Fêter le patrimoine, mais laisser disparaître le domaine public ?

Ce week-end, nous célébrons donc les Journées européennes du patrimoine, et vous serez des milliers et des milliers à aller visiter des monuments et des lieux de culture en France.

Il faudrait sans doute s’en réjouir, mais je n’y arrive pas. Vraiment pas…

Car voyez vous, ces journées sont celles du Patrimoine, mais pas celles du domaine public.

Les deux choses sont liées, mais elles demeurent profondément séparées en France. Le patrimoine national est fêté, protégé, valorisé et légitimé par le discours des pouvoirs publics. Le domaine public, quant à lui, est largement ignoré comme enjeu essentiel, et pire encore, dans sa version numérique, il subit une érosion croissante qui fait craindre pour sa disparition prochaine pure et simple.

Dans la plus grande indifférence…

Le domaine public est une notion liée à la propriété intellectuelle. Il correspond à cet état des oeuvres de l’esprit qui advient lorsque les droits patrimoniaux – de reproduction et de représentation – s’éteignent à l’expiration de la durée de protection (vie de l’auteur plus 70 ans, en principe). L’oeuvre devient alors librement utilisable par quiconque, y compris à des fins commerciales.

Source : Sketchtlex. CC-BY-NC-ND.

Il y a eu une Journée du domaine public, cette année, organisée le 26 janvier dernier par les associations Wikimedia France et Creative Commons France, à l’image du Public Domain Day, que le réseau européen Communia a mis en place le 1er janvier de chaque année pour célébrer l’entrée dans le domaine public de nouvelles oeuvres. C’était la première fois en France et j’avais eu l’honneur d’être invité pour participer à la conférence donnée en soirée. Je me souviens que j’avais néanmoins ressenti  un pincement, car nous n’étions qu’une maigre poignée…

Au moment de la clôture de la conférence, j’avais dit que j’espérais qu’un jour les Journées du Patrimoine soient transformées en Journées du Patrimoine ET du Domaine public.

Quelques mois plus tard, voici donc ces Journées du patrimoine qui reviennent. Le gouvernement a changé ; la nouvelle ministre de la Culture fait des annonces à propos d’une loi consacrée au patrimoine, qui verrait le jour en 2013, comportant plusieurs mesures intéressantes et positives. Très bien.

Mais le domaine public reste toujours désespérément absent du radar, et pire encore, plusieurs évènements ont eu lieu cette année qui font entrevoir des atteintes gravissimes en préparation, avec peut-être un point de non-retour pour le domaine public numérisé.

J’ai trop longtemps repoussé la rédaction de ce billet, en raison des contraintes qui pesaient sur ma liberté d’expression, du fait du devoir de réserve auquel j’étais soumis. Aujourd’hui, je l’écris, en espérant qu’il permettra d’attirer l’attention et de provoquer une réaction avant qu’il ne soit définitivement trop tard.

Saccage juridique en règle du domaine public en France

Si le domaine public est en danger en France, c’est avant tout parce qu’il est menacé par les institutions culturelles qui devraient au contraire le protéger. Entendons-nous bien, je ne suis pas en train de dire que les bibliothèques, musées ou archives n’assurent pas leur rôle de conservation patrimoniale des oeuvres physiques qu’elles conservent. Mais à l’occasion de la numérisation de ces objets, elles sont une majorité écrasante à user de stratagèmes juridiques divers et variés pour porter atteinte à la liberté de réutilisation qui devrait être le pendant logique du domaine public.

Le problème est connu : allez sur les sites des musées, des bibliothèques et des archives. Vous y trouverez de très nombreuses oeuvres du domaine public numérisées et offertes à la consultation du public. Mais dans une écrasante majorité des cas, les images seront accompagnées d’une mention restrictive, qui restreindra les usages d’une manière ou d’une autre, quand un brutal « Copyright : tous droits réservés » ne sera pas purement et simplement appliqué !

J’étais vendredi dernier à l’INHA pour un colloque consacré aux « Pratiques des images numériques en sciences humaines« , pour intervenir sur les aspects juridiques liés à la question. La situation avait quelque chose de cocasse, car alors que j’expliquais que la numérisation ne permettait pas aux institutions culturelles de revendiquer un droit d’auteur sur des œuvres du domaine public numérisées, à défaut de créer une quelconque originalité, toutes les images de la bibliothèque numérique de l’INHA portent une agressive mention « © – Institut National de l’Histoire de l’Art », quand bien même les originaux appartiennent au domaine public.

Du Toulouse-Lautrec, c’est bien dans le domaine public, non ?
Sauf que tout en bas, voici ce que l’on trouve !

Une telle revendication empêche toutes les formes de réutilisation, y compris les plus légitimes : elle bloque par exemple les usages pédagogiques et de recherche ; elle entrave les chercheurs qui voudraient utiliser ces images pour des publications scientifiques ; elle interdit aux simples internautes de les reprendre pour illustrer leurs blogs et leurs sites ; elle ne permet pas d’aller enrichir les articles de Wikipédia et d’autres sites collaboratifs. Elle bloque aussi bien entendu les réutilisations commerciales, qui devraient pourtant être autorisées, puisque les oeuvres appartiennent au domaine public.

Bien que la valeur juridique d’un tel copyright soit plus que douteuse (vous avez dit Copyfraud ?), cette pratique n’est pas isolée. Elle est au contraire massive dans la plupart des institutions culturelles. Dans les musées, au lieu de ce copyright brutal, on use parfois d’un autre stratagème, en reconnaissant un droit d’auteur aux photographes qui prennent des clichés de tableaux. Le musée se fait ensuite céder ce droit d’auteur par contrat, ce qui lui permet d’appliquer à la fois son copyright et celui du photographe. Allez sur les sites du Louvre, sur celui de la RMN et vous verrez que la pratique est généralisée.

Ça aussi, c’est dans le domaine public, non ?
Et non, surprise ! Du copyright partout, sur deux couches…

Au petit musée des horreurs juridiques, Arago, portail récemment ouvert dédié à l’histoire de la photographie atteint de véritables sommets. Les photos du domaine public y sont lourdement copyrightées, le droit à la copie privée des contenus supprimé et le clic droit est même désactivé ! Démonstration détaillée ici.

