n’ont absolument rien à y faire… »

François Gèze : Bien sûr, de « simples reprints » d’œuvres du domaine public n’ont rien à y faire, mais le conditionnel est en effet de mise : il n’est pas si facile, vu les possibles insuffisances des bases de données bibliographiques, de vérifier si toutes les éditions de ces œuvres sont ou non de « simples reprints » et si elles ne comportent pas un appareil critique qui ne relève pas du domaine public. Et c’est précisément l’objet de la publicité donnée par la base ReLIRE de permettre que ces éventuelles anomalies soient corrigées. Comment faire autrement, SVP ?

Comment faire ? Même réponse que plus haut : un simple tri par date et on exclut ces ouvrages trop anciens, au moins à titre de précaution s’il est trop difficile d’établir s’ils sont bien concernés par la loi. C’est ainsi que nous avons fait pour les rechercher et cela n’a rien eu de bien compliqué. Il faut arrêter avec les arguments du genre : « Mais c’est compliqué de gérer une telle base ! ». 60 000 références, on est très loin du Big Data !

Pour la première parution de cette liste, on aurait été en droit d’attendre une prise de risque minimale pour éviter tout risque de contestations. S’il est difficile de distinguer les simples reprints des livres avec appareil critique, la simple prudence aurait dû conduire à exclure ces titres, surtout si le stock global des indisponibles s’élève à 500 000 livres. Quel besoin de remonter aussi loin dans le temps ?

Mais il a fallu faire vite pour constituer ce registre, notamment à des fins d’affichage politiques lors du Salon du Livre 2013. Bruno Racine se félicitait (le mot est faible…) d’avoir « tenu les délais« , comme si c’était l’alpha et l’oméga. Mais à quel prix ?

***

Calimaq « ReLIRE pousse l’ironie jusqu’à avoir mis en place un formulaire pour signaler qu’un titre figurant dans la base est en réalité disponible, comme s’il s’agissait d’une simple erreur à rectifier, alors qu’il s’agit de violations de la loi ! Je dirai ça à la police, la prochaine fois que je suis pris en excès de vitesse : merci de me le signaler ! »
François Gèze : Dios mio ! Mais où sont donc l’« ironie » et la « violation de la loi » ? Cette remarque acerbe est sans le moindre fondement, car l’établissement du statut « indisponible » est tout sauf simple (à la différence d’un radar constatant un excès de vitesse). La seule base existante mentionnant le statut d’indisponibilité d’un livre, Electre, peut comporter des erreurs, malgré tous ses efforts, car elle agrège des informations venant des distributeurs (et encore, certains petits échappent peut-être) qui peuvent parfois être erronées. De surcroît, comme l’explique justement le site ReLIRE : « Il n’existe pas en France de base de données interprofessionnelle recensant la disponibilité numérique. D’autre part, la disponibilité est très mouvante. Des erreurs sont donc possibles, et chacun est invité à les signaler à la BnF. Le registre est conçu en ce sens : il est possible de signaler la disponibilité d’une œuvre en indiquant les précisions nécessaires à sa vérification (coordonnées de l’éditeur, lien vers le site de l’éditeur, vers la fiche de l’ouvrage sur le site d’une librairie en ligne, etc.). » Mais Lionel Maurel s’est-il donné la peine de lire ces explications et de s’intéresser au vaste problème que constitue la vérification de la fiabilité des bases de données bibliographiques (y compris celle de la BNF, qui est très loin d’être sans défauts s’agissant des titres du dépôt légal antérieurs aux années 1980) ?

Sur ce point, je persiste et je signe. La loi est la loi, et nul ne peut s’abriter derrière de prétendues difficultés techniques pour ne pas la respecter. Pour prendre une autre métaphore que celle de l’excès de vitesse, lorsqu’un médecin se trompe de diagnostic et administre à tort un traitement qui cause un préjudice à son patient, il ne peut que très difficilement s’abriter derrière la difficulté technique pour s’exonérer de sa responsabilité.

C’est la même chose ici, car inclure un livre disponible dans ReLIRE cause un préjudice incontestable aux titulaires de droits sur cette oeuvre, en les forçant à se manifester pour rectifier l’erreur, au risque de voir autrement leurs droits passer en gestion collective. C’est déjà en soi très contestable, y compris sur le plan du droit, pour les livres indisponibles. Mais cela devient catégoriquement inacceptable pour les ouvrages qui sont encore disponibles !

Contrairement à ce que François Gèze sous-entend, je suis parfaitement au courant des difficultés qui existent pour établir qu’une oeuvre est indisponible ou non, ainsi que des lacunes figurant dans les bases de données (Electre ou le catalogue de la BnF).

Mais si d’un point de vue technique, la détermination de l’indisponibilité est si complexe et faillible, alors la conclusion que l’on peut en tirer, c’est qu’il ne FALLAIT PAS instaurer un système d’opt-out pour régler la question des indisponibles, car le risque de préjudice était trop grand. Le commentaire de François Gèze fait tout simplement la preuve du vice de conception fondamental de cette loi.

C’est exactement à cette conclusion qu’est arrivée la justice américaine dans l’affaire Google Books aux Etats-Unis, en rejetant le principe même de l’opt-out. Les instigateurs de la loi française auraient bien fait de se ranger à cet exemple de sagesse juridique…

***

Calimaq : « Le ridicule a été poussé jusqu’à nommer par arrêté un « conseil scientifique » le 20 mars, dont la mission consiste justement à définir les critères et la méthode d’établissement de la liste des ouvrages inclus dans la base. Or cette fameuse liste a été publiée dès le lendemain, en même temps que le Registre ReLIRE. On en déduit soit que les membres de ce conseil sont des surhommes qui ont abattu le travail de sélection de 60 000 livres en une nuit, soit que la besogne a été accomplie ailleurs – on ne sait où, par qui et comment – avec à la clé, les ratages qui éclatent au grand jour à présent. »
Mais où est le « ridicule », sinon aux yeux de celui qui ne veut pas s’informer ? Ce n’est pas parce que ce « conseil scientifique » (dont je fais partie, honte sur moi) n’a été nommé que le 20 mars qu’il aurait travaillé « en une nuit » pour établir une première liste de 60 000 titres (limitée aux sciences humaines et sociales, à l’histoire et à la fiction), soit à peine plus de 10 % du corpus estimé : à l’avenir, sa mission sera justement d’affiner les critères et les méthodes de constitution de la base. En pratique, il y a plus de trois ans que des représentants des auteurs, des éditeurs et des bibliothécaires (pas mal de professionnels, qui n’ont rien de « clandestins ») ont engagé, sous la houlette très officielle du ministère de la Culture, le travail nécessaire pour construire un dispositif, aujourd’hui contesté, dont le seul objectif est de rendre accessibles des centaines de milliers de livres épuisés du XXe siècle. La mise au point de la première liste, certainement à améliorer, a nécessité des mois de travail de beaucoup de gens – en particulier d’une équipe ad hoc de la BNF, remarquablement compétente –, consacrés à la résolution de mille problèmes purement techniques, tant la vérification d’une vraie indisponibilité est complexe.

Dans une démocratie bien comprise, les comités travaillent après avoir été officiellement nommés, de manière à ce qu’ils puissent fonctionner en conformité avec les règles posées par les actes qui les instituent. On pourra me trouver rigide, mais concernant une affaire si sensible, toutes les garanties formelles auraient dû être apportées.

François Gèze semble par ailleurs se féliciter que des travaux aient eu lieu depuis plus de trois ans à propos de l’établissement de ces listes d’indisponibles, mais c’est aussi l’un des points que les détracteurs de ce projet mettent en avant. Une grande part des négociations et travaux liées à ce projet des indisponibles s’est accomplie de manière complètement opaque, très en amont du vote de la loi.

