Appel à projets Numérisation des contenus culturels : zone rouge intégrale ? #grandemprunt

Le Ministère de la Culture et le Ministre de l’Economie numérique ont lancé la semaine dernière un appel à projets portant sur la « numération et valorisation des contenus culturels, scientifiques et éducatifs ». Cet appel s’inscrit dans le cadre des Investissements d’Avenir, c’est-à-dire de l’Emprunt national (ou grand Emprunt), annoncé il y a un peu plus d’un an par le Gouvernement.

On se souvient qu’une enveloppe de 750 millions d’euros devait être allouée pour la numérisation des contenus culturels et qu’une consultation avait été lancée par l’ancien Secrétariat à l’économie numérique en juin dernier à propos des « contenus et usages numériques », qui englobait la question de la numérisation.

Très peu de commentaires de fond ont été écrits à propos de ces questions, effroyablement complexes (et opaques…), il est vrai. Je vous recommande cependant d’aller lire deux billets rédigés par Christian Fauré cet été sur son blog Hypomnemata, qui donnent certaines clés essentielles de compréhension :

J’ai pour ma part écrit, il y a deux semaines, un billet pour défendre l’idée que la numérisation des contenus culturels ne devait pas tendre à les faire passer en bloc dans ce que j’appelle la « zone rouge » (la commercialisation pure et dure), mais viser à constituer une « zone verte », où un nouvel équilibre entre l’exploitation et l’accès serait instauré.

C’est à travers ce prisme que je vous invite à lire le texte de cet appel à projets, et vous allez vous rendre compte comment on peut craindre qu’il nous plonge dans le rouge intégral, sans ménager aucune possibilité d’accès ouvert aux contenus qu’il entend porter en ligne.

Par dope!. CC-BY-NC-SA. Source : Flickr.

Cet appel s’adresse au secteur privé (PME, Entreprises de Taille Intermédiaire, Grandes Entreprises) et à la marge à d’autres types d’acteurs (établissements de recherche, associations). Les types de projets qui peuvent être proposés doivent porter : 1) sur la production de contenus numériques (numérisation proprement dite ou métadonnées, 2) Le traitement et la gestion de contenus numériques (stockage, indexation, thésaurus, outils de recherche), 3) La mise à disposition des contenus aux utilisateurs (système de commercialisation, gestion des droits).

Je vais me concentrer dans un premier temps sur l’aspect numérisation et production de contenus. L’appel nous dit que ce qui est visé, c’est la numérisation du patrimoine :

La France dispose d’atouts importants dans le domaine de la numérisation des contenus, avec notamment un patrimoine culturel, scientifique et éducatif, majeur, avec des programmes de numérisation significatifs engagés depuis des années.

Et plus loin, il est dit que la production de contenus numériques pourrait porter sur :

La numérisation du patrimoine existant par acquisition de données optiques ou sonores, la reconnaissance automatique d’écriture manuscrite, la captation d’un objet et « virtualisation de ce dernier ».

Soit.

Mais l’appel comporte une lacune béante, énorme, presque inimaginable… A aucun moment, il ne précise où les partenaires privés vont trouver ce fameux patrimoine. Ils ne vont certainement pas le fabriquer, ni le trouver dans les arbres, et jusqu’à preuve du contraire, le patrimoine français est conservé par les institutions culturelles : archives, bibliothèques et musées. A aucun moment, ces trois mots ne sont employés. Étrange quand même…

Continuons dans les bizarreries. Nulle part il n’est défini ce que l’on doit entendre par patrimoine. S’agit-il d’oeuvres appartenant au domaine public, pour lesquelles le droit d’auteur est éteint, ou au contraire d’oeuvres toujours protégées ? La distinction est très importante, car les répercussions en termes d’accès ne sont pas du tout les mêmes. On verra plus loin que cela peut avoir des conséquences assez fâcheuses.

Passons maintenant au modèle économique qui sous-tend cet appel. Il est clairement affirmé que l’objectif visé est la rentabilité financière et le retour sur investissement pour l’Etat :

L’intéressement de l’Etat aux résultats du projet sous la forme d’un retour financier constitue un objectif important du présent appel. Les entreprises partenaires du projet sont invitées à présenter des propositions en ce sens.