Cliché pris en 1855… mais (C) RMN-Grand palais (Musée Condé de Chantilly). Et pour sortir l’image du site, l’impression écran est ta seule amie !

D’autres institutions ont récemment développé une tactique plus subtile encore. Elles considèrent que la numérisation produit des données publiques (les oeuvres deviennent des séries de 0 et de 1, qui seraient constitutives d’informations publiques au sens de la loi du 17 juillet 1978). C’est le cas par exemple parfois à la RMN, à la BnF pour Gallica, aux Archives nationales pour Archim  et dans bon nombre de services d’archives départementales. Elles peuvent alors conditionner certaines formes de réutilisation, notamment commerciales, à la passation d’une licence et au paiement d’une redevance. Recouvert par cette couche de droit des données publiques, le domaine public disparaît, dans sa signification originelle. Pourtant cette lecture de la loi de 1978 est juridiquement contestable, même si aucun tribunal n’a encore statué sur la question.

Les manifestations de ce « saccage juridique » peuvent prendre d’autres détours encore, comme lorsqu’au Musée d’Orsay, on interdit avec obstination aux visiteurs de prendre des photographies (même sans flash), y compris lorsque les oeuvres appartiennent au domaine public. Cette interdiction n’est cependant pas absolument générale, puisque si vous vous appelez Shakira par exemple, on vous laissera généreusement vous prendre en photo devant l’Olympia de Manet. Mais pour le citoyen lambda, prière de ranger le téléphone portable et de toucher seulement avec les yeux !

Le domaine public à Orsay. C’est pour Shakira only !

Nouvelles étapes de la marchandisation du domaine public par les institutions publiques

Les comportements signalés ci-dessus sont déjà critiquables, mais un nouveau stade s’apprête à être atteint par certaines institutions culturelles. Jusqu’à présent en effet, c’est la réutilisation des oeuvres du domaine public mises en ligne qui était entravée, mais les images pouvaient tout de même être consultées sur Internet.

Aujourd’hui, dans le but de marchandiser le domaine public, on en vient à envisager de ne plus mettre en ligne les images numérisées, pour mieux les vendre sous forme de bases de données, en partenariat avec des entreprises privées qui assureront la numérisation et se rémunèreront sur le produit des ventes.

Cette formule, qui constitue une forme d’atteinte absolue au domaine public, est envisagée en ce moment à la Bibliothèque nationale de France notamment, dans le cadre de plusieurs appels à partenariats, mettant à contribution les Investissements d’avenirs du Grand Emprunt national.

Les faits sont en réalité déjà connus, car ils ont été révélés par le site Actualitté cet été dans une série d’articles, et notamment celui-ci. On y apprend que la BnF serait sur le point de conclure des partenariats pour la numérisation de corpus importants de documents patrimoniaux : des livres anciens, des ouvrages de littérature, de la presse et des fonds sonores.

Dans le cas des livres anciens et de la presse, le modèle retenu est le suivant : un prestataire privé (Proquest par exemple pour les livres) numérisera les ouvrages, en recevant un soutien financier via le Grand Emprunt. Seule une partie minime du corpus pourra être accessible librement et gratuitement sur Gallica, la bibliothèque numérique de la BnF (5% pour les livres). Le reste sera transformé en une base de données, non accessible en ligne, qui sera commercialisée via une filiale BnF (comme on l’apprend dans cet article paru au printemps dans le Bulletin des bibliothèques de France).

Cet embargo sur la mise en ligne sera maintenu durant une durée variable selon les corpus (7 ans pour les livres et la presse, 10 ans pour les fonds sonores) par le biais d’une exclusivité reconnue au partenaire commercial. A l’issue seulement de ce délai, les contenus numérisés pourront rejoindre Gallica en ligne.

Cette formule pourrait paraître constituer un compromis équilibré, permettant la numérisation de documents patrimoniaux, en répartissant les coûts importants entre le public et le privé. Mais ce n’est en réalité pas du tout le cas et ces montages violent des recommandations importantes faites au niveau international, si ce n’est la loi française !

Lisez la presse dans Gallica ? Sauf que bientôt il faudra payer ou se déplacer sur place… On n’arrête pas le progrès numérique !

Violation des recommandations européennes… et de la loi française ?

Un Comité des Sages, réuni par la Commission européenne, a en effet publié en janvier 2011 une série de recommandations concernant les partenariats public-privé en matière de numérisation du patrimoine. L’ironie veut d’ailleurs que les appels à partenariats de la BnF indiquent s’inspirer de ces recommandations, alors qu’en réalité, ils les foulent grossièrement au pied !

En effet, les sages européens ont recommandé que la durée des exclusivités accordées aux partenaires privés n’excède pas les 7 ans :

La période d’exclusivité ou d’usage préférentiel des œuvres numérisées dans le cadre d’un partenariat public-privé ne doit pas dépasser une durée de 7 ans. Une telle durée peut, en effet, être considérée comme pertinente pour, d’une part, générer  suffisamment d’incitation à la numérisation pour le partenaire privé et, d’autre part, garantir un contrôle suffisant des institutions culturelles sur les œuvres numérisées.

Mais il s’agit en réalité d’une durée maximale de 7 ans pour une exclusivité commerciale seulement (le partenaire est le seul pendant 7 ans à pouvoir exploiter commercialement les contenus numérisés), mais pas du tout une exclusivité sur la mise en ligne elle-même !

Le texte du rapport indique en effet formellement plus haut que les oeuvres du domaine public numérisées doivent nécessairement être mises en ligne :

Afin de protéger les intérêts des institutions publiques qui concluraient un partenariat avec une entreprise privée, le Comité des  sages considère que certaines conditions doivent a minima être respectées :
o  Le contenu de l’accord entre une institution culturelle publique et son partenaire privé doit nécessairement être rendu public;
Les œuvres du domaine public ayant fait l’objet d’une numérisation dans le cadre de ce partenariat doivent être accessibles gratuitement dans tous les
Etats membres de l’UE ;
o  Le partenaire privé doit fournir à l’institution culturelle des fichiers numériques de qualité identique à ceux qu’il utilise pour son propre usage.