Comme je le disais dans mon précédent billet, Il en a d’ailleurs résulté un accord-cadre conclu entre le Ministère de la Culture, le SNE, la SGDL, la BnF et le Commissariat à l’Investissement qui n’a pas été publié, alors même qu’il avait des incidences majeures sur l’emploi des crédits publics. A force d’être réclamé, notamment par des députés, ce texte a fini par être révélé, mais seulement à la fin du vote de la loi.

Le problème, c’est justement que quelqu’un comme François Gèze ne voit plus où est le problème avec ces méthodes, qui jettent le discrédit sur l’action publique et minent la légitimité des lois.

Pour l’anecdote, on espère à présent que le comité scientifique dont fait partie François Gèze va redoubler d’effort en ce qui concerne la sélection, car si cette première liste de 60 000 titres devait se limiter « aux sciences humaines et sociales, à l’histoire et à la fiction« , on peut s’étonner d’y trouver Les Roucasseries de Jean Roucas, les Eclats de rire de Lagaf ou Les meilleures histoires drôles de Carlos !*

***

Calimaq : « Une partie de ces titres a été sélectionnée dans le cadre d’un marché passé avec Electre, mais le document indique aussi que 10 000 ouvrages auraient été « fournis par les éditeurs ». Qu’est-ce que cela peut signifier ? Mystère, sinon que l’on voit que les éditeurs bénéficient en réalité sans doute d’une forme d’opt-in, puisqu’ils ont la main sur la liste, alors que les auteurs de leur côté restent individuellement soumis à l’opt-out. Cette « cuisine interne » aboutit à quelque chose de vraiment pire que tout ce que l’on pouvait imaginer ! »

François Gèze : Les éditeurs ne « bénéficient » de rien du tout : si certains d’entre eux (ceux qui avaient les fonds les plus anciens) ont été sollicités par la BNF, c’est simplement parce que, Electre ne recensant que des titres publiés depuis sa création au début des années 1980, nombre de titres publiés antérieurement et déjà épuisés à cette date ne pouvaient y figurer. Il était donc important que des éditeurs « anciens » puissent vérifier sur les listes (établies à partir de la base bibliographique de la BNF) de leurs titres antérieurs au début des années 1980 ceux qui étaient effectivement indisponibles à ce jour : je l’ai fait par exemple pour ma maison (créée en 1959) et je peux vous assurer que c’est un travail long et complexe (que beaucoup d’autres maisons devront d’ailleurs poursuivre), qui n’encourage de surcroît aucun « opt-in » (car si jamais je souhaite à l’avenir exploiter moi-même certains de ces titres épuisés, il me sera beaucoup plus facile de le faire en pratiquant l’« opt-out » sur le registre). Où est la « cuisine interne », sinon dans la vision de ceux qui n’ont pas compris le dispositif ?

Je crains hélas que François Gèze ne maîtrise pas certains termes du débat, car contrairement à ce qu’il avance dans sa réponse, son commentaire atteste bien que certains éditeurs ont bénéficié d’un opt-in, alors même que la loi a mis en place une procédure d’opt-out. C’est une distorsion majeure du dispositif, que j’avais déjà pressentie à la lecture de la révélation d’un document interne de la BnF sur Actualitté, qui indiquait que 10 000 indisponibles seraient « fournis par les éditeurs » à la BnF. On sait maintenant que c’est vrai et comment cela s’est passé, grâce à ce commentaire.

Je ne remets cependant pas en cause la bonne foi de François Gèze et je ne minimise pas la difficulté pour un éditeur d’établir une liste des indisponibles à partir de son propre fonds. Néanmoins cette faculté de choix réservée à certains de déterminer quels livres ou non figureront dans la base constitue à l’évidence une rupture d’égalité vis-à-vis de ceux – éditeurs et auteurs – qui seront soumis à l’opt-out strict prévu par la loi.

L’opt-out n’est absolument pas quelque chose d’anodin. Si l’opt-in est ouvert pour certains, il devrait être ouvert à tous : éditeurs, mais aussi et surtout, auteurs !

Lucie Chenu dans un commentaire laissé sous le billet explique bien en quoi laisser la possibilité à certains éditeurs de choisir les livres qu’ils veulent inclure dans la base constitue bien un opt-in :

Je pense que vous n’avez pas compris le propos de Calimaq (qui me corrigera si je me trompe). Ou alors, vous faites semblant. L’opt in, vous en avez déjà bénéficié lorsque vous avez eu la possibilité de choisir les titres que vous voulez inclure dans le registre.

Quand on sait le déséquilibre de traitement qui existe déjà à la base entre les éditeurs et les auteurs dans le mécanisme même de la loi sur les indisponibles (analyse détaillée ici), c’est vraiment pousser très loin que de donner en plus à certains éditeurs la possibilité de maîtriser l’entrée de leurs ouvrages dans le Registre. Dans un commentaire supplémentaire, François Gèze donne des garanties vis-à-vis de « ses » auteurs et il n’y a pas lieu de mettre sa parole en doute. Mais il ne comprend pas que c’est le principe même qui est choquant.

Dans un autre commentaire, François Gèze ajoute ceci :

Cher Lionel Maurel, je ne sais comment vous l’expliquer : je n’ai « bénéficié » de rien du tout, sauf du pénible « privilège » de vérifier titre par titre si, à ma connaissance, des titres du fonds ancien de ma maison étaient ou non indisponibles, sans que cela me donne le moindre avantage par rapport aux auteurs concernés.

Je tiens à préciser qu’il existe néanmoins une forme de privilège important à figurer ou non dans cette première liste du registre. Car la BnF a annoncé son intention de financer sur ses propres crédits la numérisation des 10 000 premiers titres (1 millions d’euros), ce qui lève pour cette tranche l’obligation de rembourser l’emprunt qui sera mobilisé par la suite pour numériser les indisponibles.

Sans remettre en cause encore une fois la bonne foi de François Gèze, est-il seulement sain dans ces conditions qu’un membre du comité scientifique puisse choisir la liste des livres de son fond qu’il inclut dans le système ? Je soulève la question.

Encore une fois tout ceci donne une impression désagréable d’arrangement par rapport aux termes mêmes de loi, qui ne peut que ternir la légitimité du processus.

***

Calimaq : « Or la directive européenne prévoyait un système différent par lequel les bibliothèques françaises, après avoir établi par des recherches diligentes que les ouvrages étaient bien orphelins, auraient pu numériser et mettre en ligne gratuitement les ouvrages à la disposition du public. Il y a fort lieu de penser que cette possibilité de diffusion gratuite a complètement affolé les titulaires de droits en France, qui ont utilisé l’artillerie lourde de leur lobbying pour neutraliser la directive au profit du système des Indisponibles. »
« Fort lieu de penser » : là, on n’est pas très loin de la paranoïa… Car les « titulaires de droits », auteurs comme éditeurs, je peux en témoigner, n’ont jamais le moins du monde été « affolés » par la perspective d’une diffusion gratuite des œuvres orphelines, puisque, par hypothèse, celles-ci n’ont plus d’ayants droit identifiables. L’article L. 134-8 de la loi a introduit simplement un délai de dix ans avant de permettre cette diffusion gratuite conforme à la directive européenne, laps de temps assez raisonnable pour s’assurer qu’une telle œuvre est vraiment orpheline et ne léser aucun ayant droit, tant la tâche est complexe (« Sauf refus motivé, la société de perception et de répartition des droits mentionnée à l’article L. 134-3 autorise gratuitement les bibliothèques accessibles au public à reproduire et à diffuser sous forme numérique à leurs abonnés les livres indisponibles conservés dans leurs fonds dont aucun titulaire du droit de reproduction sous une forme imprimée n’a pu être trouvé dans un délai de dix ans à compter de la première autorisation d’exploitation »).

Je ne sais pas si je suis paranoïaque, mais j’ai appris au fil des années à devenir extrêmement méfiant pour tout ce qui touche à la politique en direction des bibliothèques. Et il se trouve qu’il est possible de citer des déclarations d’acteurs impliqués dans ce dossier des indisponibles attestant que ce dispositif a été mis en place pour contrer la directive européenne sur les oeuvres orphelines en la prenant de vitesse.

