Le P2P, la Culture libre et le mouvement des Communs

En novembre dernier, j’ai eu l’occasion d’être invité à Montréal dans le cadre d’un événement intitulé « A l’école des Communs », organisé par l’association Communautique et Remix Biens Communs.

Le premier temps de cette initiative consistait en une conférence portant sur le thème « Le P2P, la culture libre et le mouvement des Communs ». J’ai eu le grand privilège dans ce cadre de pouvoir intervenir aux côtés de Michel Bauwens, l’un des plus importants théoriciens actuels des biens communs et le fondateur de la P2P Foundation.

Ci-dessous, je poste la présentation qui m’avait servi de support.

L’association Communautique a enregistré le lendemain une interview dans laquelle je détaille les points abordés lors de la conférence. J’ai notamment essayé de montrer en quoi à mon sens, la théorie des biens communs s’avère un outil plus puissant que la seule approche par la Culture libre pour répondre aux défis posés par la montée de la répression du partage et l’adaptation de la propriété intellectuelle.

Communautique ayant fait un remarquable travail de montage de la vidéo, vous pouvez naviguer entre les différentes parties grâce à ce plan interactif. Je vous recommande en particulier le point 6, dans lequel je détaille les différences d’approche entre plusieurs solutions de financements alternatifs de la création : licence globale, mécénat global et contribution créative.

TABLE DES MATIÈRES DE L’ENTRETIEN

1. (00:33 secondes) Point de vue d’un juriste sur le P2P et le bien commun

2. (01:44 minutes) Le P2P et ses effets sur les industries culturelles

3. (02:42) Réponse des tribunaux aux pratiques P2P

– Les verrous numériques (DRM) et les lois afférentes (03:27)
– Escalade dans la violence légale (04:33)
– Une atteinte à l’internet comme bien commun (05:12)
– Les différentes lois et traités internationaux (06:47)

4. (07:34) Les stratégies d’acteurs privés

5. (08:16) Face à cette escalade, comment agir?

– La culture libre et ses effets (08:35)
– Les capacités limitées de la culture libre d’aboutir à une réforme globale (09:56)
– La solution par l’approche des biens communs (12:21)
– Phase juridique: légaliser le partage à des fins non marchandes (14:13)
– Phase économique: Économie du partage, financement de la création (15:36)

6. (16:38) Les 3 approches possibles

– Approche 1: Licence globale (16:53)
* Voir: http://www.laquadrature.net/fr/elemen…
– Approche 2: L’approche pirate (18:28)
– Approche 3: La contribution créative (19:32)

7. (22:46) Conclusion
Seule l’approche par les biens communs permet de penser une réforme globale.

Michel Bauwens a lui aussi enregistré une vidéo : « Vue d’ensemble de l’économie collaborative« , qui rend compte des résultats de recherche dégagé dans le cadre de la réalisation de l’ouvrage Synthetic Overview of the Collaborative Economy. Il y fait le lien entre le mouvement des Biens Communs et des phénomènes comme le crowdfunding, le crowdsourcing, la consommation collaborative, le co-design, les monnaies libres, ainsi qu’avec l’émergence d’une Peer-to-Peer Economy, s’appuyant sur des modèles de propriété partagée. Il explique aussi les liens complexes qui existent entre cette nouvelle économie collaborative et l’économie capitaliste, et défend la mise en place d’une Peer Production Licence dont j’ai déjà eu l’occasion de parler dans S.I.Lex.

L’événement « A l’école des Communs » s’est prolongé par une discussion sur l’éCo-nomie des Communs, ayant eu lieu dans le superbe cadre de l’Eglise Saint-Marc de Montréal, qui doit être transformée en un laboratoire citoyen ouvert (le Mandalab). Communautique a enregistré à cette occasion les deux vidéos suivantes :

Merci à Communautique et à Remix Biens Communs pour l’organisation de cet événement et la réalisation de ces vidéos qui permet d’en garder la trace !


16 réflexions sur “Le P2P, la Culture libre et le mouvement des Communs

  1. Il est simplement faux de dire qu’il n’y a QUE trois solutions pour le financement des artistes des « biens immatériels »….voir Wikipedia et cupfoundation.net (Je ferai une présentation de la monnaie ⊔ le 27 Mars à Toulouse et le 18 Avril à Paris).

    De plus, si la seule différence entre « contribution créative » et « licence globale » est la possession d’une carte professionnelle, cela ne résout pas le problème;
    qui rémunérer, quel montant, pour quelle valeur de quelle œuvre et comment quantifier l’intérêt du public gratuitement, en préservant l’anonymat, sans recours à une administration corruptible ?

    1. Je ne prétends pas bien entendu faire le tour de toutes les solutions proposées pour financer la création, mais je me suis limité aux propositions principales, celles qui font l’objet d’une discussion publique et qui sont portées par des organisations représentatives.

      J’ai bien relevé votre proposition, que je trouve intéressante par certains aspects, notamment quant au fait que l’oeuvre peut in fine basculer dans le domaine public. Néanmoins, je pense que vous avez tort de la présenter comme LA solution qui doit prévaloir sur les autres, et pour ce faire, vous tombez dans la caricature facile de la contribution créative.