Les partenariats envisagés par la BnF « singent » ces recommandations, en faisant référence à une exclusivité de 7 ans, mais celle qu’ils prévoient n’est pas du tout celle qui était indiqué dans le rapport des Sages européens ! Ce rapport parlait d’exclusivité commerciale seulement, alors que la BnF va mettre en oeuvre une exclusivité sur la mise en ligne elle-même du domaine public…

Le domaine public, bientôt dans les fers numériques à la BnF ! (Par dorsetforyou.com, CC-BY-NC-SA)

On goutera pleinement l’ironie de cette affaire si l’on se souvient de l’énorme scandale qu’avait provoqué en 2009 la révélation d’un projet de numérisation à l’étude entre Google et la Bibliothèque nationale de France. A l’époque, ce qui était en discussion, c’était la numérisation des ouvrages par Google à ses frais, en contrepartie de l’imposition d’une exclusivité commerciale de 25 ans, identique à celle qu’il avait imposée à la Bibliothèque municipale de Lyon.

Mais les accords conclus par Google ne comportent aucune exclusivité concernant la mise en ligne elle-même. Le but de Google est bien de mettre en ligne les oeuvres du domaine public qu’il numérisent, sur Google Books et à présent sur Google Play, où l’on trouve d’ailleurs déjà des livres de la BM de Lyon, en téléchargement gratuit. Et même si Google impose des restrictions, les bibliothèques partenaires sont aussi autorisées à mettre en ligne les ouvrages sur leur propre site.

Un ouvrage issu des collections de la BM de Lyon, numérisé par Google et librement accessible en ligne sur Google Play.

La manière dont la BnF va « encapsuler » des oeuvres du domaine public numérisées dans des bases de données coupées du web pour mieux les vendre est donc à tout prendre bien pire en terme d’atteinte au domaine public que ce qui était envisagée avec Google. Et c’est là tout le paradoxe de ces appels à partenariats, car la mobilisation du Grand Emprunt devait normalement permettre de trouver une solution plus satisfaisante que celle proposée par Google (c’est ce que recommandait notamment le rapport Tessier). Or c’est exactement l’inverse qui s’est produit, car l’emprunt devant à terme être remboursé,
la BnF s’est tournée vers un modèle économique qui passe par la marchandisation de la matière brute du domaine public lui-même, et donc, par son anéantissement pur et simple !

Ce faisant, il n’est pas certain que l’établissement s’apprête  à violer seulement les recommandations du Comité des Sages européens (sans valeur juridique en elles-mêmes), mais aussi peut-être directement la loi française, comme ce billet le suggère.

L’article 14 de la loi du 17 juillet 1978 relative à la réutilisation des informations publiques contient en effet ces dispositions restrictives en matière d’exclusivité accordée au privé :

La réutilisation d’informations publiques ne peut faire l’objet d’un droit d’exclusivité accordé à un tiers, sauf si un tel droit est nécessaire à l’exercice d’une mission de service public.

 Le bien-fondé de l’octroi d’un droit d’exclusivité fait l’objet d’un réexamen périodique au moins tous les trois ans.

J’aimerais beaucoup que l’on me démontre que l’exclusivité accordée ici aux partenaires privés type Proquest est « nécessaire » à l’exercice de la mission de service public de la BnF. Elle constitue plutôt une remise en cause de sa mission de diffusion du patrimoine culturel, sacrifiée sur l’autel du ROI !

Le pire, c’est que cet exemple semble à présent faire tâche d’huile et s’exporter, puisque que l’on a appris la semaine dernière que la Library of Congress a lancé elle aussi des appels à partenariats assez semblables à ceux de la BnF, si ce n’est que la période d’embargo sur la mise en ligne est limitée à 3 ans. Le réseau européen Communia a vivement réagi à cette annonce en pointant l’atteinte que pouvait constituer pour le domaine public une telle formule. Que dire alors des partenariats BnF ?

Une dégradation encore renforcée par la crise et les coupes budgétaires

Il est évident que la période qui s’ouvre va constituer un risque majeur pour l’intégrité du domaine public sous forme numérique. Les fortes restrictions budgétaires annoncées par le Ministère de la Culture et le climat de crise économique ambiant vont nécessairement peser sur les capacités des institutions culturelles à numériser leurs collections par leurs propres moyens.

Il y a donc de fortes chances que des partenariats public-privé, de plus en plus déséquilibrés en termes d’accès et de réutilisation des contenus, soient conclus, afin de permettre aux institutions de dégager des ressources propres. Ces considérations économiques vont être agitées comme des arguments-massue, qu’il sera très difficile de contrer.

Voilà bientôt ce qui restera du domaine public, en ces périodes de vaches maigres budgétaires. De la banquise en train de fondre… (par mountain wanderer. CC-BY-NC)

Pourtant, cette optique de marchandisation du domaine public relève d’une bien courte vue économique. Le fait de numériser et de rendre réutilisable le domaine public en ligne, y compris à des fins commerciales, peut constituer un effet de levier important sur de nombreux secteurs d’activité. Le domaine public numérisé peut être utilisé pour développer des contenus pédagogiques ; il offre de nouveaux matériaux pour la recherche et pour les publications scientifiques ; ces contenus forment aussi une « offre légale » gratuite, dont peuvent bénéficier les usagers (que l’on songe par exemple à l’importance des livres du domaine public gratuits, pour remplir nos tablettes et nos liseuses et développer de nouveaux usages de lecture) ; les oeuvres du domaine public peuvent également être rééditées ou adaptées par le secteur marchand, ou utilisées dans le cadre de services et d’applications.

Cette richesse « potentielle », induite par la diffusion gratuite du domaine public, ne pourra se déployer que si l’on met pas d’entrave à la réutilisation des oeuvres, et surtout, si l’on continue à les diffuser en ligne, et non à les réduire en produits commerciaux coupés du web pour faire du « protectionnisme numérique »…

A défaut, on aboutira à une abolition pure et simple du domaine public sous forme numérique, alors que la numérisation aurait dû permettre au contraire d’en réaliser toutes les promesses !

Pour une loi sur le domaine public en France !

Que faire pour empêcher cette destruction programmée du domaine public ? Les pouvoirs publics réagiront-ils pour arrêter ces projets scandaleux, qui progressent dans la plus grande opacité et dont on peut craindre qu’ils ne soient bouclés avant qu’il ne soit trop tard ? Les nombreux députés et sénateurs, les intellectuels, qui étaient intervenus lors de l’affaire Google laisseront-ils faire bien pire aujourd’hui ?