A ce sujet, on constate par exemple un flottement surprenant dans le discours de Nicolas Georges, directeur du livre et de la lecture, qui varie en fonction de l’assistance à laquelle il s’adresse. Lors du congrès 2012 de l’ABF à Montreuil, directement interrogé sur la question, il déclare que la loi sur les indisponibles n’a jamais été conçue comme une parade contre la directive sur les orphelines. Mais quelques mois plus tard, lors d’une table-ronde organisée par la SCAM sur la loi, à laquelle j’assistais, il fera une déclaration exactement contraire, en affirmant que l’un des intérêts de cette loi était d’empêcher l’application dans le secteur du livre de la nouvelle exception prévue pour les oeuvres orphelines dans la directive. Lors du forum SGDL 2012, lors de la table ronde Internet et Droit d’auteur, ce sera au tour de Jean-Claude Bologne, président de la SGDL, de critiquer très fortement le mécanisme d’exception mis en place par la directive et de se féliciter de la mise en place de la loi sur les indisponibles, qui permettait de l’éviter. Nicolas Georges aura à cette occasion l’occasion de rappeler que le mécanisme de l’exception était pour lui un « constat d’échec » à éviter à tout prix et que la loi sur les indisponibles avait permis de l’éviter.

Que dire d’autre, sinon que je laisse les lecteurs de ces lignes juger !

Ceci étant précisé, il est également sidérant de lire que François Gèze considère que la loi du 1er mars 2012 confère aux bibliothèques une réelle possibilité de diffuser des livres orphelins. Il n’en était absolument pas question dans la proposition initiale de loi et c’est au Sénat qu’un mécanisme a été introduit, qui aurait effectivement apporté une solution assez intéressante à ce problème, en permettant aux bibliothèques de diffuser les oeuvres non réclamées dans le Registre au bout d’un délai de 10 ans.

Mais la moulinette de la navette parlementaire est lourdement passée sur cette partie du texte, jusqu’à réduire l’article L.134-8 à un véritable trompe-l’oeil. Un lobbying d’enfer a d’ailleurs été exercé sur les représentants afin qu’ils fassent machine arrière, dont le député Patrick Bloche s’était même plaint lors des débats de la Commission Mixte Paritaire :

Le lobbying que nous avons subi, avant la CMP, sur cet article, m’a choqué. A croire que l’accord entre auteurs et éditeurs est si parfait que le législateur n’aurait plus qu’à l’enregistrer.Mais c’est notre légitimité d’élus du suffrage universel qui doit nous guider, pour trouver un point d’équilibre : nous sommes là pour faire la loi. Et que l’on ne vienne pas me dire que nous sortons de notre rôle : il nous revient de prendre en compte, faut-il le rappeler, des objectifs d’intérêt général. C’est le cas sur ce sujet des livres indisponibles, auxquels les enseignants, les chercheurs, doivent pouvoir avoir accès.

Voilà la triste vérité… Et au final, il ne reste quasiment plus rien de ce qui avait été introduit par le Sénat : les bibliothèques devront attendre 10 ans avant de diffuser les oeuvres orphelines parmi les indisponibles, mais uniquement en les renumérisant à leurs frais, pour une diffusion non pas en ligne, mais sur des extranets sécurisés à leurs seuls usagers. Et pire que tout, la Société de gestion collective en charge des indisponibles conservera la faculté, titre à titre, d’apprécier discrétionnairement (« sauf refus motivé ») si les bibliothèques pourront ou non diffuser les ouvrages orphelins !

Conçu sciemment pour être inapplicable, ce mécanisme est infiniment en retrait par rapport à la directive européenne, même si celle-ci est loin d’être si ouverte que les titulaires de droits français le disent.

Sur ce point encore, je ne peux suivre François Gèze.

***

Calimaq : « Des alternatives existaient, qui auraient permis de mettre en place des solutions bien plus équilibrées, sans tordre le cou aux principes les plus essentiels du droit d’auteur. Concernant les œuvres indisponibles, la seule solution équitable était celle du retour automatique des droits à l’auteur et l’inclusion des œuvres dans le registre sur la base d’un opt-in strict. »
« Inclure des œuvres [indisponibles] dans le registre sur la base d’un opt-in strict » : cela revient à attendre, avant de commencer la numérisation de masse (seul moyen de maintenir les coûts de cette opération à un niveau raisonnable), que plusieurs dizaines de milliers d’auteurs et d’ayants droit aient exercé cet opt-in. Autant dire jamais, ou plutôt attendre quelques décennies que toutes ces œuvres tombent dans le domaine public. Il serait plus honnête de dire franchement que c’est le projet même de rendre dès maintenant disponible les livres disparus du XXe siècle qui doit être abandonné. Il faudrait d’autres arguments pour prouver que la loi de 2012 « tord le cou aux principes les plus essentiels du droit d’auteur », alors même – et les auteurs y ont veillé –, qu’elle met leurs droits en avant en leur permettant l’opt-out.

Il est certainement très efficace d’un point de vue rhétorique de laisser penser que cette loi, avec son opt-out, constituait le seul moyen de permettre la numérisation des livres indisponibles du 20ème siècle. Mais c’est manifestement faux.

La preuve, c’est l’attitude que les éditeurs français ont eu vis-à-vis de Google et de ses projets de numérisation. On sait en effet que des éditeurs comme Hachette et Le Seuil/La Martinière ont accepté des partenariats avec Google, pour la numérisation de livres hors commerce, à la condition que le moteur de recherche revienne à un opt-in strict, tant pour les éditeurs que les auteurs. Le SNE a même signé par la suite un accord-cadre avec Google sur les mêmes bases.

Les chiffres annoncés dans le cadre de ces partenariats sont assez considérable, puisqu’on parlait de 50 000 ouvrages pour Hachette. Si l’opt-in est impossible à mettre en oeuvre comme l’insinue François Gèze, comment est-il possible que de tels partenariats aient été  signés avec Google ?

La question se pose d’ailleurs sérieusement (et je l’avais déjà fait), de l’articulation entre la mise en oeuvre de la loi sur les indisponibles et celle des partenariats signés avec Google. Un éditeur comme Hachette est également présent dans ReLIRE et j’avais d’ailleurs indiqué que des risques de « porosité » entre les deux initiatives étaient tout à fait possibles.

L’opt-in strict est le seul moyen d’aborder le problème de la numérisation des indisponibles dans le respect des droits des auteurs et les nombreux ratés de ReLIRE prouvent que cette précaution était essentielle. C’est aussi sur ce point que la loi du 1er mars 2012 soulève le plus de critiques, quant à sa compatibilité avec la Constitution et la Convention de Berne.

Si des difficultés insurmontables se posent à propos d’un partie du corpus, c’est alors que les ouvrages sont orphelins et c’est un des autres vices majeurs de cette loi, d’avoir voulu traiter les oeuvres orphelines au sein des livres indisponibles sans les distinguer. C’était aussi précisément ce que la justice américaine avait reproché à Google et la France n’a pas fait mieux. Pour ces livres orphelins, c’est le mécanisme de la directive, beaucoup plus cohérent, qui devrait s’appliquer.

C’est Philippe Aigrain qui a vu le plus juste à propos de la loi sur les indisponibles, lorsqu’il dit qu’elle constitue « un plan concerté pour la destruction d’un possible« . Ce possible, à base d’opt-in et de solution adaptée au cas spécifique des orphelines, aurait été respectueux à la fois des intérêts des auteurs et de ceux du public.