Les sommes versées sont constituées par des « subventions, ou le cas échéant, avances remboursables« . C’est une différence notable par rapport au dispositif général de financement des projets dans le cadre du Grand Emprunt, qui consiste plutôt en des prêts remboursables avec intérêt. Néanmoins, la part entre véritables subventions et avances remboursables est difficile à déterminer à la lecture de l’appel. Parmi les critères d’évaluation des projets soumis, figurent en premier les retombées économiques attendues, ainsi que le niveau du retour financier proposé à l’Etat.

Je vous renvoie à la lecture des billets de Christian Fauré cités plus haut pour juger de la pertinence d’un tel modèle appliqué à des contenus culturels. J’apprécie particulièrement ce passage :

Retour à la case départ : comment valoriser la numérisation du patrimoine ? Songeons y un instant, si l’on se donne tant de mal pour imaginer un modèle d’affaire viable pour une filière industrielle de numérisation, c’est peut-être parce que le numérique, de manière tendancielle, ne vaut rien. Le numérique a un coût, surtout lorsqu’on doit numériser, mais, une fois l’investissement réalisé, financièrement et en tant que tel, il ne vaut plus rien. Soyons plus précis : un fichier numérique ne vaut rien. Et c’est bien la raison pour laquelle le monde de l’édition freine des quatre fers lorsqu’il s’agit de faire circuler un fichier numérique existant (même pour en donner une copie pour archive à une institution, la plupart refusent). Un fichier numérique en circulation, c’est de la nitroglycérine pour celui qui en attend une source de revenu.

Le décor étant planté, observons à présent ce qui ne figure pas, de manière criante, dans cet appel à projets.

Nous parlons bien de numérisation de contenus culturels, scientifiques ou éducatifs. Or je ne vois nulle part inscrit que les contenus produits devront pouvoir servir dans le cadre de l’enseignement et de la recherche. Surprenant quand même, non ? On aurait pu s’attendre à ce qu’une numérisation financée grâce à des crédits publics se donne pour objectif de développer les ressources pédagogiques et de recherche. Mais cela ne figure, ni dans les critères d’évaluation, ni nulle part dans les objectifs annoncés.

Cette omission est relativement surprenante, car en relisant bien le rapport Zelnik, paru en janvier dernier, on se rend compte qu’il proposait justement que les livres et les films numérisés grâce aux crédits du Grand Emprunt puissent faire l’objet d’usages élargis dans l’Education nationale ou en médiathèque (j’avais écrit un billet dans S.I.Lex à ce sujet). On remarquera par contre que l’idée – bancale – de la fameuse Taxe Google est restée de ce rapport Zelnik, mais que celle de faciliter les usages pédagogiques a comme mystérieusement disparu…

Il y a plus grave au chapitre des omissions. Nulle part, il n’est indiqué que les partenaires privés devront apporter certaines garanties en terme d’accès aux corpus numérisés, notamment quand ceux-ci sont constitués par des oeuvres appartenant au domaine public. Et c’est là qu’on peut voir surgir le risque de dérives dangereuses. La numérisation n’est pas une opération qui peut faire renaître des droits sur une oeuvre du domaine public (c’est marqué ici en toutes lettres sur le site du Ministère de la Culture). Mais avec un tel modèle économique, comment les partenaires privés pourront-ils proposer un retour financier à l’Etat s’ils n’exploitent pas les oeuvres d’une manière ou d’une autre ? Et comment pourront-ils le faire s’ils n’exigent pas des formes d’exclusivités ou de restriction d’accès plus ou moins larges sur le patrimoine numérisé ?

C’est là qu’il est peut-être bon de rappeler qu’à l’origine la numérisation des contenus culturels n’était pas prévue dans le champ du Grand Emprunt, mais que c’est afin de développer une alternative aux projets de numérisation de Google qu’un volet numérisation a été ajouté aux Investissements d’avenir. On trouve trace de cet objectif très clairement dans le rapport Tessier sur la numérisation du patrimoine écrit, remis en janvier 2010 (voyez ici).