A défaut, comme je l’ai déjà écrit, la seule voie qui resterait ouverte sera celle du hacking pur et simple.

Par Caroline Léna Becker. Domaine public.

Briser ces bases illégitimes, et sans doute illégales, pour libérer les oeuvres du domaine public en ligne ! Certains l’ont déjà fait, en s’attaquant à des musées, à des bases de données scientifiques ou à Google Books. Je vous conseille d’ailleurs à ce sujet de regarder la vidéo ci-dessous qui montre que certaines communautés s’interrogent sur la conduite à tenir face aux attaques répétées contre le domaine public… Faudra-t-il vraiment en arriver là ?

Mais il y aurait une autre manière de procéder, pour donner au domaine public consécration et protection par la loi.

Aurélie Filippetti annonce une grande loi sur le patrimoine pour 2013. Agissons, manifestons-nous et revendiquons à la place une loi sur le patrimoine et le domaine public ! Nous disposons pour ce faire des excellentes propositions formulées dans le cadre du Manifeste du Domaine Public de Communia, qui fixent un cap intéressant.

La loi française pourrait et devrait explicitement indiquer qu’il n’est pas possible de copyrighter des oeuvres du domaine public numérisées, lorsqu’on en fait des reproductions fidèles, ou de les recouvrir de couches de droit des données publiques. Le domaine public possède une valeur et une dignité supérieures à tous ces stratagèmes ! Un moyen plus simple que le recours en justice devrait aussi être ouvert aux citoyens pour faire valoir leurs droits à la réutilisation des oeuvres du domaine public. Pourquoi ne pas prévoir que la CADA par exemple puisse être saisie à cette fin ? La loi pourrait également consacrer explicitement la possibilité de verser par anticipation une oeuvre dans le domaine public (domaine public volontaire). Il faut également encadrer strictement les partenariats public-privé et fixer par la loi des limites fermes aux contreparties pouvant être accordées par les établissements publics à des sociétés privées.

Un tel chantier serait vaste, utile et enthousiasmant !

Que le domaine public devienne protégé, comme un bien commun de la connaissance, et non seulement comme un « patrimoine » que les établissements publics revendiquent comme des propriétaires ! (Bertrand Calenge a déjà écrit des choses intéressantes sur les rapports entre patrimoine, domaine public et biens communs).

Une loi sur le domaine public en 2013 et que l’année prochaine à la même date, nous célébrions pour la première fois ensemble, revêtus d’une égale dignité juridique, le Patrimoine ET le Domaine public !

PS : j’ai violé les interdictions à la réutilisation imposées par plusieurs institutions culturelles pour réaliser ce billet. Qu’elles viennent me chercher noise si elles le souhaitent ! Je les attends de pied ferme !


65 réflexions sur “Fêter le patrimoine, mais laisser disparaître le domaine public ?

  1. Juste une petite remarque latiniste. On ne dit pas « vulgus pecum » mais « vulgum » pecus ». Pecus (troupeau), malgré sa terminaison en s, est un neutre et donc l’adjectif s’accorde. Remarque que vous pouvez vosu dispenser de diffuser, bien sûr.

  2. Quitte à être puriste, l’origine latine exacte est « vulgus pecus » (deux substantifs neutres en -us) — mais le barbarisme « vulgum pecus » est depuis longtemps passé dans l’usage en français…

  3. Merci pour cette information dense et apparemment complète: je n’aurai pas assez du we pour m’y pencher, mais j’y reviendrai car ce sont de vraies questions qui se posent d’abord à nous auteurs puis à tous consommateurs aliénés!

  4. Autre exemple, hors France et peut-être moins violent, mais néanmoins… Viaticalpes est un projet qui a numérisé, et numérise encore, énormément d’images de voyages dans les Alpes tirées d’ouvrages anciens. Ce sont toutes des oeuvres du domaine public. Elles sont affichées en ligne et téléchargeables dans des résolutions assez bonnes, mais elles sont « protégées » d’un ©…
    Par exemple en cliquant sur cette photo, on peut lire une mention légale étonnante. J’avais assisté à une présentation du projet (qui par ailleurs est extraordinaire), et j’avais posé la question de ce ©. On m’avait répondu que l’image en question est bien une possession de la bibliothèque, qui en plus en avait financé la numérisation… Ma question a toutefois provoqué quelques réflexions intéressantes et a priori pas complètement fermée.
    Mais c’est un réflexe. © partout…

    ps : le formulaire Gravatar est-il absolument indispensable ? J’ai fini par supprimer les adresses e-mail que j’utilise pour commenter de mon compte Gravatar (que l’on ne peut pas fermer), afin de pouvoir commenter sans me connecter à Gravatar… Et pourtant Gravatar me demande toujours de me connecter. Puis m’interdit d’autres essais. C’est bien entendu le cas sur énormément d’autres blog. D’où la tentative avec cette pseudo-adresse…

    1. Merci pour ces exemples, que je ne connaissais pas. Oui, le (c) sur les images est bien un réflexe, venant sans doute du fait que les institutions confondent la propriété du support physique de l’oeuvre avec celle de l’oeuvre elle-même.

      Pour le formulaire Gravatar, c’est hélas une modification que WordPress a apporté aux commentaires et que je ne peux pas désactiver (à moins qu’il n’existe une solution, mais je ne la connais pas). Je n’héberge pas moi-même mon blog, mais il faut que je le fasse pour ne pas être soumis à ce genre de contraintes. Le temps me manque, hélas…

  5. c ‘ est bien , mais c ‘ est pourtant insuffisant – l ‘ accès à la culture reste une affaire de riches – s ‘ il faut attendre que les oeuvres soient tombées dans le domaine public , on est pas sorti de l ‘ auberge !!