Mais il faut croire que d’autres intérêts sont plus puissants que ceux-là en France…

***

Calimaq : « Pour mettre en œuvre la base ReLIRE, le gouvernement devait nécessairement prendre un décret, mais publier cet acte, c’était exposer le flanc à un recours au Conseil d’État et plus loin ensuite, devant le Conseil constitutionnel qui a le pouvoir d’annuler la loi. »
Euh, alors là, je ne sais vraiment plus si Lionel Maurel sait encore de quoi il parle, car le décret en question a bien été publié, le 1er mars 2013, il est là :
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000027119991&dateTexte=&categorieLien=id
comme il le signalait d’ailleurs lui-même au début de son billet, qu’il semble avoir oublié à la fin…

Sur ce point, je dois reconnaître que ma phrase ne devait pas être claire, si elle a fait croire à François Gèze que je sous-entendais que le décret n’avait pas été publié. Ce n’est pas du tout ce que j’ai voulu dire et j’avais d’ailleurs procédé à une analyse détaillée des impacts de ce décret ici.

Ce que je voulais dire, c’est justement que la publication de ce décret ouvre la possibilité d’une contestation de cet acte devant le Conseil d’Etat et à partir de ce recours, la possibilité d’atteindre le Conseil constitutionnel pour faire tomber la loi elle-même.

Et c’est sans doute ce qui va se passer dans les semaines à venir…

***

Calimaq : « Pour beaucoup, l’ouverture de la base ReLIRE a ajouté l’insulte à la blessure qu’avait constitué le vote de la loi du 1er mars 2012. Mais la réaction est déjà en marche et elle sera à la mesure du mépris dont les instigateurs de ce texte ont fait preuve ! »
Ni « insulte » ni « blessure », donc, mais la « réaction », en effet. Car il est difficile de ne pas trouver assez « réactionnaire » cette démonstration si mal ficelée, qui semble plaider de facto pour le maintien dans les ténèbres des centaines de milliers de livres indisponibles du XXe siècle, alors même que nombre de bibliothécaires râlent de longue date contre les éditeurs qui ne les republient pas (essentiellement faute d’acheteurs qui permettraient de couvrir les coûts de réédition) et dont le numérique rend enfin possible économiquement la renaissance…

Démonstration « si mal ficelée »… Au vu des failles béantes dans les arguments de François Gèze, je pense que le lecteur appréciera cette saillie à sa juste valeur.

L’accusation d’obscurantisme est aussi sans fondement, car ce que je défends, c’est qu’il y avait d’autres voies pour traiter la question des indisponibles, comme je l’ai indiqué plus haut. Celle qui a été choisie n’est que le reflet d’un rapport de forces politiques complètement déséquilibré en faveur de certains acteurs de l’écosystème.

Je remercie François Gèze d’être venu débattre ici, mais aucun de ces arguments ne m’a convaincu. Les erreurs qu’il commet, alors même qu’il siège au conseil scientifique de ReLIRE, me confortent même dans l’idée que tout ce processus ne peut conduire à présent qu’à une catastrophe.

Je terminerai en lui posant une question : si cette loi est finalement jetée à terre par une décision du Conseil Constitutionnel, que restera-t-il de tous ces efforts déployés ? Ce sera un épouvantable gâchis, qui aurait pu être évité si seulement un véritable débat public avait eu lieu.

Ce sera la grande leçon à tirer de cette affaire des indisponibles pour l’avenir.


53 réflexions sur “Réponses à François Gèze, membre du conseil scientifique du registre ReLIRE

  1. « (…) ou plutôt attendre quelques décennies que toutes ces œuvres tombent dans le domaine public. »
    Mais oui, faites donc ainsi : c’est ça qui est normal !

  2. Lionel: « 60 000 références, on est très loin du Big Data ! »

    Oui tout à fait, ce qui soulève deux autres questions pour moi.

    1. Je prends comme position de départ, non pas la négligence mais la matière brute. Constituer une base approximative contenant des erreurs et la mettre en publique pour aider à la corriger. C’est sain. Il y a un mécanisme en place pour le faire. Cependant, il manque deux éléments pour que cela se passe mieux: 1.1 la transparence de l’état du registre, c’est à dire savoir sur chacun des ouvrages, est-ce qu’une opposition est en cours, si elle est vérifiée, anomalies, etc. C’est à dire le statut. 1.2 Communiquer que c’est le but de la base en ligne, un appel à la contribution collective pour améliorer la base. *La Question pour les organisateurs du projet ReLIRE* : Comment est gérer le projet ReLIRE au sein de la BNF ?

    2. Cette première question en appelle une seconde. Et je me méfie toujours des ratés de communications et de la malignité d’une organisation lorsque souvent ce ne sont que soit un manque de compétences, un oubli, une négligence non imaginée, etc. Been There Done That au W3C, où en étant à l’interne on peut se retrouver à gérer un flot de commentaires haineux pour quelque chose qui était une simple erreur logistique et/ou juste un manque de ressources. *La deuxième question pour les organisateurs du projet ReLIRE* : Quelles sont les ressources mises en place pour gérer le site Web, la base de données, les problèmes informatiques, les réclamations, etc ? (Je ne pense pas que nous aurons une réponse là-dessus. C’est normal. Mais s’il y a une personne responsable de la communication de ce projet, il serait bon d’éclaircir un peu les processus. D’autant plus que c’est intéressant comme projet communautaire par lui-même.)

    1. Le problème, c’est que le but du « registre » ReLIRE n’est pas de proposer une liste approximative pour que le public la corrige. Son but est d’être LA base légale, la seule base légale possible, pour que les auteurs, éditeurs ou ayants droit puissent, s’ils le désirent, s’opposer à l’entrée en gestion collective. Comment faire, alors qu’elle comprend des erreurs multiples, des fautes d’orthographe sur les noms des auteurs, des ouvrages collectifs indiqués sans la liste de leurs auteurs, etc. ? Comment les auteurs ou leurs ayants droit pourraient-ils retrouver la trace de leur présence en base et s’opposer à la numérisation dans le délai exigé ?
      Sans parler de ceux qui n’ont pas Internet (si, si, ça existe, j’en ai rencontré ;-) )

      1. Pas un enjeu si la liste est un draft permettant d’alimenter le registre dans un esprit de crowdsourcing. Quant au but réel de la liste, il est peu facile de le savoir malgré la FAQ sur le site.

        Je ne suis intéressé que par les commentaires qui sont en recherche de solutions ou de dégagement des enjeux en recherche des solutions.

        1. « Pas un enjeu si la liste est un draft permettant d’alimenter le registre dans un esprit de crowdsourcing. Quant au but réel de la liste, il est peu facile de le savoir malgré la FAQ sur le site. »

          Cette liste n’est pas un draft et il n’y a pas d’esprit de crowdsourcing – ce qui aurait pu être le cas, comme l’explique Calimaq ci-dessous, si l’opt-in avait été la règle. Le but réel de la liste est donné dans la loi, dans le Code de la Propriété intellectuelle modifié l’an dernier (qu’on peut télécharger sur http://www.legifrance.gouv.fr/telecharger_pdf.do?cidTexte=LEGITEXT000006069414 c’est la partie législative) :

          « Il est créé une base de données publique, mise à disposition en accès libre et gratuit par un service
          de communication au public en ligne, qui répertorie les livres indisponibles. La Bibliothèque
          nationale de France veille à sa mise en œuvre, à son actualisation et à l’inscription des mentions
          prévues aux articles L. 134-4, L. 134-5 et L. 134-6.

          Toute personne peut demander à la Bibliothèque nationale de France l’inscription d’un livre
          indisponible dans la base de données.
          L’inscription d’un livre dans la base de données ne préjuge pas de l’application des articles L.
          132-12 et L. 132-17.
          Article L134-3
          I. # Lorsqu’un livre est inscrit dans la base de données mentionnée à l’article L. 134-2 depuis plus de
          six mois, le droit d’autoriser sa reproduction et sa représentation sous une forme numérique est
          exercé par une société de perception et de répartition des droits régie par le titre II du livre III de la
          présente partie, agréée à cet effet par le ministre chargé de la culture.
           »

          Conclusion 1 : chacun peut demander à la BnF de rajouter un livre, mais pas d’en supprimer.
          Conclusion 2: lorsqu’un livre est inscrit dans la base, le droit d’autoriser sa numérisation est automatiquement exercé par la Sofia, à moins que l’auteur (ou ses ayants droit) ait fait opposition dans le délai de six mois. Et ce, même s’il n’est pas averti que ses ouvrages figurent dans cette base (et personne ne sera averti), même s’il n’a pas Internet (et cette liste n’existe que sur Internet), et même si la liste comporte des erreurs telles que trouver ses ouvrages en devient impossible.