Ce rapport critique les exclusivités et restrictions d’usage imposées par Google (exclusivité d’indexation, exclusivité commerciale, etc) et propose comme une des solutions possibles de recourir au Grand Emprunt pour numériser notamment les oeuvres épuisées.

Mais avec le dispositif du Grand Emprunt, ne court-on pas le risque de faire pire que les restrictions de Google ? Car en matière d’exclusivité, les petits poissons sont peut-être plus à redouter que les gros. Ils croquent de moins gros morceaux, mais ils ont besoin de mordre plus fort pour survivre.

On dispose déjà d’exemples de partenariats public/privé étrangers qui donnent une idée des contreparties exigées par des firmes privées pour rendre rentables leurs projets de numérisation. Ainsi au Danemark, Proquest a noué un partenariat avec la Bibliothèque royale pour la numérisation de livres anciens. Les ouvrages sont librement accessibles sur place dans les établissements d’enseignement et de recherche, ainsi que dans les bibliothèques publiques. Mais l’accès est réservé aux seuls résidents du Danemark et il devient payant pour le reste du monde. En Angleterre, la British Library est en partenariat avec la firme Gale-Cengage,  pour la numérisation de la presse ancienne notamment, avec le soutien du consortium JISC. Les contenus numérisés sont accessibles gratuitement au sein des universités anglaises, mais elles sont en accès pay-per-view à partir d’internet pour le citoyen lambda.

On le voit, dans les deux cas, on aboutit à des modèles bien plus fermés en définitive que celui de Google. Les oeuvres du domaine public numérisées par Google font l’objet de certaines formes d’exclusivités, mais elles sont accessibles gratuitement par tous depuis Internet. Ce n’est pas le cas des deux exemples cités plus haut.

L’appel à projet numérisation des contenus culturels ne fixe aucune contrepartie en termes d’accès public, ni garanties d’aucune sorte en matière d’exclusivité. A aucun moment, cela ne figure dans les critères de choix des projets…

Voilà qui me fait dire que nous nous acheminons vers un passage dans la zone rouge intégrale, celle de la commercialisation des contenus, au lieu de rechercher un nouveau point d’équilibre dans une zone verte, au sein de laquelle les contenus pourraient faire l’objet de formes d’accès public élargis. Et pour ce qui est des contenus appartenant au domaine public, la logique économique de l’appel pourrait tout bonnement les y soustraire.

Une dernière remarque concernant les ambiguïtés de cet appel. Il y a tout lieu de penser que c’est dans ce cadre que devraient être numérisées les ouvrages indisponibles du XXème siècle, projet qui a été réaffirmé par le Ministère de la Culture, malgré la signature d’un accord entre Google et Hachette pour la numérisation du fonds d’épuisés de l’éditeur (voyez ce discours datant d’il y a trois jours). On ne peut d’ailleurs s’empêcher de voir un certain lien de proximité entre le lancement de cet appel et l’accord Hachette/Google, signé trois semaines plus tôt.

Si c’est bien le cas, on s’étonnera que l’appel soit lancé avant même qu’un texte de loi ne soit intervenu pour régler les questions de droits très profondes qui se posent à propos de la numérisation des oeuvres épuisées, et notamment celle du respect des droits des auteurs. La nécessité d’un tel projet de loi avait été affirmée par le ministère (ici notamment), de même que l’éventualité de mettre en place un système de gestion collective. C’est quelque part complètement mettre la charrue avant les boeufs que de lancer un tel appel sans que la question légale sous-jacente ne soit résolue. L’appel est d’ailleurs très laconique en général sur les questions de droits, pourtant centrales en matière de numérisation.

Je vais laisser le mot de la fin à Christian Fauré qui me semble avoir vu juste dès cet été :

Ma crainte est que, dans cette configuration, ce soit les versants « économie politique » et « politique culturelle » […] qui passent à la trappe, avec une forme de privatisation de l’accès au patrimoine numérique.


3 réflexions sur “Appel à projets Numérisation des contenus culturels : zone rouge intégrale ? #grandemprunt

  1. Il est probable que le grand emprunt soit catastrophique : dans un premier temps çà a été perçu comme le financement d’une politique culturelle qui se plaçait au coeur d’une économie politique. Puis, la crise aidant, l’état s’est présenté comme un simple « investisseur avisé » dans le cadre de l’appel à idées de l’été dernier.