  6. Le clic droit désactivé me fait toujours sourire, sans doute du fait de l’inanité absolue de cette pratique… et ça fait aussi un peu « old school » à mon goût.
    D’ailleurs l’impression d’écran n’est pas « ta seule amie », l’image étant bien évidemment présente dans le code source de la page, le fichier sera toujours récupérable tel quel, en l’occurrence ici : http://www.photo-arago.fr/CorexDoc/RMN/Media/TR3_MD5/d/7/d/5/01-013926.jpg).
    En ce qui concerne la bibnum de l’INHA, j’avais déjà eu l’occasion de constater qu’ils apposaient des mentions de copyright à priori abusives. Par ex. sur cet ouvrage édité en 1897 : http://agorha.inha.fr/inhaprod/jsp/system/win_main.jsp?record=musee:MUS_BIEN:131457. En fait c’est assez ambigu car une métadonnée indique que le copyright de la notice est « © Bibliothèque Gernet-Glotz » (je comprends ici que le copyright s’applique uniquement à la notice documentaire), mais on retrouve la même mention en regard de tous les fac-similés de l’ouvrage numérisé (textes et planches comprises). On retrouve une illustration tirée d’une de ces planches dans une autre base de données iconographique (à laquelle participe l’INHA d’ailleurs), toujours avec une mention de copyright mais sans en préciser le détenteur (et en plus on a droit qu’à une misérable vignette) : http://www.limc-france.fr/objet/1686
    Merci pour cet article (la posture militante est appréciable) et pour la vidéo « Hacking the public domain » que je ne connaissais pas.

    1. Merci pour l’info sur le code source. Cela rend effectivement la désactivation du clic-droit encore plus ridicule.

      Pour l’INHA, c’est en fait assez incompréhensible. Les images portent un copyright, même quand les oeuvres sont dans le domaine public, ce qui signifient « Tous droits réservés », donc pas de réutilisation possible. Mais la mention légale générale de la bibliothèque numérique s’appuie sur le droit des données publiques (loi de 1978) et elle permet les réutilisations à des fins non-commerciales. Donc en tant qu’utilisateur, que faire ? Mystère et boule de gomme…

      Je précise quand même que le copyright sur les images n’a aucun fondement juridique et pas de valeur en justice. C’est du copyfraud pur et simple. La légalité de la mention fondée sur les données publiques est à mon sens également douteuse appliquée à des oeuvres du domaine public, mais nous n’avons pas encore de jurisprudence pour le confirmer.

      Un procès intenté à une institution publique serait d’ailleurs une chose qui ferait beaucoup avancer la question.

  7. J’ai signalé vos analyses importantes ici http://oeuvresouvertes.net/spip.php?article1820

    Je me sens concerné à titre personnel en tant qu\’auteur, puisque je travaille à un ensemble basé sur des photographies et des documents anciens glanés sur le web… http://oeuvresouvertes.net/spip.php?article1625 et que ce sera selon moi de plus en plus le cas en littérature numérique.

    Donc comment se priver de ces ressources publiques ?

    1. Très intéressant (et inquiétant) de voir que les « protections » de la propriété intellectuelle blessent en fait les auteurs eux-même :(

      1. Oui en effet, c’est un dégat collatéral que l’on ne met pas assez en avant : le domaine public est avant tout un réservoir dans lequel peuvent venir puiser les créateurs d’aujourd’hui.

        Merci également pour ce super-logo « I hack public domain ».

        Je sens que cette image risque d’avoir un destin singulier…

    1. Je n’ai pas eu le temps de développer, mais effectivement le CNNUM avait émis des recommandations très claires en faveur de l’ouverture des données culturelles.

      Il comporte notamment ce passage au sujet du domaine public, qui montre bien que l’application de la loi de 1978 sur les données publiques a des oeuvres du domaine public est loin de faire l’unanimité :

      La réutilisation de documents numérisés est pourtant encore fréquemment interdite au nom de la propriété intellectuelle, même lorsque les documents originaux sont tombés dans le domaine public. Mais en présence de droits moraux détenus par des tiers, ces documents ne peuvent pas non plus être qualifiés d’informations publiques, en vertu de l’article 10 cité plus haut.

      C’est exactement la thèse que je soutiens pour dire que le droit des données publiques ne devrait pas venir « encapsuler » les oeuvres du domaine public numérisées.

      Qui se risquera à avancer cette thèse en justice, pour que nous ayons la réponse de la bouche d’un juge ?

  8. Schematis data, erratum : lire 31/12/2056, 01/01/2127 et 01/01/2157 à la place de 31/12/2057, 01/01/2128 et 01/01/2158. Et la durée : 130 ou 160 ans et 130 jours et pas 131 ou 161 ans et 233 jours.

  9. Vous marchez à coté de vos chaussures et j’invite tous les bénévoles à virer leur travail des plateformes Wikimedia, ET à ne plus jamais y collaborer; Wikimedia and co qui me fait ni plus ni moins penser qu’a du Charity Business.

    Prenez un passionné d’un Auteur X, il va méticuleusement reproduire le texte, sur un site X, site relativement anonyme. Puis les pompeurs vont réinjecter son travail sur wikisource, sur gtemberg, qui vont completement zapper la source initiale et l’usage privé et non commercial.

    L’auteur X du site X, ne va rien dire, puisqu’au fond, la philosophie de ses deux sites est la même. SAUF QUE, une fois approprié par ses deux plateformes, tous les contenus sont Open business, c’est écrit noir sur blanc. Allez donc faire un tour sur Kindle. Il y a des vendeurs qui ont ni plus moins aspirés, dix ans de travail, de milliers de bénévoles, de milliard d’heures de contributions de passionnés.

    Ainsi les textes connus des « classiques de sciences sociales » interdit a toute recommercialisation, le sont sur Kindle via Wikisource*** ( et les recopieurs n’indiquent aucunement la source recopiée sur ce wiki), le revendeur pourra donc se planquer avec la licence wiki. Bravo, bravo…

    Vous avez un train de retard et c’est bien pour cela que la BNF applique des restrictions d’usage. Chacun à le droit de protéger son travail, quand je propose un texte sur un site, c’est pour un usage purement privé…Non pour voir des E….. le revendre. Tout ne s’aborde pas avec le droit d’auteur.