          « Je ne suis intéressé que par les commentaires qui sont en recherche de solutions ou de dégagement des enjeux en recherche des solutions. »

          Pour trouver des solutions, il est bon d’énoncer clairement les problèmes, non ?
          Le principal problème de cette loi, dont découlent tous les autres, est l’opt-out. Solution? Annuler cette loi et réfléchir à une autre qui n’entrainerait pas tous les problèmes énoncés. Et si possible pas d’autre nouveau problème ;-)

  3. Lionel: « Pour la première parution de cette liste, on aurait été en droit d’attendre une prise de risque minimale pour éviter tout risque de contestations. »

    Je trouve cela plutôt bien de partir de la matière brûte et d’avoir une liste contenant des erreurs (même avec une suspicion de la faire sortir vite pour un agenda politique). Cependant il faut accompagner ceux-ci d’une démarche collective de contributions. Ce qui est en partie fait sur le site mais pas très bien expliqué, c’est maladroit et peu en phase avec la façon dont les projets collaboratifs en ligne s’élaborent habituellement. J’y vois beaucoup plus de maladresses que de mauvaise foi.

    1. Sauf que cela aboutit encore une fois à des violations frontales de la loi, susceptibles d’avoir de lourdes conséquences. On ne peut pas considérer cette base comme un work in progress et lancer un appel au crowdsourcing pour corriger les erreurs.

      On aurait pu à la rigueur le faire si la règle avait été l’opt-in, parce que les conséquences auraient été beaucoup moins importantes. Mais avec un opt-out, les erreurs se payent trop cher. Elles sont en elles-mêmes constitutives d’un préjudice.

      Par ailleurs, beaucoup d’être elles auraient pu être évitées, en commençant par exemple par bien lire le texte de la loi…

      Enfin, quand j’apprends en plus de tout ça que la constitution de cette liste a coûté 124.999 euros au contribuable français, versés à Electre, je n’ai plus tellement envie d’être indulgent https://twitter.com/ActuaLitte/status/319757926501855233

      Cela représente quand même un coût pour l’Etat de 2,5 euros par livre, avant même qu’ils ne soient numérisés ! https://twitter.com/BlankTextField/status/319794084833263616

      1. Quel est le risque pour les auteurs/ayants-droit? faire passer les droits d’exploitation d’un titre abandonné par son éditeur initial à une sociéte de gestion collective, qui va éventuellement trouver un distributeur/éditeur, et en tout cas, conserver qq Euros pour les ayants-droit qui se manifesteront? Ça ne mérite pas le qualificatif injurieux de vol.

        Les scandales (inconstitutionnels, je le pense aussi) sont ailleurs — et concentrer les attaques sur la BnF, à l’heure actuelle, est improductif, en dehors d’être inexact et injuste.

        1. Non, le risque est de faire capoter un projet de vraie réédition. Et ça, si ça n’est pas du vol, c’est de l’escroquerie, non ? (sous toute réserve de l’emploi du mot en termes juridiques, etc.)

      2. Cette discussion est intéressante notamment par le lien qu’elle cherche à trouver entre esprit de la loi et action publique dans un monde numérique. Par contre, il faut arrêter de crier tout le temps à la gabegie d’argent public. 125 000 euros, c’est pas grand chose comparé aux 250 millions d’euros que représente l’action « Livre et lecture » du ministère de la culture.

    2. Avoir des erreurs, oui. Sauf qu’ici ce n’est pas un travail collaboratif, c’est un livrable qui fait courir des délais légaux.
      La même base, qui semble avoir été en travail depuis 3 ans, je pense que ça n’aurait choqué personne d’avoir des erreurs à travailler avec le public pendant ces 3 ans. Par contre à partir du moment où on fait partir des comptes à rebours légaux et irréversibles, il y a un besoin de sans faute, ou du moins de meilleure qualité.

      1. Note que dans le workflow défini dans la page agenda. Il y a deux étapes : http://relire.bnf.fr/registre-agenda

        1. la liste
        2. le registre

        Peut-être une chose à clarifier dans la FAQ, pour savoir s’il existe une différence entre la liste et le registre. Cela d’ailleurs pourrait être une bonne opportunité de corriger le tir.

  4. Lionel : « C’est la même chose ici, car inclure un livre disponible dans ReLIRE cause un préjudice incontestable aux titulaires de droits sur cette oeuvre, en les forçant à se manifester pour rectifier l’erreur, au risque de voir autrement leurs droits passer en gestion collective. »

    Ici je n’ai pas bien compris. La loi mentionne telle une infraction quant à l’élaboration de la liste ? IANAL ou juriste même, mais y a t-il infraction sans aucune publication. On parle bien d’une liste pas d’une action de publication. Quel est le préjudice ? Est-ce que le mécanisme d’opt-out ou de rectifications des erreurs de la liste étaient interdits par la loi ? Si oui, c’est pas très malin.

    1. Quand l’administration cause un préjudice, elle engage sa responsabilité, que la loi le mentionne ou non.

      Or ici, notamment quand la base contient un livre disponible, il y a bel et bien préjudice pour les titulaires. Par ailleurs, eu égard au volume relativement peu élevé de références, certaines erreurs auraient pu être simplement évitées (par un simple tri par date). Cela relève pour moi de la négligence de les avoir laissé dans la base.

      La loi ne s’applique qu’aux livres indisponibles,avec une définition stricte. Inclure dans cette liste des ouvrages qui ne sont pas indisponibles, c’est violer la loi.

      Mais ce sera encore pire par la suite, si ces ouvrages disponibles finissent par être exploités.

      1. Quel est le préjudice d’être dans la liste ? (Je ne parle pas d’être publié, mais bien d’être dans la liste.)

        1. être dans la liste = avoir 6 mois pour s’opposer, au delà c’est (quasiment) trop tard.

          Je ne sais même pas juridiquement ce qu’il se passe si quelqu’un est enregistré à tort mais laisse courir le délai. Il ne m’apparait pas totalement impossible que l’éditeur sélectionné soit quand même fondé à exploiter la version numérique.

          1. Au delà, ils peuvent encore en sortir. Mais là on parle bien du mécanisme de publication. Je parle d’être « présent dans la liste » Pour l’instant le système de publication est du vaporware du côté du public puisque les modalités exactes ne sont pas dévoilées (format, DRM, plateformes de ventes, accès des bibliothèques, etc). Ou il est possible que je ne comprenne pas le terme « préjudice. »

            1. Il peut y avoir un autre type de préjudice : imaginons qu’un petit éditeur ait en projet la réédition d’un ouvrage, mais pas tout de suite (il fait son programme de publication sur plusieurs années). S’il voit que celui-ci figure dans la liste, il peut décider d’abandonner l’idée, parce qu’il ne sera pas en position de force pour vendre le livre avec une telle (éventuelle) concurrence. D’où préjudice pour l’auteur.
              Et puis le fait de devoir se fader des démarches administratives lourdes, je ne sais pas si ça répond à la définition juridique de « préjudice », mais vraiment, c’est pas un cadeau !

              1. Lucie, mais ceci est toujours un « si » et pas un cas concret d’actes provoquant un manque à gagner ou un tort, etc.

                Lionel, pourrais-tu définir le terme préjudice ?

                  1. Pour la seconde fois, le billet de François Bon, je l’ai lu :). Il n’y a pas encore eu de dommage à autrui. Il est *probable* qu’il y en ait si il y a passage à l’acte de publication. Mais ce n’est pas encore le cas. Merci pour la confirmation. Il est encore probable que la loi soit annulée, mais comme dans un autre commentaire, cela fait partie du futur et n’existe pas encore.