      Je vous invite à lire Sharing, le livre de Philippe Aigrain, et vous verrez que bon nombre de vos objections portent à côté. http://www.sharing-thebook.com/ ou visionner l’audition que nous avons faite, Silvère mercier et moi, devant la mission Lescure, où nous détaillons le fonctionnement du système : http://www.pcinpact.com/breve/74195-la-premiere-audition-mission-lescure-est-en-ligne.htm

      -> qui rémunérer ? Toute personne qui publie en ligne une oeuvre de l’esprit protégé est éligible pour toucher une redistribution de la contribution créative, mais en pratique, il faudra que les individus déclarent leur intention d’être rémunéré auprès des organismes chargés de le faire. Cela permettra que certains restent dans la diffusion gratuite de leurs contenus (on ne peut frocer quelqu’un qui ne veut pas toucher de rémunération à en recevoir);

      -> quel montant, , pour quelle valeur de quelle œuvre ? Le livre de Philippe Aigrain détaille très bien ces aspects : http://www.sharing-thebook.com/

      -> comment quantifier l’intérêt du public gratuitement, en préservant l’anonymat, sans recours à une administration corruptible ? En mettant en place des panels d’internautes qui accepteront volontairement de fournir leurs données anonymisées de consultation.

      Plus de précision également dans ce billet qui dtéaille les différences entre la licence globale et la contribution créative : https://scinfolex.wordpress.com/2012/11/06/reponse-aux-arguments-du-parti-pirate-suedois-contre-la-licence-globale/

      Je prendrais le temps de faire une réponse plus détaillée à vos objections contre le Manifeste de SavoirsCom1 (mais il faut que je le trouve, le temps…).

      Concernant la distinction entre marchand et non-marchand, Philippe Aigrain a déterminé une définition stricte du non-marchand, qui me paraît tout à fait opératoire : http://paigrain.debatpublic.net/?p=4203

      1. Sur votre audition de la mission Lescure, re-écoutez la minute à 1h17. P. Lescure vous dit qu’il n’y a pas actuellement de modèle, et vous lui répondez qu’il faut l’inventer !…., pas de lire le livre de P. Aigrain !
        Il y a de nos jour un moyen simple de montrer qu’on modèle est viable…c’est de faire un simulateur ! O`u puis-je trouver le simulateur de la « contribution créative » ?
        Pour le ⊔, il y a 2 simulateurs en construction;
        http://pi.pelinquin.fr/cup (sans sécurité) et http://pi.pelinquin.fr/node (avec sécurité)
        et je travaille sur une version P2P.
        Mais comme j’ai commencé à m’intéresser au sujet que depuis l’été 2012, c’est bien loin d’être fini !
        Cordialement,

        1. Je ne pense pas que la meilleure manière de promouvoir votre solution soit de caricaturer celles des autres…

          Nous avons présenté des solutions articulées et développées à la mission Lescure, en répondant aux questions qui nous étaient posées. Le passage auquel vous faites référence n’est pas une esquive, mais il renvoie à une réalité : toutes solutions de financement de la création devra faire l’objet de négociations très complexes entre les parties en présence. Ce qui condamne d’ailleurs les solutions trop précises. Il faut avoir une marge de manoeuvre pour espérer réussir.

          Si vous voulez que je m’intéresse à votre projet, cessez de caricaturer les autres solutions, lisez les descriptions les plus complètes et restez un minimum ouvert.

          Là, on pourra discuter.

          Sinon, vous vous condamnez à crier dans le désert…

          Calimaq

          PS : Philippe Aigrain a mis en place sur son site un simulateur très complet pour la contribution créative http://www.sharing-thebook.com/models

  2. Merci pour cette diffusion des interviews avec ta présentation. Il faut aussi remercier la Chaîre Nycole Turmel sur les espaces publics et les évolutions politiques (www.turmel.uqam.ca/chaire) sans laquelle cela n’aurait pas été possible.
    Je trouve très intéressant, dans le point 5 de ton interview, de mettre en évidence l’importance de mesurer la progression de la culture libre, et de le faire à travers l’évolution de la proportion des contenus sous licence CC et non seulement par la possibilité d’utiliser la licence. Cette difficulté à avoir un effet de transformation sociétal rappelle celle de l’économie sociale qui reste relativement marginale, alors même qu’elle porte un ensemble considérable de services sanitaires, sociaux, culturels et économiques… Cela tend à justifier la nécessité de travailler à un changement de cadre légal et des structures globales.

    1. Bonjour Frédéric,

      Je rajoute en effet la Chaîre Nycole Turmel dans les remerciements.

      Cette question du taux de pénétration des licences libres me paraît en effet très importante et c’est en en prenant conscience que j’ai commencé à changer d’approche. Ce taux de 3/4% qui ne bouge pas significativement d’année en année traduit un problème rencontré par ces licences à devenir « mainstream ». Leur usage est le fait de petites communautés conscientisées et fortement engagées. Bien sûr cela permet de produire déjà des effets non négligeables sur le système. Une petite proportion d’utilisateurs peut produire par exemple un site comme Wikipédia et 3 ou 4% d’utilisateurs de Flickr ont constitué une ensemble de 280 millions de photographies réutilisables.

      Mais politiquement, on ne change pas un système avec des chiffre de 3 ou 4%. Et combien représentent ces chiffres par rapport au milliard d’individus qui sur Facebook participent à un « faux » partage des contenus, qui est aux antipodes de la logique des biens communs ?

      On tombe alors sur des problématiques proches de celles de l’écologie. Bien sûr, il est important que les individus adoptent dans leur quotidien des pratiques de consommation équitables et écologiques. Mais est-ce suffisant pour inverser la tendance ? Ne faut-il pas rechercher des solutions à un niveau plus global, qui passent par une action politique pour changer les règles du système ?

      La Culture libre est confrontée à mon sens au même problème et je pense que c’est la que l’approche par les biens communs peut jouer, parce qu’elle a à mon sens un effet de levier politique plus puissant et plus rassembleur que le « Libre ».

      Pour le dire simplement, je crois que la problématique des biens communs a cette capacité de devenir « mainstream » (on l’a vu d’ailleurs pendant la Révolution Erable au Québec).

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.