    Et c’est aussi pourquoi, des sites mettent des copyright ( qui je crois, ne veut rien dire en droit français)

    Cherchez « Bibliotheque digitale » sur kindle : ce dernier a fini de pomper wiki qu’il s’attaque maintenenant a je ne sais quel code de droit etc…. etc…
    http://www.amazon.fr/s/ref=sr_st?keywords=bibliotheque+digitale&qid=1347875747&rh=n%3A672108031%2Ck%3Abibliotheque+digitale&__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85Z%C3%95%C3%91&sort=daterank

    http://www.amazon.fr/s/ref=sr_st?keywords=bibliotheque+digitale&qid=1347875751&rh=n%3A672108031%2Ck%3Abibliotheque+digitale&__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85Z%C3%95%C3%91&sort=relevance1417rank

    Le pompage est indiscutable, les oeuvres rassemblés sont toujours et uniquement les textes dispos, et toutes les fautes dans le texte sont strictement les mêmes ( et quand le texte a été pompé d’une autre source comme les classiques de sciences sociales, on retrouve la faute sur wiki, puis dans les ebooks. FACTUEL. ( je me suis amusé à regarder les extraits dispos depuis amazon.com, d’une dizaine de textes…99% des fautes sont les mêmes)

    Alors oui moi je vous le dis, je trouve votre position assez pathétique quand on sait cela.

    1. Je ne comprends pas le rapport entre ce que vous dites et le charity business. Les projets Wikimedia & Co sont financés par le don de particuliers, pas par la revente des textes de Wikisource à d’autres projets.

      Sur le fond du problème (recopier des textes du domaine public). Honnêtement, je n’arrive pas à comprendre le problème, si ce n’est revenir au problème moral « je ne veux pas que des gens fassent de l’argent en exploitant ce que je fais gratuitement ». Est-ce que c’est bien de ça dont il s’agit ?

    2. Je suis en désaccord radical avec votre point de vue.

      « Chacun à le droit de protéger son travail, quand je propose un texte sur un site, c’est pour un usage purement privé…Non pour voir des E….. le revendre. Tout ne s’aborde pas avec le droit d’auteur. »

      Non, le fait de produire un travail ne donne pas tous les droits, et surtout pas celui de porter atteinte à l’intégrité du domaine public.

      Le travail de transcription d’un texte ne donne pas naissance à un objet protégeable. Le texte est la substance même de l’oeuvre. Si quelqu’un le reprend, il en a parfaitement le droit, y compris pour un usage commercial.

      Quand je vois ce genre de réactions, je me dis décidément qu’une loi sur la protection du domaine public est vraiment plus que nécessaire.

      Quant à vos attaques contre Wikisource ou le projet Gutenberg, je les désapprouve au plus haut point. Ce sont des rares endroits sur Internet où l’on peut trouver du domaine public « à l’état brut » et c’est ce qui les rend infiniment précieux.

      1. Vous pouvez déapprouver ma critique sur wikisource and co. je doute que les milliers d’internautes qui ont travaillés à proposer un texte, soit ravi de voir que des gusgus se gavent de pognons, sur leurs bénévolats d’une dizaine d’année, à coup de moulinettes informatiques Clap clap monsieur, l’integrité notre patrimoine commun!!!

        Vous pouvez aussi trouver normal que pomper un texte sur un site A, le mettre sur Wikisource, puis le reprendre sur wikisource, nettoyeur des droits précédents, soit open for business. Oui approuvez, cela.

        Quant à retranscrire un texte, quand vous aurez acheté un manuscrit, que vous aurez passé des heures (centaine) à le proposer gratuitement en indiquant l’interdiction de le commercialiser, que vous le retrouvez sur gutemberg ou autre ( que vous decouvrez apres coup, soit des années) qu’avec l’ebook, et bien en fait tout le monde peut commercialiser votre travail, elle est ou l’intégrité du domaine public, en danger.

        Vous voulez le texte et ben au boulot, respecter le travail d’autrui, ca ne veut pas dire s’arroger des droits sur le texte mais sur son travail. Pasque si vous voulez preserver le libre accès au savoir, va falloir vous secouez la nouille sur ce que je dis. Vous croyez que l’on va continuer à fournir du contenu pour quelques geeks informaticiens qui vont s’enpiffrer grâce a vos supers licenses

        Déapprouvez, déapprouvez, mais au nom de quoi, du domaine public ??? bref du droit d’auteur, vous ne seriez pas un chantre du droit d’auteur au final.

        Il n’ y a pas que le droit d’auteur, vous savez ? le droit de respecter le travail d’autrui, ca vous cause ? Alors oui je vous le redis, vous avez un train de retard et quand la BNF avec mes impots, numérise un texte, il est clairement indiqué que cela concerne un usage personnel, ce que veut dire ce copyright, puisque le droit d’auteur non seulement ne connait pas ce terme, mais qu’en sus le droit d’auteur, il dit clairement que l’on peut reproduire un texte dans le cadre privé et seulement privé.

        Vous œuvrez contre le domaine public. Si vous me trouvez un peu agressif, je n’ai rien contre vous mais je suis un peu remonté.

        1. Je pense que c’est vous qui avez un probleme avec le domaine public. C’est public, par definition on en fait ce qu’on veut, on peut le commercialiser si ca nous chante (mais on ne peut pas empecher quelqu’un d’autre de le faire egalement).
          Si vous achetez un manuscrit d’un texte dans le domaine public et que vous le mettez en ligne, rien ne vous octroie le droit d’interdire une utilisation commerciale. Vous pouvez bien l’ecrire, mais c’est un abus. Vous souhaitez le partager, tres bien, mais vous n’etes a aucun moment proprietaire d’autre chose que d’un bout de papier, et certainement pas du texte et de sa destinee.

          1. Claude,

            Non je n’ai pas de problème avec le droit d’auteur. j’ai un problème avec le respect du travail d’autrui, votre façon de réduire tout au domaine public est pathétique. Si je retranscrit un texte sur un support X, je ne m’en attribue pas de droit sur l’œuvre même mais sur mon seul travail et j’en fais ce que je veux, j’en suis le seul propriétaire et je le distribue comme je veux. Comme votre « wikimedia fondation chérie « le pratique avec la licence qu’elle a décidé d’appliquer. Vi, vi, des gus pompent des textes sur les sites, pis vot foundation » décide que c’est fricable du moment qu’au fait sa promo….est-bien cela, hein, la seule obligation pour revendre le boulot d’autrui….

            Votre raisonnement suinte l’appauvrissement généralisé, avec des raisonnements comme le votre, plus personne n’investira et il y a matière à, pour faire resurgir un tas d’œuvres qui dorment depuis des lustres. Va payer un photographe professionnel, un correcteur, pis bisounours, pis Claude récupère la mise…..Vous travaillez gratuitement m’sieur Claude. j’peux vnir chez vous prendre vos livres de Balzac, Hugo and co…C’est qu’ils sont dans le domaine public….