            2. En même temps Karl, être engagé dans un système dont les modalité ne sont pas connues et pas maitrisées, ça me semble un problème en soi, non ?

              1. Eric, Oui, bien sûr mais c’est le cas de pratiquement tous les projets que ce soit de la vie de couple à la gestion de projets, à l’informatique, etc. Le fait qu’il y ait des erreurs ou des enjeux n’a pas de causalité directe sur le futur tant que ce futur n’est pas réalisé. Il est probable mais pas réalisé. C’est bien pour cela qu’il est intéressant de soulever les enjeux simplement, de les identifier, les décrire et de rechercher des solutions alternatives ou une modification des processus.

                (Je ne me fais pas l’illusion que nous allons pouvoir influencer, mais peut-être nous allons inspirer les gens de la BNF, même si c’est pour 1% des idées, c’est toujours cela de gagner. Et puis c’est intéressant d’explorer les enjeux pour mieux les comprendre que ce soit dans leur réalité ou dans leurs mises en œuvre pour des projets similaires dans le futur.)

  5. Lionel : « Pour l’anecdote, on espère à présent que le comité scientifique dont fait partie François Gèze va redoubler d’effort en ce qui concerne la sélection, car si cette première liste de 60 000 titres devait se limiter « aux sciences humaines et sociales, à l’histoire et à la fiction« »

    En parlant de ressources dans mon commentaire initial, je me suis demandé quelle est la charge de travail. Bien sûr le calcul est naïf mais il permet de rétablir une certaines formes de volumes. Sur une base de 60 000 livres, en prenant uniquement 5 minutes par ouvrage (ce qui peut-être très peu), et en considérant une journée de 8 heures de travail. Cela représente près de 625 jours de travail continu (sans vacances, ni week-end.) L’initiative d’une base soumise à la correction publique semble plutôt une bonne idée. En revanche, cela demande encore de nombreuses ressources pour vérifier. Peut-être un autre système aurait pu être :

    1. Base publique avec des erreurs soumises à la correction du public, des auteurs, des éditeurs.
    2. Un opt-in pour le passage à l’**acte de publication** (des éléments qui sont dans la liste)
    3. Un système de vote pour le public afin de définir les priorités.

  6. Lionel : « Les chiffres annoncés dans le cadre de ces partenariats sont assez considérable, puisqu’on parlait de 50 000 ouvrages pour Hachette. Si l’opt-in est impossible à mettre en oeuvre comme l’insinue François Gèze, comment est-il possible que de tels partenariats aient été signés avec Google ? »

    Le cas est légèrement différent. Il s’agit d’une liste de livres contrôlés par un ayant droit, donc disponibles. C’est un accord commercial classique. Difficilement comparable à mon avis.

  7. Lionel: « Ce possible, à base d’opt-in et de solution adaptée au cas spécifique des orphelines, aurait été respectueux à la fois des intérêts des auteurs et de ceux du public. »

    Oui. Au niveau de l’autorisation de publication (et de commercialisation). Je trouve le fait d’avoir la liste très intéressante mais que l’acte de publication finale doit être soumis à l’opt-in.

  8. Lionel : « Je terminerai en lui posant une question : si cette loi est finalement jetée à terre par une décision du Conseil Constitutionnel, que restera-t-il de tous ces efforts déployés ? Ce sera un épouvantable gâchis, qui aurait pu être évité si seulement un véritable débat public avait eu lieu. »

    Oui, cela touche au sujet de « l’open government » non dans le sens qu’il faudrait transformer l’état en geekocracie mais bien d’utiliser certains des mécanismes de la culture de l’open source afin de mieux gérer la confiance et la transparence. Par exemple sur ce projet, j’aurais aimé voir un « issue tracker » afin qu’en tant que citoyen je puisse analyser le chemin des idées. Et ceci n’a que peu à voir avec le projet #ReLIRE la base de données, mais bien avec la façon dont la loi a été ficelée. Comme il a été mentionné dans ce billet, l’opacité sur les textes par exemple. Ceci dit en l’état actuel des choses, je pense que le projet #ReLIRE dans la constitution de sa liste (et non de la remise en publiscation) et avec une meilleure gestion de projets et un « issue tracker » pourrait grandement s’améliorer. C’est mon côté construisons du positif ;)

  9. Bonjour Lionel,

    Merci pour ces précisions bien utiles, en particulier sur la différence essentielle entre œuvre et livre et aussi pour le ton de tes réponses.

    Tu conclus par : « Je terminerai en lui posant une question : si cette loi est finalement jetée à terre par une décision du Conseil Constitutionnel, que restera-t-il de tous ces efforts déployés ? Ce sera un épouvantable gâchis, qui aurait pu être évité si seulement un véritable débat public avait eu lieu. »

    Je connais ton souci du respect de la lettre de la loi, mais, malgré les turbulences, je ne crois pas à « l’épouvantable gâchis ». Dans l’hypothèse précédente cette histoire un peu ridicule aura au moins permis de bien poser les termes du débat et, comme le dit Karl, il n’est pas inutile d’avoir une base, même bricolée, même pleine d’erreurs pour démarrer ou redémarrer. En espérant que l’on en tire les leçons pour une solution plus équilibrée.

    Pour le reste… on est en France non ?

  10. Merci encore une fois pour nous éclaircir sur cette situation qui se complique de plus en plus… j’avais confiance en une évolution favorable aux bibliothèques concernant la numérisation des œuvres orphelines suite à la directive européenne mais cela ne semble pas être le cas, loin de là!
    En effet, cette focalisation maladroite sur les indisponibles semble un mauvais écran de fumée, j’espère qu’il sera annulée et que la BNF et les autres bibliothèques européennes puissent construire quelque chose de solide avec un opt-in pour les indisponibles et un opt-out pour les orphelines avec compensations équitables en cas de manifestation postérieure à la recherche diligente, cela me semble faisable si on ne perd pas le temps et l’énergie avec des projets accessoires ou inutiles…
    Je me réjouis de voir dans deux semaines ce qui vont faire les états-unis sur DPLA, M. Darnton annonce 2 millions d’œuvres orphelines qui seront disponibles « peut-être » :
    http://www.nature.com/nature/journal/v495/n7442/full/495447a.html
    A suivre…

  11. Je cite M. Gèze : « alors même que nombre de bibliothécaires râlent de longue date contre les éditeurs qui ne les republient pas (essentiellement faute d’acheteurs qui permettraient de couvrir les coûts de réédition) et dont le numérique rend enfin possible économiquement la renaissance… »
    Et là, en tant que bibliothécaire, je fais un bond de 10 mètres. Déjà, nous coller sur le dos une partie des raisons d’être de ReLIRE, ce n’est pas très sympa.
    Oui, on râle lorsqu’un livre est indisponible alors qu’on l’aimerait l’acquérir pour le faire découvrir à nos lecteurs ou remplacer le même que l’on a déjà mais qui est perdu/abîmé/irréparable. Non, nous n’avons jamais réclamé un système comme ReLIRE qui se moque du CPI, pond une petite loi pour le contourner, donne une base comportant des erreurs et de surcroît traite auteurs comme bibliothèques (comme il a été démontré en ces lieux) comme rien.
    Donc non, M. Gèze, je ne suis pas d’accord. Rendre disponible les indisponibles, pourquoi pas, mais en le faisant bien. Pas en piétinant les auteurs, pas en ne laissant rien aux bibs, pas en faisant ça n’importe comment . Non. Surtout si c’est pour imiter Google qui, en son temps (et je m’en rappelle bien) était si bien décrié en notre contrée…
    Bref, j’en profite pour m’incliner devant ces billets forts bien argumentés et cette réponse tout aussi bien argumentée ! Merci calimaq !
    Lullaby, bibliothécaire, lectrice (amoureuse du papier MAIS pas anti-numérique car en lit aussi, certes rarement, mais j’en lis) et auteur. Aussi. Enfin presque.