    Le rôle d’un état a toujours été marqué par sa capacité à investir sur le long terme, chose que ne peut pas faire le secteur privé. Avec le grand emprunt, l’état nous dit donc en substance qu’il ne peut plus jouer le rôle d’un état, qu’il n’a plus d’argent, et cela nous force à considérer le grand emprunt comme un « grand holdup » si l’on fait référence à la « zone rouge intégrale » dont tu parles.

    Résultat des courses, les institutions culturelles ont été lâchées en cours de route, avec des impacts importants sur leur gestion budgétaire. Comment remonter la pente quand on vous annonce en n-1 plusieurs millions de financement pour vous dévoiler ensuite que c’est en fait un budget soumis à rentabilité à court terme ?

    Sacré coup bas quand-même ! C’est un peu à l’image d’un Fillon qui se décharge sur Météo France suite à la panique de la semaine dernière.

    C’est une déresponsabilisation inquiétante des professionnels de la profession politique qui ont lâché leurs institutions en cours de chemin. En langage militaire cela s’appelle une désertion, celle de la puissance publique à l’heure ou les dirigeants rêvent de faire de la France une entreprise et une *marque*, mais certainement plus un pays et une nation.

    L’activité d’un gouvernement semble être réduite à la vente de centrale nucléaires et d’airbus d’une part et à la liquidation de la chose publique d’autre part. Tchatcher et Reagan en ont rêvé, nos représentants politiques le font actuellement.

    Entre temps il y a eu l’affaire Wikileaks qui montre que, en matière de technologies de publication, il y a des modèles distribués qui court-circuitent toute initiative qui ne prend pas en compte les logiques du web. Et tu es mieux placé que moi pour savoir qu’internet désajuste tous les autres systèmes : économiques, sociaux,, politique et, bien sûr, juridique.

    Laissons les choses se faire et attendons qu’un « NumerizationLeaks » publie les corpus numérisés …

  2. Bonjour Calimaq,

    Je m’interroge sur un point de votre démonstration. Cela n’est pas bien clair pour moi. J’espère ne pas être trop naïf dans l’exposé de mon point de vue.

    Vous écrivez: « La numérisation n’est pas une opération qui peut faire renaître des droits sur une œuvre du domaine public ». Personne ne peut le contester.

    Mais lorsqu’un éditeur vend une copie numérique d’une œuvre du domaine public, cela ne signifie pas nécessairement qu’une telle mise en vente procède d’une opération de privatisation des œuvres du domaine public.

    Partons d’un exemple qui vaut ce qu’il vaut puisqu’il ne fait pas appel à un support numérique: quand j’achète Le Rouge et le Noir en ouvrage papier de format poche, je verse un certain prix et pourtant il s’agit d’une œuvre du domaine public. Le prix d’acquisition peut se justifier de diverses manières. En premier lieu, le coût de fabrication et de distribution de l’objet. Dans le domaine du numérique, ces coûts (en substituant au coût de fabrication la notion de coût de numérisation) sont moindres. Soit. En second lieu, le prix peut se justifier également par une plus-value apportée par l’éditeur (commercial ou scientifique): une mise en page soignée, des illustrations, un appareil de notes, une introduction ou une préface, une bibliographie, etc. Or il me semble que ces suppléments ne sont pas appelés à disparaître dans la version numérique d’une œuvre du domaine public: bien au contraire, on peut supposer que la tendance éditoriale ira bientôt dans le sens d’un enrichissement du contenu des oeuvres du domaine public non seulement par un appareil critique mais aussi par des liens hypertextes ou des enregistrements sonores ou vidéo: on s’orienterait vers un livre augmenté au lieu du simple « livre homothétique », simple fac-similé de l’ouvrage papier.