            Mais peut-être, votre business consiste-il à prendre les gens pour des cons ( c’est tres web 2.0) que de faire bosser pour la bonne cause, pour ramasser le pactole derrière.

            1. D’abord on peut abandonner wikipedia/wikimedia, ca n’est pas le sujet (en plus d’etre rarement dans le domaine public).
              Desole de vous l’apprendre mais il n’y a pas de « droit sur votre seul travail ». Rien. Il n;y en a jamais eu, meme avant le web. En 1980, vous pouviez retranscrire les oeuvres de La Fontaine, les imprimer, les distribuer en disant que c’est a usage personnel seulement, ca n’aurait empeche personne de recopier le meme texte et de le vendre derriere. Aujourd’hui le processus de reproduction/publication est seulement simplifie (mais pas encore simple).
              Ca ne me gene pas de travailler gratuitement quand je sais que ca va etre le cas a l’avance. Si vous ne voulez pas travailler gratuitement, assurez vous que vous aller etre paye pour ca. Mais se battre contre ceux qui reutilisent le meme texte ou le meme image dans leur plein droit, c’est se tromper de combat. Au mieux vous passez pour quelqu’un qui n’a pas su tirer profit de son travail. Si au contraire, vous n’etiez pas interesse par l’aspect monetaire comme je l’imagine, de quoi donc vous plaignez vous? Votre travail a permis la diffusion d’une oeuvre qui vous tient a coeur (visiblement!), ou est le probleme. Que d’autres se fassent de l’argent avec une version de mauvaise qualite n’a plus grand chose a voir avec le domaine public, de toute facon.

              (Et gardons les anathemes pour d’autres occasions s’il vous plait)

              1. Merci, Claude, de votre recadrage : les problèmes posés par Lionel méritent un examen posé, en particulier à propos de la juste rémunération du travail de ceux qui œuvrent à la mise à disposition d’œuvres du domaine public, tout en ménageant la libre disposition du domaine public.

                Diderot, dans son texte diffusé sous le titre « Lettre sur le commerce de la librairie », posait déjà la question : comment encourager et protéger contre la contre-façon (ou financer) la réédition de textes méritant d’être rendus disponibles ?

                Les confusions entre droit d’auteur (droits moraux, droits économiques), copyright (sur une forme de restitution d’une œuvre) et plus largement propriété intellectuelle et industrielle, alliées à l’ambition d’une économie (où j’entends fort monétisation) de la connaissance font frémir autant qu’elles exigent des prises de position politiques.

              2. Merci Claude,

                de ne pas avoir répondu sur le même ton, je concède un certain énervement. Ceci dit, il y a une petite différence entre saisir un texte sur wikisource ( votre cas) et saisir un texte (il y a bien longtemps, les blogs n’existaient pas) et se le faire reprendre par un gus qui le met sur wikisource, ne dit absolument rien sur l’origine du texte. Et au final c’est Wikisource qui délivre la licence, allez y les gars…

                Non, non, je n’ai pas saisi mon texte pour qu’il soit revendu. Vous pensez que mon coup de gueule est hors sujet d’avec cet article, et bien non.

                Quant les services de l’Etat, nous mettent à disposition du contenu de notre patrimoine, ce n’est pas pour que derrière tout le monde aille faire comme d’avec mon texte, le coller sur wikisource, la machine à laver des droits d’autrui. Et le coté systémique est problématique.

                Quant à mon travail, vu que ce n’était pas du business, je crois que vous avez peut-être raison. Maintenant imaginons qu’un éditeur ressorte un texte ancien, vous trouvez normal que derrière son travail se retrouve sur Wiki, qu’il n’aurait aucun droit, tout ce n’apprécie pas au regard du droit d’auteur.

                Mais bon, vu comme c’est parti, il ne sera bientôt plus rentable de ressortir un classique, vu les tarifs pratiqués par les pompeurs du web, 2 euros les œuvres complètes, j’espère que les chinois vont se mettre au français.

  10. Merci pour ce billet, clair et complet. Juste une précision qui m’intéresse : la pratique que vous signalez au début, qui consiste de la part des institutions à « copyrighter » un tableau ou un document ancien par le simple fait de le photographier/numériser est-elle légale ? Une telle institution peut-elle dès lors par la suite percevoir des droits d’auteur en cas de réutilisation par un tiers ?

  11. sr

    Bonjour!
    Je suis très heureuse d’avoir lu cet article que je vais utiliser pour continuer à protester contre l’interdiction systématique faite au public de réaliser, ou aux amateurs et enseignants des photos, je proteste systématiquement contre cet abus de pouvoir, en France comme en Italie.
    Je travaille dans le patrimoine (au sens large) depuis longtemps je suis sensibilisée au problème de la prise photographique des œuvres dans les musées européens. En France le régime est différent selon les musées communaux, départementaux ou nationaux ( qu’ils soient labellisés Musée de France ou pas). La prise photographique sans flash est souvent autorisée mais sans pied d’appareil, ce qui revient à faire des photos de peintures très approximatives. Aucun problème par contre sur les objets et sculptures diverses. Il y a un effet monopole de l’image des œuvres picturales qui entrent dans un imaginaire national, monopole et contrôle de la diffusion des images légitimées d’art.
    merci

  12. Bonjour,

    Je découvre cet article en rentrant de vacances et je n’ai pas encore eu le temps de le lire très en détail. Je veux juste faire remarquer que les pratiques que vous dénoncez font obstacle parfois non pas seulement à la réutilisation mais aussi simplement à l’accès à une oeuvre. Il y a deux ans, j’ai cherché sur Gallica le célèbre article de Renan « qu’est-ce qu’une nation », simplement pour le lire par curiosité personnelle, sans intention d’utilisation. Impossible : on est renvoyé à une réédition de 1985 par les éditions Mille et une Nuits, cette édition n’étant évidemment pas accessible gratuitement. Les éditions anciennes sont introuvables sur Gallica (la recherche donne de très nombreuses références, mais il s’agit de brefs extraits dans ouvrages commentant cet article).