  12. Bon, à « pas convaincu », « pas convaincu et demi »… Mais là, je n’ai pas le temps de répondre en détail à vos contre-arguments et j’espère pouvoir le faire plus tard. En attendant, je constate que, heureusement, le ton s’apaise (un peu) et que la controverse, grâce à certains commentaires (comme ceux de Karl) me semble permettre de mieux circonscrire le vrai débat de fond sur l’affaire : non pas les erreurs (inévitables) de cette première liste ou le « préjudice » éventuel que représenterait pour un auteur (ou un ayant droit) le fait d’y avoir un livre inclus (lequel semble à tout le moins fort évanescent), mais bien les avantages et inconvénients respectifs des deux termes de l’alternative opt-out (ce qu’a établi la loi) vs opt-in (que réclament ses adversaires), lesquels peuvent l’un et l’autre comporter bien des variantes et amodiations possibles. On en reparlera, c’est sûr…

    1. Sûr à 200% qu’un juge reconnaîtrait l’existence d’un préjudice causé à l’auteur, dans le cas où un de ses ouvrages seraient inclus dans la base alors qu’il est disponible.

      Et à partir de là, on peut soulever une QPC pour atteindre la loi.

  13. De toutes façons : une telle liste est quasiment impossible à créer et à maintenir à jour, vu le nb d’oeuvres potentielles :
    * rechercher tous livres publiés avant 2000 (un certains nombre)
    * identifier les auteurs (si oeuvre non anonyme)
    * trouver les dates de naissance et de mort (éventuellement)
    * déterminer si chacune des oeuvres est dans le d.p. via http://www.outofcopyright.eu/
    * si non : l’inclure dans la base ; si oui : la libérer sur wikisource/archive/wikiCommons/… (ouh là là, je m’égare:-)
    Bref : une tâche impossible selon moi.

    1. Bonjour

      @ComputerHotline

      Après l’achat à Electre des données, au minimum, les comparer à celles de la BNF pour les documents publiés après 2000. (même titre, même auteur = on élimine de la base RElire)

      Surtout : éliminer tous les documents supérieurs à 2000, ou déjà dans le domaine publique.

      Si de simples internautes sont capables de le faire avec la simple base RElire… C’est que c’était et que c’est évidemment possible !!!

      Le nettoyage pourrait commencer dès maintenant. Non ?
      Pour rester en conformité avec la loi.

      Tout maintient de documents inappropriés dans la base est une violation de la loi. Avec effet aggravant si ce n’est pas corrigé dans un délai raisonnable dès le signalement.

      Le signalement est maintenant fait. (de notoriété publique)
      Je conseille donc vivement aux collègues BNF responsables du projet de réagir et de faire remonter le problème à leur tutelle, afin de se couvrir.

      On ne sait jamais qui paiera les pots cassés.

      Bien cordialement
      B. Majour

  14. Sûr à 200% qu’un juge reconnaîtrait l’existence d’un préjudice causé à l’auteur, dans le cas où un de ses ouvrages seraient inclus dans la base alors qu’il est disponible.

    Et à partir de là, on peut soulever une QPC pour atteindre la loi.

    Si le préjudice est avéré (et même sans préjudice du tout) :

    – Quelle est la valeur juridique, en tant que preuve, d’une demande de retrait informatique ?
    – Ne vaudrait-il pas mieux envoyer une lettre avec AR pour mentionner une date de valeur, afin de faire constater en justice le préjudice ?

    Je ne sais pas ce que tu en penses, mais pour ma part, j’estime que seule une lettre avec AR, où on dit que l’on interdit, définitivement, toute utilisation de ses oeuvres par le biais du Registre ReLIRE, est valide.

    Avec une lettre AR, plus besoin de s’enquiquiner à vérifier chaque nouvelle mise à jour de la base. C’est définitif.
    On peut même s’opposer directement à plusieurs oeuvres d’un seul coup sur son propre nom et/ou ses pseudonymes.

    Pour parachever la lettre, une demande d’astreinte à X euros par oeuvre et par jour de maintient dans la base, 15 jours après la date de réception, servira à accélérer le traitement.
    Surtout en cas de préjudice avéré.

    S’opposer sur son nom et/ou pseudonymes me semble le seul moyen évident de ne pas passer sa vie à courir cette base de données. (Car, comme le souligne Actuallité http://www.actualitte.com/societe/indisponibles-le-registre-relire-explique-aux-auteurs-de-la-sgdl-41406.htm « Nous attirons tout particulièrement votre attention sur le fait qu’un même titre peut être indisponible dans plusieurs éditions et que ces éditions peuvent figurer dans la liste. » )

    Une lettre avec AR me semble aussi un moyen simple de faire état de sa qualité d’auteur, et d’auteur disponible (adresse validée).
    Si on vient là, le dépôt d’une plainte au tribunal sera la deuxième couche au processus d’identification de l’auteur. (Là, on y montrera sa carte d’identité en toute sécurité, sans l’envoyer sur le réseau, où on ne sait pas qui peut y avoir accès)

    De plus, ça me semble le seul moyen légal (et valide ?)
    « Art. 134-4. – I. ― L’auteur d’un livre indisponible ou l’éditeur disposant du droit de reproduction sous une forme imprimée de ce livre peut s’opposer à l’exercice du droit d’autorisation mentionné au premier alinéa du I de l’article L. 134-3 par une société de perception et de répartition des droits agréée. Cette opposition est notifiée par écrit à l’organisme mentionné au premier alinéa de l’article L. 134-2 au plus tard six mois après l’inscription du livre concerné dans la base de données mentionnée au même alinéa.

    Par écrit !!!

    Et il n’est pas non plus mentionné qu’il fallait en passer par la production de documents d’identité ou d’un quelconque numéro de dossier. Comme c’est le cas par la procédure informatique de la BNF.

    Dans les commentaires, Lucie Chenu précise que tout le monde n’a pas Internet, la voie de la lettre avec AR me semble donc indispensable et suffisante.

    Dans la loi, il n’est pas non plus fait mention d’un dossier à instruire.
    Cette opposition est notifiée par écrit

    Si on lit un peu plus en détail ce qui est spécifie ici : http://relire.bnf.fr/vos-droits-auteur-ayant-droit

    On s’aperçoit, en outre, que l’on va être redevable d’un AR, si on envoie la réponse par courrier.

    « Deux formulaires sont à votre disposition : un formulaire destiné aux auteurs et un formulaire destiné aux ayants droit d’auteurs. Ce formulaire, accompagné des pièces requises selon que vous êtes auteur ou ayant droit d’un auteur, doit être complété, imprimé, signé et renvoyé à la BnF par courriel ou courrier postal.

    Le courrier doit être posté en recommandé avec avis de réception. L’avis de réception est la preuve du dépôt de votre demande.
    La BnF transmet la demande à la société de gestion collective dans un délai de 1 mois. »

    Là, on se demande bien comment ceux qui n’ont pas Internet pourront télécharger les documents BNF… au risque d’être incapables de s’opposer ? Est-ce bien légal ?

    D’où : la constitution de ce dossier et des pièces jointes est-elle bien légale ?
    La loi, c’est juste : Cette opposition est notifiée par écrit à l’organisme mentionné au premier alinéa de l’article L. 134-2 au plus tard six mois après l’inscription du livre concerné dans la base de données mentionnée au même alinéa.

    Pas de tambouille de dossier ou autre.

    Que se passe-t-il d’ailleurs s’il manque des pièces jointes, ou si – comme dans d’autres administrations – certaines s’égarent ? Voire si votre dossier (informatique ou pas) s’égare ?

    La demande d’opposition serait nulle ?
    Sur quelle base légale ?

    Là, il est de nouveau clair (pour moi) que seule votre lettre avec AR sera le garant légal de la demande d’opposition. La seule preuve permettant d’invalider une gestion collective 6 mois après la date de parution de l’oeuvre dans la base ReLIRE.