    Il faudrait donc distinguer trois cas de figure:

    1°- L’éditeur produit une simple copie en bonne et due forme, sans enrichissement particulier, d’une œuvre du domaine public. Et si l’ouvrage papier étalon comporte un appareil critique, on supposera que le délai de 70 ans est éteint, autrement dit que les droits patrimoniaux des contributeurs n’ont plus cours. Dans ce cas de figure, je vous rejoins pleinement: il paraîtrait aberrant que l’éditeur qui, comme vous le rappelez, bénéficie de subventions publiques pour la numérisation, soit autorisé à commercialiser la version numérique de l’ouvrage. Il faudrait que les dispositifs mis en place par le Ministère de la Culture entraînent une obligation faite à l’éditeur subventionné de rendre libre d’accès et d’usage la version « homothétique ».

    2°- L’éditeur produit une copie pure et simple d’une œuvre du domaine public accompagnée de son appareil critique tel qu’il figurait en l’état dans la dernière version papier diffusée par le même éditeur. On supposera cette fois que, touchant le paratexte, le délai de 70 ans n’est pas éteint. En droit d’auteur, on se heurte ici à un hiatus ou du moins à un flou: si l’œuvre en elle-même ne fait plus naître de droits patrimoniaux, il n’en est pas de même du paratexte… A moins que le contrat d’édition ait prévu que la réédition de l’ouvrage, quel que soit le support, ne s’accompagne pas d’une nouvelle rétribution des contributeurs de l’appareil critique… Ce cas est donc problématique et je manque complètement d’une vue précise en droit et en fait des contrats d’édition en la matière pour pouvoir préciser si le hiatus est réel ou non. Mais disons simplement que si en définitive, un contrat d’édition prévoit que la version numérique d’une œuvre du domaine public assortie de notes doit donner lieu à un nouveau versement de droits patrimoniaux au bénéfice des auteurs de l’appareil critique, on peut raisonnablement s’attendre à ce que la rétribution soit faible et à ce qu’elle ne se répercute que marginalement sur le prix de vente final. Car dans ce cas de figure, le caractère de nouveauté du contenu textuel est inexistant. Les lecteurs seraient en droit d’attendre un prix de vente final très faible voire nul.

    3°- L’éditeur ne se contente pas de la version homothétique de l’œuvre initiale, agrémentée ou non d’un appareil critique, mais l’enrichit considérablement par toutes sortes de procédés énumérés plus haut, notamment audio et vidéo. Et si l’ouvrage papier étalon possédait déjà un appareil de notes, l’éditeur met à jour ou complète ces notes afin de justifier du fait que la version numérique constitue une nouvelle version. Dans ce cas de figure, il ne semble pas choquant que l’éditeur commercialise l’œuvre à un certain prix.

    Un risque à peine caché se dessine dans cette configuration. Il pèse du côté des lecteurs. Il suffirait à un éditeur d’ajouter une simple ligne de note dans l’appareil critique de la version numérique pour se targuer du caractère nouveau de la version éditoriale proposée de l’œuvre du domaine public et justifier ainsi la mise en vente du produit numérisé. Mais si parallèlement, il existe une œuvre en accès libre (premier cas de figure) ou à prix modique (deuxième cas de figure) qui présente, à une ligne de notes près, strictement le même contenu, les lecteurs seront tentés de se tourner naturellement vers ces autres versions disponibles.

    Economiquement parlant, il n’est pas dans l’intérêt des éditeurs de s’en tenir à la production d’un simple fac-similé de la version papier. Quand bien même le Ministère de la Culture décidait de ne pas imposer aux éditeurs subventionnés l’obligation de libérer l’accès à la version « homothétique » des œuvres du domaine public (premier cas de figure), les éditeurs devraient s’attendre à un chiffre d’affaires très faible, car les lecteurs auraient tôt fait de se déporter vers d’autres offres plus attractives (c’est-à-dire gratuites), comme celle proposée par Google.

    Tout se passe comme si la loi du marché était de nature à inciter à l’innovation éditoriale, par un enrichissement des œuvres du domaine public. Bref, ce qui est demandé par les consommateurs-lecteurs aux éditeurs, c’est que ces derniers ne se contentent pas d’un simple travail de numérisation, mais s’engagent dans un processus éditorial digne de ce nom: qu’ils s’aventurent dans cette zone, certes rouge, où se situe la véritable plus-value qu’ils peuvent procurer aux œuvres du domaine public.

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