    J’ai fini heureusement par trouver par Google le texte de Renan mis en ligne par la bibliothèque municipale de Lisieux (http://www.bmlisieux.com/archives/nation01.htm).

    J’ai envoyé un courriel à Gallica en demandant si j’avais mal compris la marche à suivre pour chercher sur le site Gallica et en faisant observer que le fait que les éditions Mille et une Nuit avaient réédité ce texte ne leur donnaient aucun droit pour restreindre l’accès aux éditions anciennes. Je n’ai jamais eu de réponse…

    Je trouve cette politique de partenariat avec des éditeurs extrêmement préoccupante dans ses effets. Bien sûr, j’aurais pu me rendre à la BnF, demander l’ouvrage, le recopier de ma blanche main ou payer une photocopie de ce court ouvrage (s’agissant d’un ouvrage du domaine public, donc pas de problématique du « photocopillage »), ouvrage par ailleurs conservé grâce à mes impôts… On revient à l’avant Internet.

  13. Il n’est pas inutile de rappeler au pouvoir politique, quel qu’il soit, l’adage : « L’Etat, c’est moi ».

  14. Je suis d’accord avec Mark Perkins!

    Autre exemple de partenariat, au Royaume-Uni : la British Library a numérisé entre 2004 et 2008 une quantité de sa collection de journaux; le site est connu sous le nom de « 19th century British Library newspapers » (http://newspapers11.bl.uk/blcs/). Cette numérisation a été faite en partenariat avec Gale Cengage Learning, qui gère la ressource électronique finale. Je n’ai pas vu de mention de copyright sur les articles numérisés dans la base de données, mais celle-ci n’est pas accessible gratuitement au premier venu (voir le charmant écran bloqueur sur http://bit.ly/ToJ5Xu) – sauf pour les petits malins (et nous autres bibliothécaires !) qui savent que c’est une des ressources à laquelle leur bibliothèque est abonnée.

    Enfin, une question : je discutais de votre article avec un collègue, en lui montrant comme exemple le site de la National Portrait Gallery. Ce portrait de William Wordsworth (http://bit.ly/PQ9wjv) porte, comme vous l’avez montré dans votre article, la mention « © National Portrait Gallery » bien que l’oeuvre soit tombée dans le domaine public. Mon collègue, jouant « the devil’s advocate », a argumenté que le musée pouvait obtenir le copyright sur la copie numérisée en mettant en avant, non pas l’originalité (évidemment) mais « l’effort fourni » pour obtenir cette version. Pensez-vous qu’un tribunal pourrait juger cet argument recevable ? Et donc que c’est un autre flou juridique dont les organisations patrimoniales peuvent profiter, aussi bien en France qu’au Royaume-Uni ?

    1. Votre collègue fait référence à la doctrine anglaise du Sweat of the Brow (Huile de coude).

      Le copyright anglais ne fonctionne pas comme le droit d’auteur français. La protection n’est pas accordée aux créations lorsqu’elles sont originales, mais lorsqu’elles ont nécessité travail, labeur et habileté.

      Du coup, effectivement en Angleterre, il y a bien un débat pour savoir si les musées peuvent ou non valablement revendiquer un copyright sur les scans d’oeuvres du domaine public.

      Cette doctrine n’est pas applicable aux Etats-Unis, où la jurisprudence (Bridgeman Art Library v. Corel Corp.) a explicitement reconnu que les reproductions fidèles d’oeuvres du domaine public ne pouvaient être copyrightées.

      En France hélas, la situation est plus confuse. On peut être certain à 99% que les juges n’admettraient pas qu’un simple scan d’oeuvre du domaine public soit protégé par le droit d’auteur (faute d’originalité). Mais certaines juridictions ont reconnu le bénéfice de la protection du droit d’auteur à des photographies de tableaux : http://www.lejournaldesarts.fr/oeil/archives/docs_article/25101/les-photographies-de-tableaux.php

      C’est pourquoi il serai nécessaire, soit que la jurisprudence se prononce clairement sur le sujet, soit que la politique des musées soit modifiée, de façon à ce que l’intégrité du domaine public soit respectée.

      A noter, la Commission européenne de son côté s’est souvent montrée attentive à ce que le domaine public ne soit pas recouvert de nouvelles couches de droits à l’occasion de sa numérisation. Avec ce mot d’ordre très clair : ce qui est dans le domaine public doit rester dans le domaine public.

  15. Je découvre votre blog – j’ai juste envie de laisser un petit mot de solidarité.
    Depuis très longtemps, et bien avant l’Internet, j’avais remarqué ces copyrights. Si j’avais un exposé à faire devant un public, je me faisais l’effet d’un voyou qui vole le bien d’autrui, j’étais mal à l’aise. En effet, je faisais confiance à plus érudit que moi en matière de lois et de copyright, je me disais naïvement que c’est la loi, et qu’elle va un peu loin, mais dura lex sed lex.

    Et depuis Internet, je comprennais de moins en moins ces sites web, comme celui de l’INA, qui s’accaparent le bien commun par exemple de l’ORTF (ou pour la Belgique de la RTBF) , d’un manière qu’il me semblait injustifiée : leur rôle devrait être de mettre à disposition et de favoriser la diffusion de contenu déja amplement payé par les impôts de nos parents. Mais il y avait la loi, je restais dubitatif, et vous expliquer clairement qu’en réalité il n’y a pas de loi qui tienne, il s’agit plus ou moins de « passages en force », d’intimidation. Merci de vos explications

    Je crains de ne vous être d’aucun secours concret dans votre combat, j’ai pas les compétences, mais au moins je peux vous témoigner mon soutien, vos arguments me semblent justes, et mon admiration car il est à parier que votre carrière doit en prendre un coup. Si tout le monde avait votre courage, le monde tournerait plus rond.

    Je termine juste par un petit partage – pour le plaisir – et si vous écoutez bien les paroles ça parle un peu du droit d’auteur et du domaine public, apparemment Trenet était au moins d’accord qu’à partir d’un moment, les oeuvres appartiennent à tout le monde, ou plutôt, qu’elles ont au moins été créées pour ça, et pas pour engraisser à vie des pseudo- ayant-droits.

    Charles Trenet, L’âme des poètes : http://www.youtube.com/watch?v=1hfCVJUXHRs

    Ph.

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