    A relire le document Cerfa (cerfa_14914-01.pdf) fourni pour la demande d’opposition, on se pose des questions sur :

    – La ligne obligatoire courriel… pour un envoi papier ?

    – La ligne « date de naissance » non obligatoire.
    Elle me semble pourtant nécessaire pour discriminer des auteurs ayant le même nom, mais pas la même date de naissance.

    – L’étrange demande sur les affiliations aux différentes sociétés d’auteurs.
    En quoi ça regarde la BNF ? En quoi est-ce en lien avec la demande d’opposition ?

    – L’intéressante case à cocher : auteur des arts visuels.
    A se demander si le scan de l’oeuvre ne va pas reprendre l’illustration de page de couverture.
    Pour le reste, c’est certain : photos, illustrations et autres vont être reprise par le scan… sans que les auteurs en soient avertis (puisque seul l’auteur du livre est mentionné) ?

    Un illustrateur doit-il s’inquiéter de voir son oeuvre reprise par le scan ?
    Y aura-t-il de nouvelles couvertures pour les oeuvres… couvertures non choisies par les auteurs ?

    Et le plus amusant :
    L’obligation « d’une déclaration sur l’honneur attestant de votre qualité d’auteur. » (pour valider le dossier ??? (sic))

    Comme le dit Bigard dans son sketch « Par exemple, vous allez dans un resto avec un copain, vous arrivez, le garçon vient vous accueillir et là, il vous demande : « C’est pour dîner ? »
    « Non c’est pour faire un tennis, connard ! »

    Tiens, on se demande bien pourquoi l’auteur est en train de remplir sa demande d’opposition. Connard ! :o)

    En plus, quelle peut bien être la valeur d’une telle attestation sur l’honneur (non demandée par la loi, je le rappelle) ?

    Moi aussi, je suis auteur.
    N’importe qui peut se déclarer auteur.

    Où comment cherche la petite bête pour nullifier la demande d’opposition ?

    Seule la lettre avec AR peut garantir le respect de la loi.
    Je ne sais pas ce que en penses Calimaq.

    Bien cordialement
    B. Majour

  15. Très cher Monsieur Gèze, cessez donc, je vous en prie, de répéter que les erreurs étaient inévitables. La précipitation et l’absence de réflexion, oui, rendent les erreurs inévitables. La BNF possède les coordonnées de tous les éditeurs. Qui a donc réellement été consulté hormis les six qui « font » l’édition en France ?
    Personnellement, je me demande pourquoi votre programme n’a pas mis en place un questionnaire adressé aux éditeurs, un questionnaire tout simple (et je simplifie d’ailleurs en un petit nombre de questions) :
    – Avez-vous à votre catalogue des oeuvres publiées entre 1900 et 2000 ?
    – Parmi celles-ci, lesquelles sont disponibles ? Lesquelles ne le sont plus ?
    – Quel est votre programme en matière de réédition ? De votre propre catalogue d’indisponibles ou d’oeuvres extérieures à votre catalogue ?
    – Avez-vous, par extension, des oeuvres indisponibles sous contrat ?

    Seulement, de dialogue, il n’y a point eu.

    Avec une vraie consultation (une vraie !), votre base de données serait déjà BEAUCOUP moins bordélique et sujette à polémique. Mais comme vous décidé d’appliquer la théorie de l’aspirateur aveugle, avalant tout et tous sur votre passage : auteurs, éditeurs, bibliothécaires, ayants-droits… et même les lecteurs (puisque vous tuez au passages de nombreux et riches programmes de réédition).

    Cordialement,
    Editions Ad Astra

    1. Quelques questions supplémentaires, puisque les dysfonctionnements du projet m’intéressent.

      Aux éditions Ad Astra, « Un questionnaire adressé aux éditeurs, un questionnaire tout simple  »

      * Le questionnaire devrait être envoyé sous quelle forme ? (postal, email, recommandé ?)
      * Quel est le délai que vous estimez raisonnable pour constituer votre propre catalogue en réponse à la BNF ?
      * Combien de livres dans votre propre catalogue ? (pour estimer le volume du travail)
      * Combien d’ouvrages sont considérés indisponibles au terme de la loi dans votre catalogue ?
      * Sous quelle forme les données devraient être envoyées (pour éviter les cauchemars de conversion) ?

      Aussi je ne suis pas tout à fait sûr de comprendre cette question « Quel est votre programme en matière de réédition ? » Quelle est la réponse renvoyée par l’éditeur et qu’est-ce que la BNF peut en faire ?

  16. Un programme de réédition est souvent élaboré sur plusieurs années (un éditeur comme Les Moutons Electriques par exemple réédite beaucoup). Il est évident que de nombreux titres parmi les indisponibles sont concernés (les Roland C. Wagner pour les Moutons Electriques, les ouvrages de Christian Léourier de notre côté). Certaines de ces oeuvres appartenant à ces programmes de réédition sont déjà sous contrat. Or, Relire n’en tient pas compte et devient donc hors-la-loi (une fois de plus). Un questionnaire qui comporte cette question pourrait donc éviter ce genre de problème majeur. Mais, je le répète, les acteurs du livre n’ont pas été consultés, quoi qu’on en dise, donc c’est à nous de faire des démarches fastidieuses… pour ramener Relire dans la légalité… Incroyable !

  17. Un paralèlle sur la méthode : ce qu’on reproche à cette loi est le même reproche qui est fait par certains parlementaires à l’Accord sur l’emploi certes à une autre échelle : un travail entre organisations non représentatives + une volonté que le parlement ne soit qu’une chambre d’enregistrement d’accords négociés au préalable. Ici s’ajoute le contournement manifeste d’une directive européenne. A chacun de se faire son opinion sur l’état de notre démocratie.

  18. C’est un peu comme les professionnels qui doivent payer la taxe pour copie privée et se faire rembourser ensuite, au lieu d’être simplement exonérés comme le veulent les directives européennes…

  19. Le branlage de mouche, c’est sympathique… qlqs écrivaillons que personne ne lit ou lira, enfin si peu… les pleureuses du droit d’auteur ne prennent pas de Hauteur…

    1. Si personne ne les lit ou les lira, pourquoi dépenser tant d’argent (public) pour numériser leurs livres ? Il n’y a pas d’autres dépenses plus urgentes, en France ? Au pif : santé, chômage, éducation, logement…

  20. ça coûte pas tant que ça… le pognon y va à la défense, là on parle gros sous pour aller zombifier des terroristes, grosse économie de marché… la crise a ses niches, un état en faillite en garde toujours sous le coude pour le combat, bon sinon tous ces bouquins numérisés seront piratés de toute manière….

    1. « ça coûte pas tant que ça… » oui, il y a toujours pire ou plus ailleurs, c’est un très bon argument en faveur du « allons-y et tant pis si c’est mal »
      « sinon tous ces bouquins numérisés seront piratés de toute manière » faudra que je pense à le sortir à la police si je me fais prendre à cambrioler mon voisin : sinon, quelqu’un d’autre l’aurait fait, autant que ça soit moi.
      Que vous vous en fichiez, pourquoi pas ? Je conçois parfaitement que tout le monde ne partage pas nos préoccupations, mais n’essayez pas de nous persuader que nous devrions nous en foutre nous aussi !

  21. Chère Lucie, je veux persuader personne… surtout pas… quand on pense que Proust a payé pour éditer son premier bouquin… bon c’était la clique du Figaro, y sortait pas de nulle-part le Marcel… les temps ont changés… on ne sait plus comment s’habiller; arriviste, capitaliste, pirate, éditeur-caviar, hyper-contemporain, facebookien, etc.. pré-digéré par le marché, jeté, recyclé, un infini numérique sans issue, un espace temps nouveau, le vide… juste des transactions, morgue sans cadavre, Le Crime Parfait comme disait l’autre… bonne journée à vous.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.